Question de M. RAOULT Paul (Nord - SOC) publiée le 07/03/1997
Question posée en séance publique le 06/03/1997
M. le président. La parole est à M. Raoult. (Applaudissement sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers
collègues, c'est avec stupéfaction et effarement, indignation et colère que nous avons appris la décision brutale du groupe
Renault de fermer un de ses sites de production à Vilvorde, en Belgique, et de supprimer 2 764 postes sur les différents
sites français.
Ma première interrogation porte sur la forme et sur la méthode. Il nous paraît inacceptable que de telles décisions soient
prises sans concertation : la brutalité de l'annonce, l'attitude désinvolte constatée marquent un mépris injustifié à l'égard
des salariés.
Certes, vous avez dénoncé à retardement cette façon de faire. Mais comment comprendre et accepter de tels
agissements, alors que l'Etat est bien toujours le premier actionnaire de Renault, avec 46 % du capital ?
En réalité, cette méthode reproduit votre façon de gouverner, dont les conséquences se constatent encore aujourd'hui
avec les défilés de protestation des fonctionnaires à travers toute la France.
M. Alain Gournac. Il n'y a personne dans ces défilés !
M. Paul Raoult. Ma deuxième interrogation porte sur la stratégie industrielle du groupe Renault face à une situation de
marché difficile.
Trop souvent, aujourd'hui, on pratique la solution des licenciements massifs. Cette logique défensive, de repli, se fait au
détriment de la capacité d'innovation du groupe et elle conduira, à terme, à casser tout l'outil de production pour faire des
profits financiers à court terme.
Nous dénonçons une politique à courte vue qui est dans la logique de la privatisation que vous défendez avec
acharnement. Les effets industriels en sont désastreux !
Quand vous déciderez-vous, monsieur le ministre, à engager une grande politique industrielle de partenariat entre les
différents groupes et l'Etat ? Cette politique impulserait un nouveau dynamisme industriel et commercial qui permettrait à
Renault de conquérir les nouveaux marchés extra-européens dont il est étrangement absent.
Ma troisième interrogation porte sur la politique sociale du groupe.
Aujourd'hui, cette politique s'inscrit dans une vision caricaturale du libéralisme sauvage qui vise à toute force à vouloir
diminuer les coûts sociaux, à procéder à un recours accru aux personnels à statut précaire, à la sous-traitance, et même -
ô paradoxe - à imposer des heures supplémentaires aux salariés, comme on le voit aujourd'hui à l'usine de Renault-Douai.
On pourrait pour le moins, monsieur le ministre, réfléchir à une politique de réduction du temps de travail, ...
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Raoult !
M. Alain Gournac. Oui, la question !
M. Paul Raoult. ... comme l'a fait Volkswagen en son temps. Cela permettrait d'amortir les chocs sociaux et
d'embaucher les jeunes, en tout cas bien plus que les 150 prévus par le plan social.
C'est une demande pressante des salariés de Renault qui, aujourd'hui, ont peur : je pense en particulier à tous ceux du
Nord - Pas-de-Calais, ...
M. le président. Posez votre question, monsieur Raoult !
M. Alain Gournac. La question !
M. Paul Raoult. ... qui ont peur de connaître un jour le même sort que les salariés de l'usine de l'usine de Vilvorde, qui
leur était présentée comme un modèle d'excellente productivité !
Pour apaiser cette peur sociale, il faut aussi bâtir une véritable Europe sociale qui garantisse les droits des travailleurs de
toute l'Union européenne.
M. le président. Je vous rappelle que vous devez poser votre question ! Vous parlez déjà depuis plus de deux minutes
trente...
M. Paul Raoult. Devant tant d'incohérence, de gâchis humain et financier, vous devez, monsieur le ministre, arrêter le
plan de restructuration de Renault. L'avenir de l'entreprise en dépend.
Il ne faudrait pas que la Renault, « voiture à vivre », devienne un jour une voiture à verser des larmes. (Applaudissements
sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
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Réponse du ministère : Industrie publiée le 07/03/1997
Réponse apportée en séance publique le 06/03/1997
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui arrive à Renault est un vrai drame. C'est à la fois un drame social, parce que
cela touche un site de production de plus de 3 000 personnes, mais aussi un drame pour la région où est située cette
usine, et un drame pour Renault dans la mesure où la société se prive d'un site de production et où elle s'ampute donc par
rapport à son avenir.
De telles décisions relèvent cependant, il faut le savoir, de la responsabilité des dirigeants.
Vous dites que l'Etat est le premier actionnaire. C'est vrai, il s'agit d'une entreprise privatisée...
M. François Autain. Eh oui !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. ...dans laquelle les capitaux
privés sont majoritaires. Il appartient donc au conseil d'administration d'arrêter la stratégie du groupe et aux dirigeants de
l'entreprise de proposer les mesures qui permettent de satisfaire à cette stratégie.
Malheureusement, la situation est ce qu'elle est et il faut agir vite et fort pour sauver Renault. En effet, en 1995, Renault a
perdu des parts de marché et affichera, sur sa branche automobile, plus de 3 milliards de francs de pertes.
Si rien n'est fait de manière urgente - et, malheureusement, avec des mesures de restructuration fortes - la dérive de la
perte conduira, en 1997 et en 1998, à des chiffres de plus en plus importants et, au bout du compte, à une accumulation
de pertes, et donc d'endettement, qui pourrait mettre en cause la vie même de cette entreprise à la veille de l'ouverture
des frontières, le 1er janvier 2000.
Bien évidemment, des décisions de restructuration industrielle devront être prises pour que l'outil soit plus productif et
concurrentiel sur un marché qui, en 1997, va être stagnant en Europe et connaître une baisse de plus de 10 % en France.
Cela étant, comme l'a dit M. le Premier ministre, il faut agir en plaçant l'homme au coeur des décisions. (Exclamations
ironiques sur les travées socialistes.)
Par conséquent, il faut accompagner les décisions industrielles d'un plan de reconversion industrielle pour la région et d'un
dialogue social avec les salariés...
Mme Hélène Luc. Comment pouvez-vous dire cela sérieusement, monsieur le ministre ?
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. ... afin de régler le moins mal
possible le problème posé.
M. le Premier ministre a reçu hier le président de Renault et il lui a signifié, au nom du Gouvernement, qu'il était
indispensable de respecter les directives européennes, la loi belge et la loi française.
Les moyens financiers nécessaires devront par ailleurs être dégagés pour apporter des solutions tant au problème social
qu'au problème industriel. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et l'Europe, dans tout cela ?
Mme Hélène Luc. Et l'Europe sociale ?
M. René-Pierre Signé. Le Gouvernement était au courant depuis longtemps !
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