Question de M. CHABROUX Gilbert (Rhône - SOC) publiée le 31/07/1997

M. Gilbert Chabroux appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères au sujet de la reconnaissance du génocide arménien de 1915 par la France. Alors que le Parlement européen proclamait, en 1987, le 24 avril comme " journée du souvenir du génocide arménien ", celui-ci, le premier du XXe siècle, n'a toujours pas été reconnu par la France, pays des droits de l'homme. La Turquie est persuadée que les grandes puissances ne la contraindront pas à reconnaître le génocide arménien, ne serait-ce que pour éviter une surenchère revendicative qui compliquerait une situation bien délicate dans cette partie du monde. Dans la lutte contre le fondamentalisme, elle est considérée comme étant un Etat musulman laïc faisant rempart. Il faut la soutenir. Soit. Mais comment pouvons-nous être persuadés qu'elle soit véritablement ce rempart, alors même qu'elle refuse de reconnaître l'histoire, alors qu'elle nie la réalité du génocide arménien en distillant inlassablement des thèses révisionnistes, pire encore, en s'ingéniant à faire disparaître toute trace d'aménité. Les archives, à ce propos, sont accablantes, les accusations les plus sévères émanant d'observateurs américains, français, allemands tels que Lepsus, Bryce, Morgenthau, Leslie, Davis, sans parler des nombreuses victimes disséminées dans le monde entier . Au nom de quels accords la reconnaissance du génocide arménien passe-t-elle à la trappe ? La France n'a que très peu bougé durant cette terrible période, en ce début de siècle. Elle continue à faire silence. Pourtant, la France doit prendre une initiative forte, en reconnaissant solennellement la réalité du génocide arménien, premier génocide du XXe siècle. Elle doit porter le flambeau du droit et rappeler la mémoire arménienne pour témoigner sa reconnaissance au peuple arménien avec lequel elle entretient des liens d'amitié depuis de nombreuses années et qui a su, en des temps difficiles, montrer sa solidarité, sa générosité et se battre au côté de la France. Elle doit également prendre le flambeau pour cette troisième génération qui n'oublie pas et porte la mémoire de ses grands parents. Elle doit donner l'espoir à tous les peuples victimes d'un génocide. Il y va de la crédibilité de la France comme de la capacité de l'humanité à retenir les leçons de l'histoire. Différentes instances n'ont cependant pas attendu pour reconnaître cette tragédie : lors du procès des Unionistes en 1919, le Tribunal permanent des peuples en 1984, la sous-commission des droits de l'homme de l'ONU en 1985, le Parlement européen en 1987. Il demande au gouvernement français de prendre toute initiative favorisant la mise en oeuvre de la reconnaissance officielle, par l'Etat français, de la réalité du génocide arménien. A défaut, il souhaite que le gouvernement français puisse, au nom des amitiés franco-arméniennes, avoir une expression forte en faveur de cette reconnaissance. Il en va de la crédibilité de la France.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 16/10/1997

Réponse. - L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention du ministre sur l'attitude de la France à l'égard des événements tragiques qui ont touché le peuple arménien en 1915. A plusieurs reprises, le gouvernement français a évoqué la question des massacres des Arméniens d'Asie mineure commis dans les dernières années de l'emprire ottoman, sous le régime dominé par le parti des " jeunes Turcs ", et avant l'instauration de l'actuelle république de Turquie. Il est établi qu'une large part de la population arménienne de l'ancien empire ottoman a été exterminée entre 1915 et 1916. Nul ne saurait le nier. La France a accueilli bon nombre d'Arméniens ayant échappé à ces massacres ; Marseille a accueilli entre 1924 et 1927, 87 000 Arméniens d'Anatolie ; des milliers d'autres sont arrivés en France par des voies indirectes. Le douloureux parcours de ces rescapés est bien connu. Il en existe de multiples témoignages. Les quelque 400 000 descendants des réfugiés de ces massacres, qui vivent aujourd'hui sur notre territoire, se sont parfaitement intégrés à la communauté nationale. Ils ont largement leur part dans la richesse et la diversité de notre culture. Ils sont naturellement désireux de conserver vivante la mémoire du drame vécu par leurs proches. Ceci est parfaitement légitime. La France rend avec eux hommage aux victimes de ces massacres. Elle en est solidaire et elle souhaite que toute la lumière soit faite sur les origines de cette tragédie.

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