Question de M. DE MENOU Jacques (Finistère - RPR) publiée le 08/10/1997
M. Jacques de Menou alerte M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la nécessité de développer le transport combiné rail-route, essentiel pour désenclaver la Bretagne. Aujourd'hui, en effet, le problème de l'éloignement ne se mesure plus seulement en termes de distance mais de temps. Seul un axe européen Ouest-Est au départ du pôle de Brest pourrait encourager la vocation européenne des départements bretons et placer leurs produits à moins de douze heures du marché communautaire, leur permettant ainsi de rester compétitifs en Europe. Depuis que le débat est ouvert, la Bretagne a toujours été écartée des cartes-simulations du réseau multimodal, la frontière ouest s'arrêtant à Rennes et à Nantes. Or, il semble impossible que Brest, doté d'un aéroport international, d'un port de commerce dynamique, d'une passerelle Ro-Ro, soit en marge de cette chance de développement que constitue le transport multimodal. Le gouvernement précédent s'était déclaré favorable aux intérêts de la Bretagne et de la plate-forme de Brest. Il souhaite savoir si des mesures en faveur d'un tel développement multimodal au départ de Brest seront prises.
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Réponse du ministère : Logement publiée le 29/10/1997
Réponse apportée en séance publique le 28/10/1997
M. Jacques de Menou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la question que je soulève aujourd'hui est très importante pour l'avenir économique du Finistère et de la Bretagne occidentale.
Depuis de longues années, je me bats pour le désenclavement de notre région, condition indispensable au maintien de notre compétitivité sur le marché européen. Il reste, en effet, essentiel, pour les industriels finistériens, principalement dans le domaine agroalimentaire, de pouvoir acheminer dans des conditions optimales leurs produits. Le transport combiné
rail-route apparaît donc bien plus qu'une simple solution ; c'est la chance de rendre ce nouvel espace européen, qui va se déplacer de plus en plus vers l'est, accessible à des départements excentrés, notamment du Grand Ouest.
C'est pourquoi je m'étonne que les plans qui sont actuellement préparés à l'échelon européen concernant la France restent axés sur des liaisons nord-sud sans qu'aucune liaison est-ouest ne soit prévue pour ces fameux « corridors » de fret ferroviaire qui se situeront à proximité de la Banane bleue !
Ces plans, élaborés à Bruxelles par des fonctionnaires, ignorent les réalités locales et l'égalité des chances. Pour favoriser l'insertion harmonieuse de la France dans l'Europe, nous devons nous attacher, au contraire, à ce que toutes nos régions périphériques disposent des mêmes chances, en termes de moyens de communication, sur les marchés européens.
Pour le trafic national, le transport routier restera vraisemblablement largement prioritaire, et le rail-route ne sera à cet échelon qu'un complément. En revanche, dès que l'on évoque le transport à longue distance, sur 1 000 kilomètres environ, le rail-route ne manque pas de s'imposer. Ce mode de transport, très efficace en termes de délais, offre de bons atouts techniques en matière tant de sécurité que d'écologie. Etre relié au centre de l'Europe en douze heures au lieu de
vingt-quatre heures aujourd'hui est déterminant pour nos entreprises et pour la valorisation de nos produits frais.
Seule une logistique rail-route nous permettra de gagner cette course contre la montre.
Pourtant, la France est, d'après les chiffres qui sont en ma possession, le pays européen qui investit le moins dans ce domaine : 300 millions de francs par an, contre un milliard de francs pour l'Italie et l'Allemagne, qui mettent en place un véritable quadrillage. Or pour l'Etat français et l'Union européenne, l'Ouest devrait constituer un secteur pilote dans le développement du transport rail-route, dont le domaine de compétitivité se situe au-delà de 500 kilomètres ; c'est la
distance minimale que parcourent les produits finistériens et, plus largement, ceux de Bretagne occidentale pour atteindre
les grands centres de consommation.
Il faut donc définitivement rompre avec cette logique exclusive nord-sud, qui tend à relier les ports de l'Europe du Nord à
Paris pour rayonner ensuite vers l'Italie et l'Espagne, et envisager également des liaisons est-ouest, dont devront pouvoir
profiter Brest et la Bretagne occidentale.
Par ailleurs, exclure le Finistère des simulations des plates-formes multimodales, c'est pénaliser injustement ce
département et entraver arbitrairement ses performances économiques. Je ne répéterai jamais assez, dans ce débat, que
c'est tout l'avenir de notre développement économique qui est en jeu.
Cela est d'autant plus choquant que le site de Brest offre toutes les facilités requises pour la mise en place d'une telle
plate-forme multimodale. En effet, il conjugue déjà quatre modes de transport - routier, aérien, ferroviaire et maritime -
qui ont fait la preuve de leur efficacité. Dans ces conditions, pourquoi ne retenir que Rennes et Nantes dans les projets
actuels de plate-forme ?
Brest doit faire partie du dispositif, au même titre que Cherbourg, qui y serait déjà intégrée. L'importance de nos
productions agroalimentaires et l'expansion du port de Brest justifient la création d'une telle plate-forme.
Il nous paraît aussi indispensable, tant pour désenclave la Bretagne occidentale et favoriser son développement
économique que pour jouer le rôle européen induit par sa position géographique privilégiée au carrefour des voies
maritimes, que la plate-forme multimodale de Brest soit inscrite au schéma national des plates-formes multimodales.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'etat, connaître votre avis sur ces orientations.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, auprès du ministre de l'équipement, des transports et du
logement. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est favorable au développement du transport combiné, qui peut, dans
certains cas, se substituer tout à fait avantageusement au transport intégralement routier. Il ne faut pas, en effet, opposer
les modes de transport entre eux ; il faut au contraire savoir jouer au mieux de leur complémentarité.
Ce transport combiné, il faut le développer sur son créneau de pertinence, qui est le transport de marchandises à plus de
500 kilomètres. Le développement des échanges à l'échelon de l'Europe doit garantir un fort développement dans les
années à venir, mais il faut, pour faire face à la croissance qui a été constatée ces dernières années et en favoriser la
poursuite, d'une part, pouvoir disposer au départ comme à l'arrivée d'un très bon réseau de collecte et de distribution et,
d'autre part, que le changement de mode se fasse dans des installations de transbordements performantes.
La Bretagne a naturellement toute sa place dans ce schéma de modernisation. Un travail préalable, qui a été réalisé par
M. Daubresse, donne des éléments de réflexion, même s'il n'engage pas le Gouvernement.
Un recensement des plates-formes existantes a été fait et des propositions de hiérarchisation ont été préssentées. Il faut
les examiner et en débattre sachant que l'Etat donnera la priorité aux sites pour lesquels une synergie avec les
plates-formes régionales sera assurée et qui auront un intérêt structurant.
Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit un fort accroissement des crédits du fonds d'investissement des transports
terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui est l'instrument financier permettant de mettre en oeuvre une politique
vraiment intermodale.
Il sera ainsi possible en 1998 non seulement de maintenir mais même d'accroître tout à fait significativement les aides de
l'Etat aux opérations d'investissements en faveur du transport combiné.
En débit de cet accroissement, tout ne pourra pas être engagé à court terme, et la priorité doit donc être donnée aux
opérations de modernisation pour l'extension des infrastructures destinées à réaliser le transfert modal de la route vers le
fer, qui arrivent à saturation.
Voilà, monsieur le sénateur, le cadre dans lequel nous travaillerons dans les mois à venir et dans lequel seront examinées
les propositions d'amélioration de la desserte de la Bretagne, notamment, bien évidemment, celles que vous venez de
présenter pour Brest, dont j'ai bien pris note.
M. Jacques de Menou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
J'ai noté l'intérêt que vous portez au transport multimodal, mais vous n'avez pas vraiment répondu à ma question
essentielle : va-t-on demain étudier sérieusement le problème des liaisons est-ouest en France ?
Je reste frappé de l'importance donnée à la liaison européenne nord-sud, au détriment de notre Grand Ouest. Certes, il
s'agit d'un plan de longue haleine et je ne demande pas sa réalisation dans les six mois qui viennent ; mais, selon moi, il est
important de donner leurs chances, et donc des moyens, à des zones périphériques aussi excentrées que la nôtre. Si on
hiérarchise les projets uniquement en fonctions des volumes, ces zones en questions resteront toujours à l'écart, et ce
seront toujours les mêmes points du territoire qui se développeront et seront définitivement engorgés et les mêmes qui,
malheureusement, se videront.
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