Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 01/10/1997
M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation des retraitées agricoles conjointes qui doivent se contenter d'une retraite de 1 400 francs par mois pour une moyenne de cinquante années de travail. Il lui rappelle que ces agricultrices ont souvent commencé à travailler dès l'adolescence pour aider leurs parents à relever les exploitations. Dans la période des années soixante, les agriculteurs ont dû investir pour acheter les terres, construire les bâtiments agricoles et acquérir du matériel agricole. Il souligne que tous ces efforts ont permis au secteur agroalimentaire de réaliser d'énormes profits et qu'aujourd'hui les terres et les bâtiments agricoles ne représentent plus aucune valeur, faute de repreneur. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte prendre afin que les retraitées agricoles conjointes d'exploitant puissent bénéficier d'une retraite agricole égale au moins à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
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Réponse du ministère : Santé publiée le 19/11/1997
Réponse apportée en séance publique le 18/11/1997
M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à saluer comme il se doit l'effort indéniable que le Gouvernement vient de réaliser en faveur des retraités agricoles.
En effet, le 23 octobre dernier, lors de la discussion des crédits du budget annexe des prestations agricoles, M. Le Pensec a annoncé une revalorisation de 500 francs par mois en faveur des agriculteurs qui ont pris leur retraite après trente-sept ans et demi d'activité. Il faut bien dire que cela tranche d'une manière significative avec les promesses non tenues des précédents gouvernements de MM. Balladur et Juppé !
Certes encourageante, cette mesure de revalorisation des retraites agricoles ne constitue qu'un premier pas vis-à-vis de toutes celles et de tous ceux qui ont contribué au relèvement de la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
En effet, mes chers collègues, il faut savoir, que dans notre pays, de trop nombreuses femmes d'exploitants et aides familiaux doivent se contenter d'une retraite misérable de 1 200 francs à 1 350 francs par mois, après avoir travaillé très durement pendant plus d'une cinquantaine d'années. Beaucoup de citadins ignorent qu'une situation aussi injuste existe de
nos jours en France.
Ces agricultrices qui ont souvent commencé à travailler dès l'adolescence pour aider leurs parents ne demandent pas l'aumône, ni une quelconque prestation sociale. Elles attendent une reconnaissance bien légitime. Il s'agit là, et je sais que
vous le comprenez parfaitement, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un devoir de solidarité nationale vis-à-vis de celles et de ceux qui ont contribué, des années durant, à faire du secteur agroalimentaire un secteur essentiel de notre économie.
N'oublions pas que les empires de l'agroalimentaire réalisent, eux, d'énormes profits.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous en avez bien conscience : cet effort, même s'il doit être fait prioritairement en faveur des femmes d'exploitants retraités, doit être globalement porté sur tous les retraités agricoles.
Une avancée sociale louable a été effectuée. Vous vous doutez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous attendons avec impatience un échéancier à même de donner satisfaction aux légitimes revendications de l'Association nationale des retraités agricoles de France.
Compte tenu de la pyramide des âges, la solidarité nationale s'avère indispensable pour atteindre l'objectif des 75 % du SMIC au cours de l'actuelle législature.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je connais votre volonté, votre souci de justice sociale. Je sais que cela a un coût. Mais il est très difficile de soutenir le regard de ces petits exploitants, de ces fermiers, de ces métayers, qui, sans patrimoine, sont dans la plus grande détresse. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, j'ai été personnellement très sensible à votre question et à la manière dont vous l'avez posée.
Je dois d'abord vous prier d'excuser M. Louis le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, qui se trouve actuellement, comme c'est souvent le cas, à Bruxelles pour négocier avec ses homologues européens la réforme de la
politique agricole commune.
Mon collègue, M. le Pensec, s'est attaché à l'examen du problème des retraites dès son arrivée au ministère de
l'agriculture et de la pêche ; vous venez de le rappeler, monsieur le sénateur.
S'il apparaît que, depuis la loi de 1990, les agriculteurs entrant dans le régime de protection sociale agricole bénéficieront
des mêmes droits de retraite que les salariés du régime général, nombreux sont ceux qui, déjà à la retraite, perçoivent,
vous l'avez très justement souligné, des pensions très faibles.
Le Gouvernement a donc décidé de prendre un premier train de mesures à l'occasion du projet de loi de finances pour
1998.
L'effort sera porté sur les catégories les plus modestes de retraités, c'est-à-dire les anciens aides familiaux, les conjoints
d'exploitants ainsi que les agriculteurs ayant accompli une carrière mixte - conjoint puis exploitant - afin de ne pas
pénaliser les agricultrices qui ont repris pendant quelques années la conduite de l'exploitation au moment du départ en
retraite de leur conjoint.
Dès 1998, une première mesure significative est prévue, qui profitera à près de 300 000 retraités. Elle se traduit par une
revalorisation de 5 100 francs par an de la pension pour les deux tiers des agriculteurs concernés, soit une revalorisation
de 27 % pour ceux qui ont accompli une carrière complète ou quasi exclusive en agriculture.
Il s'agit donc ici des catégories de retraités qui n'ont pas bénéficié des mesures de revalorisation décidées dans le passé et
qui avaient des pensions de retraite inacceptables.
Ainsi, un retraité ayant travaillé trente-sept années et demie perçoit, pour cette année, 18 650 francs et percevra l'année
prochaine, grâce au relèvement décidé, 23 750 francs, soit une majoration de 27 %.
Le coût de la mesure est de 1 milliard de francs en année pleine. Chaque fois que nous sommes déçus de ne pas pouvoir
répondre de manière plus satisfaisante à vos questions, il nous faut rappeler que cela coûte cher !
Dans le projet de loi de finances pour 1998, cette mesure se monte à 760 millions de francs, ce qui, compte tenu des
économies mécaniques sur le fonds de solidarité, correspond à un coût net de 660 millions de francs.
Par ailleurs, vous le savez, l'opération de basculement des cotisations maladies sur la CSG s'est traduite par un gain de
pouvoir d'achat pour 700 000 retraités.
En effet, jusqu'à aujourd'hui, tous les agriculteurs retraités, à l'exception des bénéficiaires du fonds de solidarité vieillesse,
s'acquittaient d'une cotisation d'assurance maladie. Désormais, seules les personnes redevables de l'impôt sur le revenu
devront verser 2,8 % de CSG sur leurs avantages vieillesse.
Sera de ce fait exonérée la majorité des exploitants ayant exercé leur activité à titre unique ou principal dans l'agriculture.
Le coût global du transfert est estimé pour la solidarité nationale à 510 millions de francs pour 700 000 retraités.
Au total, pour les agriculteurs dont la pension est revalorisée, les chefs d'exploitation et les anciens aides familiaux, la
mesure globale de majoration de leur pension sera donc de 500 francs par mois en moyenne ainsi que vous l'avez dit :
425 francs de majoration de la retraite et 75 francs en moyenne d'exonération de cotisation maladie.
Ce n'est qu'un premier pas, mais cette première étape de revalorisation des plus faibles retraites me paraît tout de même
importante. Elle traduit l'effort de la collectivité nationale au profit du monde rural pour qui, vous avez eu raison de le dire,
le travail a été dur pendant des années : quarante à cinquante ans, voire, souvent, cinquante ans et plus !
Cette étape devra être poursuivie pendant la durée de la législature, afin de porter la retraite des agriculteurs à un niveau
acceptable. Si je ne vous donne pas de calendrier plus précis, c'est que nous serions bien en peine de l'établir. En effet,
ayant, si j'ose dire, repris le flambeau des affaires depuis peu de temps et étant confrontés à la fois au projet de loi de
finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale, un calendrier ne serait pas exact et nous ferait mentir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Madrelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je voudrais dire ma confiance dans le Gouvernement et remercier M. le secrétaire d'Etat.
Je lui demande d'être notre interprète autour de la table du Gouvernement et de se battre, car il s'agit d'un problème qui
est vraiment grave, vous l'avez bien compris.
Il concerne ceux qui sont dans la détresse, car ils ont peu de moyens pour vivre, et, malheureusement, vous le savez bien,
ils sont légion à travers la France. Par un juste retour des choses, il faut donc leur apporter la solidarité.
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