Question de Mme TERRADE Odette (Val-de-Marne - CRC) publiée le 24/10/1997
Question posée en séance publique le 23/10/1997
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes
chers collègues, les situations de pauvreté et d'exclusion ne cessent de croître. Selon l'INSEE, 11 % des ménages vivent
en France dans la pauvreté ; 1 million de personnes perçoivent le RMI ; 7 millions sont touchées par le sous-emploi. C'est
jusqu'au droit de se nourrir, de se vêtir, de se soigner, de se loger qui est enlevé à des millions de familles !
Vendredi dernier, à l'occasion de la journée mondiale de refus de la misère, les plus démunis de nos concitoyens et leurs
associations nous ont interpellés. Ils réclament le droit de vivre dignement.
La privation d'emploi étant la cause essentielle des situations de pauvreté, les parlementaires communistes soutiennent
toute mesure allant dans le sens d'une lutte réelle contre le chômage comme les trente-cinq heures, la création de 350 000
emplois-jeunes et une autre utilisation de l'argent.
Dans le même esprit, avec les familles concernées, nous avons apprécié positivement l'augmentation de la prime de
rentrée scolaire et la mesure visant à assurer un repas à la cantine aux enfants des foyers en difficulté.
Toutefois, les cas d'une extrême urgence continuent de se multiplier. C'est dans ce contexte que le rôle des associations
caritatives et humanitaires devient de plus en plus prépondérant. Sans se substituer au devoir de solidarité de l'Etat, ces
associations constituent un réseau de solidarité libre et volontaire d'une richesse extraordinaire. Elles jouent un rôle majeur
de cohésion sociale. Or leurs moyens d'action sont de plus en plus limités.
Tout d'abord, la dotation globale de lutte contre la pauvreté a considérablement diminué. Cette baisse est accentuée par
la décentralisation des dotations aux comités départementaux sans transfert des moyens correspondants et aussi par le
manque de volonté politique des pouvoirs décentralisés en charge de ces questions.
De plus, les associations humanitaires et caritatives sont amenées, pour faire face à leurs missions, à acheter divers
produits de première nécessité. Or, aucune disposition fiscale n'est prévue afin de les exonérer du paiement de la TVA
pour les biens et services destinés à la solidarité.
Ma question, madame la ministre, est en plusieurs temps mais participe de la même logique. Alors que le débat budgétaire
a débuté, quelles dispositions peuvent être prises afin que la dotation globale de lutte contre la pauvreté soit réévaluée et
attribuée plus rapidement ? Comment allez-vous répondre aux attentes des associations en matière d'allégement de la
TVA et des frais postaux ? Quelle méthode adopterez-vous pour l'élaboration du projet de loi dont vous avez annoncé
l'examen par le Parlement au printemps 1998 ? Enfin, de réels moyens financiers seront-ils dégagés pour que nous
n'ayons plus besoin d'une journée nationale de lutte contre la misère et la précarité ? (Très bien ! et applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 24/10/1997
Réponse apportée en séance publique le 23/10/1997
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame le sénateur, nous sommes tous conscients du
fait qu'un grand nombre de nos concitoyens vivent dans un très grand état de précarité physique et financière, certes, mais
souvent aussi psychologique et morale.
Vendredi dernier, lors de la journée mondiale de refus de la misère, j'étais à Roubaix avec ATD quart-monde et j'ai
rencontré des personnes qui ne savent plus comment s'en sortir, où trouver encore une main secourable.
Derrière les chiffres, RMIstes, chômeurs de longue durée, il y a des hommes et des femmes qui souffrent, il ne faut pas
l'oublier.
Je ne rappellerai pas toutes les mesures que le Gouvernement a déjà prises - augmentation du SMIC, allocation de
rentrée scolaire, aide aux cantines scolaires notamment - pour essayer de lutter contre un certain nombre d'éléments qui
expliquent aujourd'hui ces exclusions ou des situations qui sont le fait même de ces exclusions.
A la demande de M. le Premier ministre, je coordonne actuellement l'élaboration d'un grand projet de loi pour lutter
contre les exclusions que nous espérons soumettre au Parlement au printemps prochain. Je dois d'ailleurs recevoir ce soir
des représentants de grandes associations nationales pour évoquer cette question. Dix-huit départements ministériels sont
concernés par ce texte.
Nous souhaitons que ce projet de loi ne se borne pas à rappeler des principes qui sont essentiels, le droit au logement, à
l'éducation, à la sécurité, à définir un observatoire de la pauvreté et de l'exclusion, mais mets bien en place un programme
sur deux ans dans chacun des domaines avec des moyens y afférant pour pouvoir lutter contre l'exclusion.
Je rappelle que M. le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, mais aussi dans les lettres de cadrage
qu'il a envoyées à chaque ministre, a précisé à nouveau que l'emploi et la lutte contre les exclusions étaient les priorités
des priorités.
Aussi, je voudrais vous répéter que, dès 1998, les crédits affectés à la lutte contre l'exclusion augmenteront de 6 % pour
le budget d'insertion par l'économie. En outre, 500 places supplémentaires d'hébergement d'urgence sont prévues.
A cela, il convient d'ajouter les fonds qui figurent au budget du ministère du logement, une augmentation importante de
l'enveloppe consacrée au RMI et une provision en vue d'accroître le montant de l'allocation spécifique de solidarité, qui
intéresse tous ces chômeurs en fin de droits.
J'ajouterai enfin une provision de 225 millions de francs pour le seul budget du ministère de l'emploi, avant prise en
compte du problème de l'exclusion.
Par ailleurs, madame le sénateur, vous savez que les règles européennes ne nous permettent pas de différencier les taux
de TVA en fonction des consommateurs, mais je voudrais vous indiquer que le Gouvernement est bien décidé à aider les
associations d'une autre manière, c'est-à-dire en faisant en sorte que celles-ci puissent, par exemple, recevoir les aides ou
les subventions auxquelles elles ont droit dans les délais.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, s'agissant du plan « emplois-jeunes », de verser les aides en début de
mois, et non plus, comme c'est le cas aujourd'hui, très tardivement, avec plusieurs mois de retard. Nous avons la
conviction que nous devons travailler dans une optique pluriannuelle, en signant des conventions avec les associations et
en procédant à une évaluation. L'ensemble des membres du Gouvernement se consacre actuellement à cette tâche, et je
crois d'ailleurs pouvoir dire que Marie-George Buffet vient d'être chargée par le Premier ministre d'une mission sur les
bénévoles oeuvrant dans les associations, ce qui permettra aussi de répondre aux besoins de celles-ci.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
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