Question de M. BRAYE Dominique (Yvelines - RPR) publiée le 13/11/1997
M. Dominique Braye attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la délocalisation annoncée du siège national de la Sonacotra à Mantes-la-Jolie. Cette décision avait été prise le 10 avril 1997 par le CIAT (comité interministériel sur l'aménagement du territoire), parmi plusieurs mesures de délocalisations d'administration ou d'établissements publics au profit de site en reconversion industrielle et de sites d'intervention prioritaire de la politique de la ville. La ville de Mantes-la-Jolie, cumulant ces deux critères, était particulièrement éligible à bénéficier d'une telle mesure, qui permettait des retombées économiques positives : arrivée dans la commune de plus de 200 emplois, sans compter les emplois induits, générant une taxe professionnelle annuelle d'environ 5 millions de francs. Mantes-la-Jolie et son agglomération sont en effet sinistrées au plan économique et aux prises avec de graves difficultés financières (potentiel fiscal inférieur de 40 % à la moyenne nationale) et d'importants problèmes sociaux (taux de chômage élevé, plus grande ZUP de France avec le Val Fourré). 800 emplois industriels y ont été supprimés ces deux dernières années, et plusieurs autres sites industriels sont menacés à brève échéance. L'exercice budgétaire de la commune, pour la seule année 1998, du fait de la diminution des ressources fiscales et de certaines dotations, sera marqué par une perte annuelle de 9 millions de francs, qu'aurait compensée pour moitié la taxe professionnelle versée par la Sonacotra. Dans ce contexte, la délocalisation à Mantes-la-Jolie de la Sonacotra était une mesure particulièrement attendue, vitale pour cette ville et l'ensemble de son agglomération, ce que l'ensemble des élus locaux du district urbain de Mantes ont souligné à l'unanimité. Il leur a semblé indispensable de rappeler que M. le Premier ministre lui-même a affirmé que les engagements pris par le précédent gouvernement doivent être honorés, en vertu du principe républicain de continuité, et ce d'autant plus que la survie économique d'une commune et de tout un bassin d'emploi est en jeu. En conséquence, il lui demande donc de maintenir la décision de délocaliser le siège national de la Sonacotra à Mantes-la-Jolie et de préciser la date à laquelle cette délocalisation sera mise en oeuvre.
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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 21/01/1998
Réponse apportée en séance publique le 20/01/1998
M. Dominique Braye. Madame le ministre, le 10 avril 1997, le comité interministériel pour l'aménagement et le
développement du territoire réuni à Auch annonçait plusieurs mesures de délocalisation d'administrations ou
d'établissements publics au profit de sites en reconversion industrielle et de sites d'intervention prioritaire de la politique de
la ville.
Parmi ces sites, la ville de Mantes-la-Jolie était désignée pour accueillir le siège national de la SONACOTRA,
établissement public industriel et commercial, actuellement situé à Paris.
Mantes-la-Jolie, ainsi que l'ensemble de l'agglomération mantaise, tout le monde le sait, est dans une situation économique
et sociale extrêmement difficile, qui va en se dégradant malgré les efforts incessants des élus locaux, et renforcés depuis
trois ans par ceux de l'Etat, de la région et du département des Yvelines dans le cadre de nombreuses actions, notamment
un grand projet urbain. Nous devons d'ailleurs signer demain matin un contrat d'aménagement régional et un contrat de
développement urbain avec M. Besson, secrétaire d'Etat au logement.
Mais force est de constater que, malgré leur ampleur, ces efforts convergents restent, hélas ! encore insuffisants.
En effet, 800 emplois industriels ont été supprimés dans l'agglomération mantaise ces deux dernières années et plusieurs
entreprises importantes sont actuellement en grande difficulté, comme New Sulzer Diesel, à Mantes-la-Ville, qui perdra
230 emplois en 1998, menaçant 750 emplois indirects chez ses sous-traitants, ou comme le Pari mutuel urbain, qui perdra
60 emplois sans parler de l'abandon par France Télécom du réseau câblé de Mantes, le seul de notre pays dont la
disparition est programmée sans la moindre concertation avec les élus locaux !
L'exercice budgétaire 1998 de la commune de Mantes-la-Jolie aurait été marqué par la perte annuelle de 9 millions de
francs de ressources fiscales et de dotations si deux amendements, l'un proposé par M. Gilles Carrez sur le Fonds
national de la taxe professionnelle, le FNTP, et l'autre par M. Didier Migaud, concernant le fonds départemental de
péréquation de la taxe professionnelle, n'avaient pas été adoptés par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances pour
1998.
Ces dispositions budgétaires permettront de pallier en partie la baisse sensible des ressources fiscales de Mantes-la-Jolie,
qui perdra quand même annuellement plus de 1 800 000 francs.
L'équilibre du budget de Mantes-la-Jolie, même s'il est partiellement préservé pour l'année 1998 grâce aux mesures
parlementaires que j'évoquais précédemment, reste donc très menacé pour les années suivantes, en raison de
perspectives économiques locales inquiétantes et en l'absence de nouvelles ressources fiscales pérennes.
Par ailleurs, la ville de Mantes-la-Jolie est confrontée à d'importants problèmes sociaux liés à la présence sur son territoire
d'un très important quartier difficile, connu de tous, le Val-Fourré : classé en zone franche urbaine, celui-ci représente 25
000 habitants sur une population communale totale de 45 000 habitants et constitue la plus grande ZUP de France.
Pour toutes ces raisons, il était apparu indispensable de faire bénéficier Mantes-la-Jolie des retombées économiques
positives de la politique de délocalisation, et donc d'y maintenir le transfert du siège de la SONACOTRA.
Cette délocalisation permettrait en effet l'arrivée dans la commune de près de deux cent cinquante emplois, sans compter
les emplois induits, les conséquences positives pour le commerce local et, bien sûr, générerait une taxe professionnelle
annuelle de l'ordre de 5 millions de francs, véritable ballon d'oxygène, indispensable à l'avenir de cette ville-centre.
Il convient de préciser que l'ensemble des maires des huit communes du district urbain de Mantes, que j'ai l'honneur de
présider, quelle que soit leur appartenance politique, y compris Mme Peulvast-Bergeal, député-maire socialiste de
Mantes-la-Ville, et leurs conseillers municipaux ont tous voté, à l'unanimité, une motion demandant que ce transfert du
siège de la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie soit maintenu.
Il a semblé indispensable à tous les élus locaux de rappeler ce que M. le Premier ministre a affirmé lui-même récemment,
à savoir que les engagements pris par le précédent gouvernement doivent être honorés, en vertu du principe républicain
de continuité.
J'ajouterai, madame le ministre, que la décision de délocaliser le siège de la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie s'inscrit
dans le cadre très spécifique de la politique d'aménagement du territoire que vous défendez, à savoir le rééquilibrage de la
région d'Ile-de-France. En effet, au sein d'un département comme celui des Yvelines, coexistent des territoires aisés et
d'autres très défavorisés. C'est ce que la politique d'aménagement du territoire a le devoir de corriger.
Cette délocalisation symbolisait par ailleurs la victoire du pouvoir politique sur la technocratie et l'administration centrale,
lesquelles oeuvraient pour que cette délocalisation se fasse en Seine-Saint-Denis, pour s'y retrouver ainsi « en famille »,
aux côtés des autres administrations relevant de la politique de la ville.
En conséquence, madame le ministre, afin que la survie économique d'une commune et de tout un bassin d'emploi soit
prise en compte, afin que la parole de l'Etat soit tenue et afin d'affirmer que la décision du politique prime celle de
l'administration, je vous demande instamment de maintenir cette délocalisation du siège de la SONACOTRA à
Mantes-la-Jolie et de bien vouloir me préciser la date à laquelle celle-ci sera effectivement mise en oeuvre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur,
vous m'interrogez sur le projet de délocalisation du siège de la Société nationale de construction de logements pour les
travailleurs, la SONACOTRA, à Mantes-la-Jolie.
Je voudrais tout d'abord rappeler l'historique des travaux sur une nouvelle implantation de cet organisme.
Une expertise, relative à la faisabilité de la délocalisation du siège de la SONACOTRA, avait été demandée par le comité
interministériel d'aménagement du territoire de Troyes du 20 septembre 1994.
Cette expertise, réalisée en 1995 par M. Jean-Paul Lacaze, ingénieur général des Ponts et Chaussées, concluait à la
possibilité de réaliser un tel transfert dès lors qu'un certain nombre de précautions étaient prises, notamment la
concertation poussée avec le personnel, un projet élaboré en interne, un délai de réalisation d'au moins quatre à cinq ans,
la recherche d'un site en Ile-de-France.
La situation a ensuite peu évolué. Lors du CIADT d'Auch du 10 avril 1997, auquel vous avez fait allusion, une
proposition d'affecter la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie a été inscrite dans un document préparatoire, mais elle n'a pas
fait l'objet d'une décision de ce Comité. Aucun engagement n'a donc été pris.
Il ne s'agit donc pas là d'une exception. Sans vouloir polémiquer, je pourrais citer d'autres exemples d'annonces de
délocalisation qui ont suscité d'énormes espoirs dans les territoires destinés à accueillir tel ou tel équipement. La déception
n'en fut que plus grande lorsque les élus locaux et les partenaires territoriaux se rendirent compte que rien n'était conçu
pour crédibiliser l'engagement médiatique d'un jour.
Tel avait été le cas pour le CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles,
pour lequel le CIADT du 15 décembre 1997 a confirmé l'engagement de délocalisation à Limoges. Cet engagement avait
été pris plusieurs années auparavant, mais il n'avait connu aucun début de concrétisation.
Lors de ce CIADT de 1997, les grands principes d'une politique équilibrée d'implantation des emplois publics ont été
précisés. Parmi ceux-ci figurent la concertation renforcée, l'accompagnement social juste, cohérent et lisible, et la
constitution de pôles de compétences.
C'est en s'appuyant sur ces principes et sur le rapport de M. Jean-Paul Lacaze que ce CIADT a invité plusieurs
organismes, dont la SONACOTRA, à soumettre à leurs instances dirigeantes un projet de réimplantation de leur siège à
Saint-Denis pour conforter le pôle d'administration sociale qui y a été constitué.
Je comprends cependant tout à fait votre inquiétude. Vous attendez en effet que de nouveaux organismes s'implantent à
Mantes-la-Jolie pour contribuer à diminuer les difficultés auxquelles cette ville est confrontée.
Je tiens en tout état de cause à vous faire part de ma disponibilité pour examiner avec vous les différentes possibilités.
A Mantes-la-Jolie comme à Saint-Denis, les taux de chômage sont très élevés et les difficultés sont très importantes. Le
Gouvernement auquel j'appartiens y attache évidemment une attention toute particulière, et il est prioritaire pour mon
ministère de faire en sorte que les équipements soient répartis de façon homogène, équitable à l'est comme à l'ouest de
Paris, au nord comme au sud.
Notre travail consiste en l'occurrence à constituer des pôles d'excellence, des pôles de compétences qui soient cohérents,
fonctionnels, économes des fonds publics.
Je suis sûre que vous partagez cette ambition avec moi et je vous confirme que je me tiens à votre disposition pour
travailler avec vous aux solutions qui pourraient permettre de répondre aux difficultés spécifiques de votre ville.
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Madame le ministre, il est inutile de vous faire part de notre déception à l'égard d'une décision
que nous sentions venir depuis un certain temps : la délocalisation de la SONACOTRA se fera non pas à Mantes-la-Jolie
mais à Saint-Denis.
Nous estimons quant à nous que la décision de délocalisation avait été prise par le CIADT de 1997 - je ne partage donc
pas votre analyse - comme en témoignent les « bleus » des réunions de ces comités interministériels.
Je souligne l'inquiétude et la déception de tous les élus locaux de la région mantaise. Manifestement, malgré les efforts de
l'Etat et de nos autres partenaires, le département et la région, pour l'instant, cette région, que tout le monde connaît pour
ses problèmes économiques et sociaux, ne fait malheureusement qu'enregistrer des départs et aucune arrivée.
Le transfert de la SONACOTRA à Saint-Denis marque le non-respect du principe de continuité de la part d'un
Gouvernement par rapport aux décisions prises par le gouvernement précédent.
Par ailleurs, ce transfert traduit - vous ne m'empêcherez pas de le dire - la victoire de la technocratie et de l'administration
centrale sur le politique parce que la décision qui avait été prise à l'occasion du CIADT d'Auch était manifestement une
volonté politique forte.
Peut-être cette décision allait-elle à l'encontre des désirs du personnel qui ne souhaitait pas s'expatrier ? Mais n'est-ce pas
le propre de toute délocalisation !... Je regrette que le Gouvernement ait cédé à ces pressions qui n'ont rien à voir avec le
respect des principes régissant l'aménagement du territoire.
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