Question de M. JOLY Bernard (Haute-Saône - RDSE) publiée le 28/11/1997

Question posée en séance publique le 27/11/1997

M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, de nombreuses associations culturelles subissent un redressement rétroactif sur l'année en cours et
les trois années précédentes, et cela alors même que les critères d'assujettissement sont souvent subjectifs et évolutifs.
Cette situation est préoccupante à plusieurs titres.
Tout d'abord, ces associations sont confrontées à des représentants de votre ministère dont le seul objectif est de les
assimiler au secteur commercial, sans tenir compte de leurs spécificités de fonctionnement et de financement.
En effet, ces associations perçoivent des subventions des collectivités territoriales et/ou de l'Etat, sans lesquelles elles
disparaîtraient. Ces éléments les dissocient de toute évidence du secteur lucratif.
L'action engagée à l'encontre du centre de restauration des oeuvres d'art de Franche-Comté, l'ARROA, que j'ai l'honneur
de présider, action au sujet de laquelle je vous ai remis en main propre un courrier soulignant l'urgence d'une intervention
de votre part, illustre parfaitement mon propos.
Cette association, créée sur l'initiative de l'Etat, du département de la Haute-Saône et de la région pour préserver le
patrimoine artistique par la recherche et la mise au point de nouvelles techniques de restauration, est administrée par des
bénévoles et perçoit des subventions directes et indirectes des collectivités publiques.
Or vos services tentent de l'assujettir à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle au motif qu'elle exercerait une
activité concurrençant celle d'entreprises commerciales.
La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires conclut, elle, au caractère non
concurrentiel de l'ARROA. Malgré cela, chaque semaine apporte son lot d'injonctions à payer.
Mme le ministre de la culture, qui a une approche identique à la nôtre, a demandé la suspension des mesures de
recouvrement forcé.
Le refus d'amalgame trouve une seconde justification dans l'incertitude qui plane quant à la capacité de recevoir des
financements des collectivités dès lors que ces associations seraient assujetties à l'impôt sur les sociétés et à la taxe
professionnelle, donc assimilées à des entreprises, pour lesquelles le financement public est réglementé.
Ma question est claire, monsieur le ministre : allez-vous poursuivre l'action contre l'ARROA et les autres associations
culturelles de ce type, c'est-à-dire signer leur arrêt de mort en les fiscalisant ? (Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Ivan Renar. C'est une vraie question, monsieur le ministre !

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Réponse du ministère : Économie publiée le 28/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 27/11/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, les textes
qui régissent l'organisation fiscale des associations datent de 1976. En résumé, ces textes font une distinction entre les
associations qui n'ont pas un but lucratif, et qui ne sont donc pas soumises à cette fiscalité, et celles qui ont un but lucratif,
et qui sont soumises de ce fait à la même fiscalité que les entreprises.
Le problème est que les critères mis en avant, notamment par la jurisprudence du Conseil d'Etat, pour distinguer la
première catégorie de la seconde sont maintenant sans doute un peu obsolètes. Depuis 1976, l'économie a bougé, les
associations aussi. Il convient donc de reconsidérer ces critères.
Je ne pense pas que l'on puisse se fonder uniquement sur l'importance des subventions. En effet, il existe malheureusement
dans notre pays beaucoup d'entreprises qui vivent grâce à des subventions, qui n'existeraient plus sans elles, pour
reprendre vos propres termes, et qui, pour autant, sont bel et bien soumises à l'impôt sur les sociétés ou à la taxe
professionnelle.
Dès que vous m'avez remis la lettre à laquelle vous avez fait allusion, j'ai saisi M. le Premier ministre de cette question. Il a
demandé à un conseiller d'Etat de lui faire des propositions sur la définition de nouveaux critères. A partir de ces
propositions, nous pourrons, à très bref délai, demander au Conseil d'Etat de réviser sa jurisprudence et, éventuellement,
prendre un texte pour que la distinction soit clairement établie. C'est, bien sûr, dans le cadre de ces mêmes propositions
que l'association que vous présidez verra son sort tranché.
Nous allons faire en sorte que les dossiers soient suspendus en attendant qu'une nouvelle pratique puisse être mise en
oeuvre. Mais il est clair que demeurera une distinction entre deux types d'associations, nul ne doit s'y tromper. Le principe
de la distinction ne saurait être remis en cause. Ce qu'il faut déterminer, ce sont les critères permettant de faire le partage
entre des associations qui ont effectivement une activité non lucrative, qu'elles soient financées par des dons de leurs
membres ou par des fonds publics, et des associations qui, quel que soit leur mode de financement, ont une activité les
conduisant à se comporter comme une entreprise, ce qui implique qu'elles soient imposées comme une entreprise.
Les critères de distinction vont donc être rénovés et, à cette occasion, les questions que, avec d'autres, vous vous posez,
monsieur Joly, trouveront une solution équitable. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Ivan Renar
applaudit également.)

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