Question de Mme DERYCKE Dinah (Nord - SOC) publiée le 15/10/1997

Mme Dinah Derycke appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les fortes disparités qui marquent la mise en place de la prestation spécifique dépendance dans des conditions différentes selon les départements. Aujourd'hui, dans le département du Nord, la durée d'instruction du dossier est d'environ une année alors que la loi prévoit un délai de quarante jours suivant la date du dépôt du dossier complet. On sait que cette prestation d'aide sociale qui est gérée par les départements va inéluctablement accroître l'inégalité de traitement des personnes sur le territoire national. Il ne faudrait pas que les disparités de traitement des dossiers viennent renforcer cette inégalité de traitement. De plus, il n'est pas acceptable que des personnes fortement dépendantes restent un an sans prestation. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir préciser les mesures qu'elle entend prendre afin de remédier à cette situation.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 29/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 28/10/1997

Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi du 24 janvier
1997, dont les modalités d'application ont été arrêtées par les décrets des 27 et 28 avril 1997, a créé l'allocation
spécifique dépendance et en a confié la gestion aux départements.
Ma question porte sur les disparités qui marquent la mise en place de cette prestation spécifique dépendance dans des
conditions différentes selon les départements et suivant l'implication des communes.
Dans le département du Nord, les dossiers peuvent être retirés puis déposés auprès des centres communaux d'action
sociale ou à la mairie de résidence, l'avis du maire étant indispensable. C'est le cas le plus habituel.
Or certaines communes ont soumis la production de pièces justificatives de la situation personnelle du demandeur à de
nouvelles exigences. Il en résulte que le dossier est rarement complet, ce qui occasionne des retards significatifs dans le
traitement des demandes. En effet, le délai d'instruction de quarante jours imposé par la loi s'apprécie à la date de dépôt
du dossier complet. D'ailleurs, certaines communes informent par écrit les intéressés que la durée d'instruction sera
d'environ une année.
L'effet dissuasif de ces diverses contraintes est évident.
On peut craindre que la gestion par les départements de cette prestation d'aide sociale ne génère une inégalité de
traitement des personnes sur le territoire national. Il ne faudrait pas que les disparités dans le traitement des dossiers par
les communes viennent encore renforcer cette inégalité de traitement.
A l'heure actuelle, dans le département du Nord, il semble que seuls trente dossiers aient été traités, alors que deux mille
dossiers sont en attente. En outre, les dossiers déposés avant la mise en place de la prestation spécifique dépendance - il
s'agissait alors pour les demandeurs d'obtenir l'ACTP, l'allocation compensatrice pour tierce personne - ont été refusés et
doivent être totalement refaits.
Il serait inacceptable que des personnes fortement dépendantes ne perçoivent aucune prestation durant les délais
supplémentaires ainsi occasionnés !
En conséquence, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir préciser les mesures que vous entendez
prendre pour remédier à cette situation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame le
sénateur, je partage votre préoccupation.
Instituée par une loi du 24 janvier 1997, la prestation spécifique dépendance est un dispositif transitoire visant à améliorer
l'aide aux personnes âgées dépendantes. Je rappelle qu'elle résulte d'une initiative de la Haute Assemblée, dont la majorité
a voulu confier aux présidents de conseils généraux un large pouvoir de décision. Vous avez raison de souligner que cette
option se traduit par des inégalités départementales. Celles-ci sont d'autant plus évidentes que ce pouvoir n'a pas été
assorti de dispositions fixant des minima nationaux.
Dans l'immédiat, compte tenu de la mise en oeuvre très récente du nouveau dispositif, il convient de rassembler les
éléments d'information. Vous venez de nous en fournir sur le département du Nord. Vous avez tout à fait raison de mettre
l'accent sur les difficultés à rassembler les pièces du dossier, sur les lenteurs invraisemblables et, conséquence de ces
aléas, sur la mise à l'écart d'un certain nombre de personnes qui, normalement, devraient bénéficier du dispositif.
Au-delà de ce bilan initial, une première évaluation des conditions de mise en oeuvre des dispositions règlementaires
devrait pouvoir très vite être examinée par le comité national de la coordination gérontologique, que Mme la ministre de
l'emploi et de la solidarité installera prochainement.
Mme Aubry et moi-même ferons le point département par département. Il paraît en effet nécessaire de veiller dès à
présent à ce que les différences que vous avez observées entre les dispositifs départementaux, notamment en matière de
tarif de référence pour les prestations de service à domicile ou de montant des prestations en établissement, n'entraînent
pas de véritables disparités entre bénéficiaires suivant les départements.
Cette loi introduit cependant des innovations intéressantes. Il faut souligner ce point et l'avoir présent à l'esprit lorsque l'on
porte un jugement sur ses dispositions. Il en est ainsi des règles concernant la mise en place obligatoire dans chaque
département de la coordination entre les principaux financeurs des aides aux personnes âgées dépendantes, ou de celles
qui ont trait à l'évaluation du degré de dépendance par une équipe médico-sociale au moyen de la grille nationale AGGIR,
ou encore de celles qui prévoient l'établissement, pour les bénéficiaires à domicile - et c'est très important - d'un plan
d'aide après une visite à leur résidence de l'un au moins des membres de cette équipe. Ce sont des dispositifs qu'il
convient de considérer avec beaucoup d'intérêt.
Il en est ainsi, également, de la disposition prévoyant que le président du conseil général doit notifier sa décision, favorable
ou non, à l'intéressé dans un délai de deux mois. A défaut, la prestation est réputée accordée à un montant correspondant
à 50 % de la majoration pour aide constante d'une tierce personne mentionnée à l'article L. 355-1 du code de la sécurité
sociale. Ce mécanisme représente un progrès important par rapport à celui de l'allocation compensatrice pour aide d'une
tierce personne, dans lequel aucun délai n'était fixé pour l'intervention de la décision.
Tels sont les premiers éléments de réponse que le Gouvernement peut vous apporter sur ce problème, dont il s'est saisi
depuis quelque temps déjà.
Je le répète, nous devrons faire le point département par département, et nous verrons si nous devons modifier certaines
dispositions par la voie réglementaire ou si nous devons aller plus loin et, avant même un an d'application de la loi, en
modifier certaines dispositions législatives, pour plus de justice entre nos départements.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le secrétaire d'Etat, cette législation est en effet récente et il n'est pas surprenant que la
mise en application de cette prestation soit difficile.
Vous l'avez noté, les innovations intéressantes de cette loi ont fait naître des espoirs immenses. Les besoins sont tout aussi
immenses dans un pays où la population vieillit et où, effectivement, les problèmes de dépendance deviennent
extrêmement aigus.
Un bilan, certes, mais il devra être établi département par département.
Je souhaitais attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fait que les dossiers doivent être complets, le délai
de quarante jours s'appréciant lorsque le département a sur sa table, si je puis dire, le dossier complet. Si, dans certaines
communes, on retient le dossier pendant des mois en raison d'exigences supplémentaires, celui-ci n'est pas complet et ne
parvient pas au département. Cela entraîne des retards, qui ne sont pas visibles.
On peut aussi craindre une dérive des comportements en ce qui concerne l'ACTP, l'allocation compensatrice pour tierce
personne, dérive qui a d'ailleurs déjà été constatée. Par conséquent, si bilan il y a, peut-être faudra-t-il, dans le même
temps, examiner les répercussions de l'allocation spécifique dépendance sur l'attribution de l'ACTP.
Cela étant dit, je prends en compte le fait qu'il s'agit d'une loi récente et qu'un délai est nécessaire pour dresser un bilan.
Je vous remercie d'avoir prévu de le faire très rapidement.

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