Question de Mme DIEULANGARD Marie-Madeleine (Loire-Atlantique - SOC) publiée le 13/03/1997
Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la siuation préoccupante et dramatique que connaissent depuis plusieurs mois des marins de nationalité russe, immobilisés dans les ports de Nantes et de Saint-Nazaire, mais aussi de Dunkerque et de Bordeaux suite à la faillite des armateurs des navires sur lesquels ils ont été embarqués. Ne pouvant quitter les navires sous peine d'être licenciés pour faute, et en attendant la mise aux enchère des navires, ces marins bénéficient de la solidarité de collectifs d'associations et des municipalités de Nantes et de Saint-Nazaire, qui assurent notamment le ravitaillement en nourriture et en chauffage. Ils ont également pu accéder à des soins médicaux grâce aux interventions bénévoles de médecins et de pharmaciens de la ville ou du centre hospitalier. Elle souhaite connaître les propositions qu'entend faire le Gouvernement pour trouver une solution permettant le rapatriement de ces marins, pour contribuer à prendre en charge la subsistance de ces équipages assurée jusqu'à ce jour par la solidarité locale, et quelle démarche il envisage d'entreprendre auprès des autorités russes afin que de telles situations ne se reproduisent plus.
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Réponse du ministère : Logement publiée le 16/04/1997
Réponse apportée en séance publique le 15/04/1997
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le ministre, la liste des navires étrangers retenus dans des ports
français devient impressionnante, que ce soit pour des raisons de sécurité - la France, signataire du memorendum de
Paris, se devant d'être d'une extrême rigueur avec le respect de ces règles - ou pour des raisons de défaillance des
armateurs. Nous en trouvons ainsi dans les ports de Dunkerque, Le Havre, Rouen, Brest, Nantes, Bordeaux, Bayonne,
Port-de-Bouc et, tout récemment jusqu'à ces derniers jours, à Saint-Nazaire.
Chaque fois, l'équipage subit des conséquences humaines dramatiques en raison de l'absence de salaires, de l'éloignement
; parfois, lorsque les navires sont vendus, les marins sont confrontés à des situations de séjour irrégulières du fait de leur
débarquement.
Je reste, monsieur le ministre, volontairement pudique dans la description de ces faits, en comparaison de tout ce qui a pu
se dire hier soir sur les chaînes de télévision relatant et décrivant des situations indignes de notre société.
Des associations et organismes leur viennent souvent en aide et le font avec un esprit de solidarité exemplaire. Mais,
monsieur le ministre, le réseau associatif et les centres communaux d'action sociale, pour l'essentiel, ne se mobilisent pas
toujours avec autant de constance, et les marins connaissent alors des cas de détresse intolérables.
Monsieur le ministre, qui va aider ceux-ci à survivre à bord, en termes de vivres et de carburant ?
Comment vont-ils percevoir leur salaire ?
Qui peut leur délivrer un titre de séjour et leur donner un statut lorsqu'ils ne sont plus à bord ?
Dans quelles conditions peuvent-ils espérer être rapatriés ?
Enfin, qui est habilité à saisir la justice et, lorsque le navire est vendu, qui peut leur garantir qu'ils seront les destinataires
prioritaires du fruit de la vente ?
Monsieur le ministre, il me semble que l'Etat devrait prendre la mesure de ses responsabilités dans ces circonstances, tant
en matière de prévention que pour ce qui concerne les conditions de séjour et de rapatriement des marins. Par ailleurs, il
devrait s'assurer du transfert de fonds rapide, après la vente, au besoin par les moyens diplomatiques, afin de garantir que
ces fonds seront bien attribués prioritairement aux marins.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Madame le sénateur, deux navires se trouvent effectivement
immobilisés dans des ports français pour des raisons financières et cette situation nous est bien connue.
Elle trouve son origine dans l'application d'une convention internationale, la convention de Bruxelles du 10 mai 1952,
ratifiée par la France en 1958.
Cette convention internationale institue deux règles originales, qui expliquent la situation dont nous nous sommes tous
émus. D'abord, cette convention vise même les navires des Etats non contractants - cela concerne donc les pavillons de
complaisance - et, ensuite, elle doit être appliquée par tout juge du port d'escale du navire d'un Etat contractant, lequel est
compétent sur le fond du procès.
Voilà, brièvement exposées, les raisons juridiques complexes qui expliquent pourquoi des navires étrangers sont
régulièrement saisis dans des ports français par les tribunaux de commerce.
Au-delà de la légitime émotion partagée que soulève le sort des marins des navires de complaisance, ce sont l'honneur et
le devoir de la République française de leur permettre, comme créanciers privilégiés, de recouvrer leurs salaires dus par
des armateurs indignes de l'industrie maritime.
Pour en venir aux deux affaires qui ont soulevé votre question, la saisie des navires United Victory et Koporye dans les
ports respectivement de Nantes et de Saint-Nazaire, M. Bernard Pons me charge de vous apporter les renseignements
suivants.
Le navire United Victory, qui bat pavillon du Honduras, a fait l'objet de plusieurs saisies de créanciers depuis octobre
1996.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Comme le Phocéa
! (Sourires.)
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. Toute assimilation avec un acteur connu est...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ridicule !
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. ... une simple coïncidence, comme on dit dans les films.
L'équipage de ce navire est de nationalité russe. L'armateur s'avérant insolvable, une procédure de vente judiciaire est en
cours, qui permettra aux marins de récupérer, avant tous les autres créanciers, leurs salaires. Ainsi, dix-sept marins sur
vingt-trois ont pu débarquer et rentrer en Russie. Les autres membres, volontaires, sont restés pour assurer le gardiennage
du navire jusqu'à la vente qui, nous le pensons, est imminente.
Le navire Koporye, qui bat pavillon de la Russie, fait l'objet de saisies déclenchées depuis juillet 1996. La vente du navire
a eu lieu le 28 mars 1997 et permettra, très vite, aux vingt-sept membres de l'équipage le règlement de leurs salaires,
madame le sénateur. Là aussi, les services de la préfecture de la région Pays de la Loire ont permis à seize d'entre eux
d'ores et déjà de rentrer en Russie.
De multiples élans de solidarité et de coopération ont permis de trouver des solutions pour les marins, soit leur
rapatriement, soit leur assistance.
Les services extérieurs du ministère ont rempli leur mission de contrôle de la sécurité à l'égard des navires étrangers avec
célérité, interdisant notamment au United Victory de reprendre la mer dans l'état qui était le sien, cela, vous en
conviendrez, dans l'intérêt d'abord des gens de mer.
Dans ces affaires, nous avons veillé à l'application stricte de nos engagements communautaires pris par l'adoption de la
directive du 19 juin 1995 sur le contrôle du port par l'Etat.
Je vous ai entendue, madame le sénateur, demander au Gouvernement de prendre ses responsabilités. Je pense vraiment
qu'il les a prises et je suis persuadé qu'au fond de vous-même vous en conviendrez.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. J'ai bien noté toutes les explications de M. le ministre et je l'en remercie. Je ne
suis pas convaincue qu'elles seront de nature à améliorer la situation des marins qui sont retenus dans les ports sur leurs
navires. Ces cas sont appelés à se multiplier.
Il me semble que, si la France respecte rigoureusement les règles de sécurité, notamment celles qui sont édictées par
l'Office des migrations internationales - l'OMI -, elle ne peut que retenir des bateaux dans un certain nombre de ports. La
situation n'est donc pas liée simplement à la défaillance des armateurs.
Il me semble aussi que les explications que vous m'avez données, monsieur le ministre, sont parcellaires, car des navires
appartenant à la même compagnie que la Koporye se trouvent à Bordeaux dans la même situation qu'à Saint-Nazaire, et
la situation se prolonge.
Ma question avait simplement pour objectif de suggérer au Gouvernement de prendre un certain nombre d'initiatives, par
les moyens diplomatiques dont il dispose, pour accélérer le transfert des fonds actuellement disponibles et qui ne le seront
probablement pas très longtemps. En effet, la justice et les ports vont commencer par retenir leurs propres frais sur ces
fonds, fruits de la vente du navire.
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