Question de M. DESCOURS Charles (Isère - RPR) publiée le 27/06/1997
Question posée en séance publique le 26/06/1997
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Je commencerai mon propos en protestant contre la manière dont s'est déroulée cette séance.
En effet, nous n'avons pas pu poser nos questions pendant l'heure qui nous était impartie et, désormais, la télévision
n'assure plus la retransmission de nos débats.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il vous reste le Journal officiel !
M. Charles Descours. J'avais tout d'abord pensé restreindre ma question mais, finalement, je la poserai entièrement.
Monsieur le Premier ministre, dans votre discours de politique générale, vous avez annoncé votre décision de fermer la
centrale de Superphénix.
Cette décision entraîne la perte de 3 000 emplois et la ruine d'une région. Comment peut-on s'élever contre la fermeture
de l'usine de Vilvorde et décider d'un trait de plume une telle suppression ?
Monsieur le Premier ministre, dans le même discours de politique générale, vous avez déclaré : « Notre attitude à l'égard
des Françaises et des Français doit être celle du dialogue continu, de l'attention scrupuleuse, de la disponibilité constante
».
Vous avez poursuivi un peu plus loin : « La décision doit être préparée avec les personnes qu'elle concerne ; cet impératif
est particulièrement net s'agissant des implantations de grands équipements aux retombées économiques. »
Ces nobles pensées, monsieur le Premier ministre, vous semblent-elles avoir été respectées dans la décision de fermer
Superphénix ?
Le secrétaire d'Etat à l'industrie a déclaré hier à l'Assemblée nationale, en réponse à une question similaire, que le
Gouvernement souhaitait préserver les impératifs d'aménagement du territoire et de maintien de l'emploi.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelles dispositions concrètes le Gouvernement compte prendre
pour atteindre cet objectif dans une région qui, depuis vingt ans, n'a pas d'autres ressources importantes ?
Comment comptez-vous concilier cette décision de fermeture avec les dispositions de la loi du 30 décembre 1991 sur les
déchets nucléaires, à la suite de laquelle le surgénérateur devait être transformé en sous-générateur, décision approuvée
par M. Strauss-Kahn, alors ministre de l'industrie ?
Ne pensez-vous pas que les quelque 40 milliards de francs nécessaires à l'arrêt de Superphénix - 20 milliards de francs
pour dédommager nos partenaires européens, 6 milliards de francs si on ne produit pas de l'énergie avec les produits
fissiles actuellement stockés dans la centrale, auxquels s'ajoutent 12 milliards de francs au moins pour l'arrêt et le
démantèlement de cette centrale - sont un énorme gaspillage, alors que nous sommes dans ce domaine les meilleurs du
monde et que, au Japon, pays pourtant très antinucléaire, la relance de la filière est toujours en discussion ?
Enfin - et ce point est encore plus important - le secrétaire d'Etat à l'industrie a déclaré hier : «L'engagement de notre pays
en faveur de l'électricité nucléaire, qui assure l'indépendance nationale, est irrévocable. »
Pouvez-vous confirmer ces propos, monsieur le Premier ministre, et nous dire quelles mesures vous comptez prendre
dans les prochains mois pour préparer les échéances de 2010, date à laquelle les centrales nucléaires actuelles seront en
fin de vie ? Etes-vous prêt à engager un débat sur la politique énergétique de notre pays devant le Parlement ?
Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de nous donner des réponses aussi précises que possible.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 27/06/1997
Réponse apportée en séance publique le 26/06/1997
M. le président. La parole est à Mme le ministre. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.) M. Josselin de Rohan. Enfin, la coupable est là !
(Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je
vous remercie de l'occasion que vous me donnez de m'exprimer pour la première fois devant des parlementaires, ici
même au Sénat.
La décision d'arrêter le surgénérateur Superphénix, que le Premier ministre a annoncée dans sa déclaration de politique
générale et qu'il a rappelée ici même, n'est pas une surprise. Elle a été largement débattue et argumentée au cours de la
campagne électorale. Et pourtant, il ne s'agit ni d'une décision idéologique ni d'une décision électoraliste.
M. Charles Descours. Je n'ai pas dit ça ; ce n'est pas ma question !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Elle découle d'un constat
largement partagé : la filière des réacteurs à neutrons rapides n'a pas justifié à ce jour les espoirs placés en elle, qu'il
s'agisse de produire de l'électricité ou d'éliminer du plutonium.
Comme vous l'avez souligné, il s'agit d'une décision grave, qui pose de nombreux problèmes sérieux. Mais ceux-ci ne sont
pas forcément plus graves ou plus sérieux que ceux que présenterait la poursuite de l'exploitation du surgénérateur.
M. Charles Descours. Allez le dire aux salariés !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il s'agit de problèmes
juridiques et financiers que nous sommes en train d'examiner. Comme vous l'avez noté, nous devons négocier avec nos
partenaires étrangers sur ce point. Il s'agit également de problèmes d'emplois et d'aménagement du territoire car sont
concernés quelque 700 salariés d'EDF,...
M. Charles Descours. Salariés directs !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... de très nombreux
intérimaires et sous-traitants. Par ailleurs, il ne faut pas oublier les emplois induits par l'activité de Superphénix.
Comme le Gouvernement l'a déjà affirmé à plusieurs reprises, l'emploi est l'une de ses priorités sinon sa priorité. C'est
pourquoi nous serons extrêmement attentifs et très actifs dans la mise en oeuvre d'une concertation étroite avec l'ensemble
des acteurs locaux pour songer à la reconversion industrielle du site et au devenir des cantons qui vivent, comme vous
l'avez indiqué, pour l'essentiel de cette activité.
Cela dit, il n'y a pas de risque à court terme pour l'emploi car l'arrêt et le démantèlement de la centrale nécessiteront de
longs mois voire de longues années de réflexion, de recherche et de travail. Nous serons d'autant plus attentifs à cette
question que cette opération, qui est très lourde du point de vue technique et qui soulèvera des problèmes inédits, nous
permettra de mettre en oeuvre des solutions adaptées au problème du démantèlement de la première génération des
centrales nucléaires qui sera posé à partir de 2010.
J'en viens maintenant - ce sera ma conclusion - à la mise en oeuvre de la loi du 30 décembre 1991, qui prévoyait trois
pistes prioritaires de recherche : la séparation-transmutation - il s'agit de celle qui était explorée dans Superphénix - le
stockage dans les couches géologiques profondes et l'entreposage de longue durée en surface.
Il est évident que, désormais, nous devons faire porter notre effort de recherche sur les deux pistes qui demeurent
crédibles à cette heure.
Enfin, comme vous l'avez noté, le Gouvernement n'a pas remis en cause les choix énergétiques effectués par le passé.
Simplement, il est de ma responsabilité, en tant que ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, de
permettre à notre pays, par des choix en matière de recherche, de se doter des moyens de réfléchir de façon plus ouverte
à son avenir énergétique, notamment en ce qui concerne les économies d'énergie, les énergies renouvelables et la
diversification énergétique. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
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