Question de Mme DUSSEAU Joëlle (Gironde - RDSE) publiée le 20/02/1997
Mme Joëlle Dusseau attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les menaces qui pèsent sur la spécificité des caisses d'épargne. Les caisses d'épargne sont reconnues depuis la loi de 1835 comme des établissements privés d'utilité publique et depuis celle de 1983 (dernière en date des réformes de leurs statuts) comme des établissements de crédit à but non lucratif. C'est ainsi que, tout en réalisant des opérations de banque, les caisses d'épargne ne sont pas soumises au droit commercial et qu'elles effectuent donc des actes commerciaux mais sans esprit de lucre. Cette spécificité, qui fonde l'existence même des caisses d'épargne et a façonné toute leur évolution, leur a permis de demeurer une implantation de proximité au service de toutes les clientèles de particuliers, y compris les défavorisés, de financer la constitution de logements sociaux par biais du livret A et d'être un partenaire privilégié des collectivités locales. Cependant, le corollaire de cette non-recherche de la rentabilité maximale par les caisses d'épargne est le monopole du livret A qu'elles détiennent avec La Poste. Or deux types de menaces se présentent actuellement pour elles. Tout d'abord, l'association française des banques mène une campagne active en faveur d'une banalisation du système financier visant à retirer à La Poste et aux caisses d'épargne le monopole du livret A. Cette banalisation du livret A, qui n'aurait qu'une infime influence sur la rentabilité des banques commerciales, aurait en revanche des conséquences sur l'emploi dans les caisses d'épargne, qui sont organisées pour offrir le premier support de l'épargne populaire partout en France, cette activité représentant en moyenne 20 % de leur chiffre d'affaires. Cette banalisation affecterait également le mode de financement du logement social, assuré à ce jour - via les prêts de la Caisse des dépôts et consignations aux organismes HLM - grâce aux fonds collectés sur le livret A. En effet, les caisses d'épargne possèdent un savoir-faire en matière de développement de l'épargne populaire avec lequel le système bancaire classique ne saurait rivaliser. La banalisation du livret A au profit des banques serait ainsi à terme son entrée en compétition avec beaucoup d'autres produits d'épargne, ce qui tarirait les ressources du logement social. Enfin, leur perte du monopole du livret A obligerait les caisses d'épargne à des mesures d'économie telles que la fermeture de points de vente, notamment en milieu rural, ou l'adoption d'une nouvelle tarification des services excluant de fait les clientèles défavorisées. L'exemple du Crédit foncier, dont la rentabilité a été sévèrement compromise par la suppression des prêts d'accession à la propriété au profit des prêts à taux zéro distribués à toutes les banques, constitue une mise en garde quant aux conséquences que pourrait avoir pour les caisses d'épargne cette banalisation du livret A. En second lieu, les dirigeants des caisses d'épargne réclament aujourd'hui de tenir le rôle de banquiers et préconisent pour cela la création de sociétés anonymes coopératives rattachées à une fondation, laquelle aurait seule en charge la mission sociale des caisses d'épargne tout en laissant aux sociétés anonymes coopératives l'activité bancaire. Cette modification du statut des caisses d'épargne porterait atteinte à leur raison d'être : l'activité bancaire serait nécessairement mise en oeuvre dans un souci de rentabilité maximale pour permettre de rémunérer les associés investisseurs, ce qui aurait des conséquences ; sur l'approche par la Caisse d'épargne de ses clientèles de condition modeste, donc moins rentables. C'est pourquoi elle lui demande s'il entend maintenir, comme elle le souhaite, le monopole du livret A aux caisses d'épargne et s'opposer à toute réforme du statut juridique qui remettrait en cause leur but non lucratif.
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Réponse du ministère : Économie publiée le 10/04/1997
Réponse. - Les caisses d'épargne ont pris l'initiative de réfléchir à une évolution de leur statut. Les orientations auxquelles cette réflexion les a conduites consistent à transformer les caisses d'épargne en sociétés anonymes coopératives, les dotant ainsi d'un capital qui serait cédé progressivement. La transformation de leur forme juridique vers les formes de droit commun s'inscrit dans un mouvement d'ensemble. Elle est une des conséquences de l'élargissement de l'activité de ces établissements et de leur rôle croissant dans l'économie du pays et au sein de nos régions. Il est logique et nécessaire que les caisses d'épargne soient dotées d'un statut qui leur permette de devenir des entreprises bancaires comparables aux autres établissements. Le Gouvernement sera très attentif à ce que cette évolution conduise effectivement à ce que les exigences de rentabilité ou de rémunération des fonds propres deviennent des références de gestion naturelles de façon à assurer durablement la solidité financière des caisses d'épargne et donc la sécurité de leur clientèle, et plus largement le fonctionnement harmonieux de la concurrence dans le système bancaire. Les responsables des caisses d'épargne sont convaincus de la nécessité d'une réforme et ont entrepris d'en convaincre l'ensemble du groupe, et notamment son personnel. Il importe toutefois que la réforme de leur statut se fasse dans le respect scrupuleux des valeurs qui fondent la place particulière de ces établissements dans l'opinion publique, tout en étant compatible avec les objectifs de modernisation et de réforme structurelle que poursuit le Gouvernement. Un travail important doit encore être mené avec les responsables des caisses d'épargne pour préciser les grandes lignes de ce projet.
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