Question de M. HURIET Claude (Meurthe-et-Moselle - UC) publiée le 05/11/1997

M. Claude Huriet souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'accord conclu entre La Poste et le groupe d'assurances Assurances générales de France, relatif à la distribution de produits d'assurances dommages. Selon les informations disponibles, l'accord concerné prévoit que la responsabilité de la formation des personnels chargés de gérer les contrats d'assurance reviendrait aux AGF. Quant à La Poste, elle serait chargée d'assurer la commercialisation de ces nouveaux produits. Le Gouvernement s'est engagé à examiner la compatibilité de cet accord avec les règles de droit de la concurrence dans le cadre de la négociation du contrat de plan avec La Poste. Il lui demande ce qu'il entend faire afin de protéger les mutuelles et les compagnies d'assurance d'une atteinte à la libre concurrence qui pourrait découler de l'intervention d'un opérateur public sur le marché de l'assurances dommages.

- page 3261


Réponse du ministère : Équipement publiée le 19/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 18/11/1997

M. Claude Huriet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et a trait au
développement des activités de La Poste dans le secteur bancaire et dans le secteur des assurances.
Monsieur le ministre, dans une question écrite en date du 17 septembre dernier, j'avais demandé à votre collègue M.
Dominique Strauss-Kahn dans quelles conditions allait être mis en place le projet que l'on prêtait, à l'époque, à une
compagnie d'assurances récemment privatisée et à La Poste. Il s'agissait de la mise à disposition des points de vente de
La Poste au bénéfice d'une compagnie d'assurances dans le domaine de l'assurance dommages.
La réponse que M. Strauss-Kahn m'avait adressée, et que j'avais appréciée, en date du 2 octobre, me laissait entendre
que « le projet ferait l'objet, de la part du Gouvernement, d'un examen extrêmement attentif, portant plus précisément sur
le respect du droit de la concurrence et sur l'équilibre du marché de l'assurance dommages ».
Or, depuis cette réponse, monsieur le ministre, l'accord qui était un projet est devenu réalité et aux termes de cet accord,
tel que j'en ai eu connaissance, il se confirme que les Assurances générales de France vont assurer la formation des
personnels de La Poste tandis que La Poste mettra à disposition de cette compagnie d'assurances ses points de
distribution. Cela suscite trois interrogations, monsieur le ministre.
La première est d'ordre politique. Est-il logique qu'une entreprise publique intervienne désormais sur le marché de
l'assurance alors même que, au cours des dernières années, la démarche constante des gouvernements tendait à privatiser
les assurances ? D'un côté, on privatise, de l'autre on fait intervenir un acteur public.
La deuxième interrogation est d'ordre économique. En effet, d'après les informations dont je dispose, si La Poste - et
donc les Assurances générales de France, du fait de ces nouvelles dispositions - prend 5 % des parts du marché actuel
dans le domaine de l'assurance dommages, environ 5 000 emplois risquent de disparaître dans le secteur des assurances
et, curieusement d'ailleurs, ce chiffre correspond aux 5 000 emplois que le Gouvernement a imposés à La Poste au titre
de la création d'emplois pour les jeunes ; 5 000 emplois disparaissent d'un côté, 5 000 seront créés de l'autre : on ne peut
pas considérer que le bilan soit satisfaisant.
La troisième et dernière interrogation est d'ordre juridique. Il apparaît, d'une façon assez évidente, que cet accord aura
des conséquences tout à fait préoccupantes en matière de droit de la concurrence. On peut parler, sans excès de langage,
d'abus de position dominante.
Pour ces trois raisons, monsieur le ministre, j'apprécierai la réponse que, au nom du Gouvernement, vous voudrez bien
nous apporter quant aux dispositions que le Gouvernement s'était engagé à prendre, dans la réponse qu'il m'avait
communiquée voilà quelques semaines, par rapport au projet qui désormais doit s'appliquer.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez
souhaité savoir ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie entendait faire pour protéger les mutelles et
les compagnies d'assurances d'une atteinte à la libre concurrence qui pourrait découler de l'intervention d'un opérateur
public sur le marché de l'assurance dommages.
Dès que la possibilité d'un accord entre La Poste et les AGF a été évoquée par la presse, M. Dominique Strauss-Kahn a
indiqué que, s'il venait à être confirmé, les pouvoirs publics examineraient un tel projet avec le souci de veiller à la situation
financière de La Poste, à l'équilibre du marché de l'assurance dommages, au respect des règles de concurrence et à la
solidité prudentielle des acteurs du marché.
La prise en compte de la situation et des perspectives du marché de l'assurance dommages entre donc pleinement dans
les réflexions que mènent les pouvoirs publics avec La Poste, à l'occasion de la négociation du contrat de plan de cet
établissement. Le Parlement sera, bien entendu, informé des résultats de ces discussions.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je pouvais vous fournir au nom du ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie.
M. Claude Huriet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je vous remercie, monsieur le ministre, mais c'est par courtoisie car, vous le comprenez bien, le
contenu de la réponse est totalement insatisfaisant. On en reste finalement aux engagements qui avaient été pris dans la
réponse qui m'avait été communiquée au mois d'octobre. Or, depuis, un élément nouveau est apparu puisqu'il s'agit non
plus d'un projet, mais d'un accord, donc d'un contrat. Aussi est-il nécessaire que le Gouvernement tienne les engagements
qu'il avait pris dans sa réponse écrite.
Je constate que, en l'état, les garanties en matière de droit de la concurrence ne sont pas respectées. L'empiétement d'un
établissement public sur une activité récemment privatisée constitue un précédent inquiétant.

- page 3563

Page mise à jour le