Question de M. LEFEBVRE Pierre (Nord - CRC) publiée le 14/11/1997
Question posée en séance publique le 13/11/1997
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question
s'adresse à M. le ministre des transports, de l'équipement et du logement. (Rires et exclamations sur les travées du
RPR.)
M. René-Pierre Signé. Ça se passe en famille ! (Sourires.)
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le ministre, la semaine dernière a été marquée par un nouveau conflit des routiers, ces
forçats de la route qui subissent des conditions d'exploitation d'une rare dureté de la part d'un patronat particulièrement
rétrograde.
M. Alain Gournac. C'est le goulag !
M. Pierre Lefebvre. Les Français ont marqué leur soutien aux grévistes, car ils approuvent la justesse de leurs
revendications.
Cette lutte, porteuse de progrès et de justice sociale, a mis une nouvelle fois en évidence la situation de non-droit dans
laquelle cette profession est installée depuis des dizaines d'années.
En effet, les conditions de travail sont déplorables : horaires dépassant souvent les 250 heures mensuelles ; feuilles de paie
tournant autour du SMIC, saupoudrées de primes aléatoires ; absence d'un dialogue social permettant le respect des
engagements pris ; concurrence sauvage plaçant les PME et les artisans, souvent sous-traitants des grands groupes, en
grande difficulté économique. De telles conditions ne peuvent que créer une grande tension dans la profession.
L'accord signé vendredi dernier constitue selon vous, monsieur le ministre, une avancée indiscutable, et nous partageons
cette opinion.
M. Alain Gournac. Ce n'est pas l'avis de la CGT !
M. Jean-Pierre Schosteck. Ni de M. Blondel !
M. Pierre Lefebvre. Cependant, comment allez-vous garantir les augmentations immédiates qui sont prévues et celles,
plus importantes, qui devraient intervenir en l'an 2000, ainsi que la mensualisation des revenus, alors que vous indiquez
vous-même que « le secteur a pris un tel retard qu'il faut vraiment poursuivre les efforts pour supprimer tout dumping
économique et social » ?
Quelle réponse peut être apportée, monsieur le ministre, à l'amertume des chauffeurs qui, cette fois encore, constatent le
maintien du SMIC comme salaire de départ dans la profession et l'absence d'avancée réelle quant à la prime de 3 000
francs promise en 1996, qui, bien souvent, aujourd'hui encore, n'est pas versée ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est scandaleux !
M. Pierre Lefebvre. Enfin, et peut-être est-ce là l'écueil principal, l'ouverture totale de nos frontières au 1er juillet
prochain, qui risque fort de déboucher sur une déréglementation poussée des transports routiers en Europe, ne
risque-t-elle pas de rendre obsolètes les décisions que le gouvernement français commence à vouloir prendre ?
M. Dominique Braye. A vouloir prendre !
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le ministre, comptez-vous contrecarrer cette offensive du libéralisme le plus sauvage en
poussant les feux d'une harmonisation sociale nécessaire pour tous, salariés et usagers de la route ? (Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
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Réponse du ministère : Équipement publiée le 14/11/1997
Réponse apportée en séance publique le 13/11/1997
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Josselin de Rohan. Au camarade Gayssot ! (Sourires sur les travées du RPR.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, ce conflit
opposait avant tout des patrons et des salariés à propos des salaires. Il n'impliquait donc pas directement le
Gouvernement.
Néanmoins, bien entendu, avant, pendant et après le conflit, le Gouvernement - M. le Premier ministre et moi-même nous
sommes exprimés à plusieurs reprises à ce sujet, ainsi que d'autres membres du Gouvernement - a tout fait pour que les
discussions s'engagent et pour que les négociations entre l'ensemble des intéressés puissent se dérouler normalement, de
sorte que le conflit connaisse une issue positive dans des délais relativement courts par rapport à ce que nous avons vécu
voilà environ un an. (Exclamations sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Ne vous en glorifiez pas, ce n'est pas fini !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En vérité, les problèmes que
l'on rencontre dans cette profession ne touchent pas que la rémunération des salariés. En fait, c'est toute l'organisation
économique du secteur qui exige que des réflexions soient menées et des avancées réalisées. Comment pourrait-il en être
autrement, s'agissant d'une profession qui a nécessairement devant elle des perspectives de développement : tout concourt
à nous montrer que, demain, les besoins d'échanges iront croissant et que les moyens d'y répondre s'amélioreront.
M. Emmanuel Hamel. Rhin-Rhône !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Or la situation qui prévaut
actuellement dans le secteur des transports ne permet malheureusement pas de profiter pleinement de ces perspectives
positives.
Cela étant, des avancées significatives peuvent d'ores et déjà être enregistrées.
Tout d'abord, les salaires vont augmenter de 3 % à 6 % ; il est vrai que l'on part de très bas et que le niveau des
rémunérations demeure un problème. L'augmentation interviendra avec un effet rétroactif à compter du 1er octobre, ce
qui entraînera le doublement de l'augmentation sur la feuille de paie de novembre.
Par ailleurs, une augmentation de 15,8 % à 21,8 % est prévue d'ici à l'an 2000.
Surtout, s'agissant de la structure même de la rémunération, est ouverte dans la convention collective la possibilité
d'instaurer un salaire professionnel mensuel garanti, qui n'existait pas auparavant.
Je crois donc que l'on peut effectivement parler d'avancées sociales.
Bien sûr, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, l'amertume subsiste chez les routiers, étant donné ce qu'ils ont vécu
et vivent encore. Ils ont en effet le sentiment que les engagements qui ont pu être pris dans le passé n'ont pas été tenus.
Eh bien, ce gouvernement - et M. le Premier ministre l'a dit dernièrement avec force devant l'Assemblée nationale - est et
sera celui de la parole donnée. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Et Vilvorde ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui, cette parole, nous la
respecterons, nous, contrairement à ce que d'autres ont fait par le passé. (Nouvelles exclamations sur les mêmes
travées.)
Comment la respecterons-nous ?
M. le président. Monsieur le ministre, je me permets de vous inviter à conclure, car vous parlez maintenant depuis trois
minutes et demie.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je terminerai donc en indiquant
que le Gouvernement tiendra ses engagements à travers le projet de loi que le conseil des ministres vient d'adopter, à
travers des dispositions réglementaires, et aussi à travers les propositions qu'il présentera à nos partenaires en vue d'une
harmonisation à l'échelon européen. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
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