Question de M. BORDAS James (Indre-et-Loire - RI) publiée le 14/11/1997
Question posée en séance publique le 13/11/1997
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Lors du sommet qui s'est tenu à Amsterdam au mois de juin dernier, le Gouvernement a justifié la signature du pacte de
stabilité par la promesse d'un rééquilibrage social de l'Union économique et monétaire.
Le 29 octobre, devant la commission des affaires étrangères du Sénat, le ministre a lui-même rappelé que la France
appuyait la mise en place de « critères de convergence sociaux ».
Qu'en est-il aujourd'hui, à quelques jours du sommet européen extraordinaire sur l'emploi prévu pour jeudi et vendredi
prochains ?
Au-delà d'un optimiste de façade, il semble que le Gouvernement ait dû revoir ses objectifs à la baisse.
L'objectif des trente-cinq heures est considéré comme un « poison pour l'emploi » par le commissaire européen chargé de
l'industrie et n'a obtenu le soutien ni du parlement de Strasbourg, ni de nos partenaires, hormis l'Italie.
M. Paul Loridant. Et alors ?
M. James Bordas. Les objectifs chiffrés sur la réduction du chômage en Europe ont laissé place à de simples tendances
sur lesquelles les ministres des finances et des affaires sociales ont tenté de s'entendre la semaine dernière à Bruxelles.
Enfin, les propositions de la Commission européenne suscitent des réserves parmi les Etats membres qui craignent de
prendre des décisions coûteuses et de susciter de faux espoirs.
N'existe-t-il pas un risque que les négociations sombrent dans une diversité qui serait une excuse pour ne rien faire,
comme ce fut en partie le cas pour le traité d'Amsterdam ?
Ce sommet européen a été initié par la France. Nous craignons, pour notre part, que le Gouvernement reste sur une
position de principe isolée et sans résultat concret.
Rien n'est pire que de bercer l'opinion d'illusions en fixant des objectifs intenables. Cela nourrit l'europessimisme et la
défiance des citoyens envers leurs élus.
Nous reconnaissons avec vous que l'Union européenne doit passer aux actes vis-à-vis de ses dix-huit millions de
chômeurs.
Je souhaite donc connaître, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, les mesures concrètes, c'est-à-dire
contraignantes, sur lesquelles le Gouvernement entend engager sa responsabilité et sa crédibilité lors du sommet
extraordinaire sur l'emploi de la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 14/11/1997
Réponse apportée en séance publique le 13/11/1997
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous
rassurer. Je me réjouis de la tenue à Amsterdam, les 20 et 21 novembre, de ce sommet sur l'emploi, dont l'annonce à
l'époque, a été accueillie avec scepticisme.
Je rappelle, comme vous l'avez d'ailleurs fait, que l'initiative de ce sommet revient largement à la France et, plus
précisément, au Premier ministre, alors nouvellement nommé, qui a effectivement obtenu, alors que nous arrivions à cette
table européenne, qu'un sommet sur l'emploi puisse avoir lieu.
Ainsi que la France l'a dit dès l'abord, comme l'a indiqué ensuite M. Jean-Claude Juncker, le président en exercice du
conseil des ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne, il n'était pas question que ce sommet débouche
sur des lieux communs du style : « le chômage est bien triste ; les chômeurs sont trop nombreux en Europe ; nous allons
"fournir nos meilleurs efforts" - comme on dit dans le langage diplomatique - pour faire en sorte que le chômage diminue ».
Nous voulons tous faire en sorte - la Commission tout d'abord, qui a déposé un document accepté le 1er octobre, M.
Juncker, le Premier ministre, l'ensemble des ministres du gouvernement français et nos collègues européens - pour que ce
sommet des 20 et 21 novembre soit une première étape importante vers l'Europe sociale que nos concitoyens attendent.
Je suis totalement d'accord avec vous pour dire - c'est d'ailleurs la ligne que tient le Gouvernement - qu'il nous faut
avancer comme nous l'avons fait en matière monétaire et financière.
M. Charles Descours. En marche arrière !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En marche arrière, je ne pense pas. Quand l'euro
circulera, nous verrons le résultat qu'il aura sur nos économies. En tout cas, nous devons être dans le domaine social
capables de nous fixer des objectifs, y compris des objectifs quantifiés, en termes de créations d'emplois, de places faites
aux jeunes, aux chômeurs de longue durée, aux femmes, en termes de réduction du coût du travail, etc.
Je dois dire que, jour après jour - Dominique Strauss-Kahn peut le vérifier comme moi - ce « stress de convergence
sociale », comme dit le président Juncker, avance dans le bon sens.
En tout cas, monsieur le sénateur, je peux vous dire que la France n'a jamais considéré que les trente-cinq heures devaient
être un des éléments clefs de ce sommet des 20 et 21 novembre. (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
En revanche, la Commission a considéré qu'il était de bonne pratique européenne de travailler ensemble sur la réduction
de la durée du travail, chaque pays utilisant au mieux sa culture sociale pour avancer vers la réduction de la durée du
travail propre à créer des emplois et à réorganiser le travail.
C'est autour de ce thème que nous travaillons autour d'objectifs quantifiés dans des domaines qui permettent d'avancer
vers une réduction du chômage global, mais aussi du chômage des catégories les plus touchées. Les moyens financiers de
la banque européenne d'investissement, notamment, seront mis en perspective avec les problèmes d'emplois.
Une négociation sociale européenne importante est relancée. Dans le domaine des transports, nous aurions été heureux,
ces jours derniers, qu'une grande négociation ait lieu au niveau européen.
Pour en revenir à la durée du travail, je peux vous dire que la France n'est pas isolée. Aujourd'hui, notre durée réelle de
travail se situe à la moyenne de celle de nos principaux concurrents et non pas au plus bas, comme vous semblez le
penser.
L'Italie s'engage vers les trente-cinq heures, l'Autriche vers les trente-quatre heures, les Pays-Bas sont déjà engagés vers
les trente-cinq heures, et je dois dire que même le gouvernement espagnol a demandé, lors de réunions, que soit abaissé
le seuil des heures supplémentaires en Europe.
Je le répète, la France n'est pas isolée, mais elle essaie de faire en sorte, comme vous le souhaitez, je le pense, comme
nous le souhaitons tous, que l'Europe soit au plus proche de nos concitoyens et leur apporte ce qu'ils attendent depuis de
nombreuses années. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
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