Question de M. de ROHAN Josselin (Morbihan - RPR) publiée le 26/02/1997
M. Josselin de Rohan demande à M. le ministre de l'environnement de bien vouloir faire le point sur l'évolution de la politique de son ministère en matière de déchets ménagers
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Réponse du ministère : Environnement publiée le 16/04/1997
Réponse apportée en séance publique le 15/04/1997
M. Josselin de Rohan. Madame le ministre, tant le rapport sur les déchets ménagers présenté à l'Assemblée nationale
par M. Ambroise Guellec que votre circulaire du 24 février 1997 relative aux plans d'élimination des déchets suscitent de
sérieuses interrogations chez les élus locaux.
Le rapport de M. Guellec - aux conclusions duquel vous avez déclaré souscrire - comporte un certain nombre de
critiques dont certaines, fort vives, à l'encontre des quelque quarante plans départementaux publiés à ce jour.
M. Ambroise Guellec dénonce un certain nombre de points : le contenu peu imaginatif de ces plans, qui accorderaient à la
technique de l'incinération une place prépondérante, avec des objectifs de valorisation minimalistes ; l'évaluation
approximative des coûts d'élimination des ordures ménagères et la sous-estimation des coûts de l'incinération ; l'ossature
des plans, qui, dans la définition actuelle du déchet ultime, constitue une incitation à l'incinération dans la mesure où les
refus de tri-compostage ne sont pas considérés comme déchets ultimes et ne pourraient, de ce fait, être acceptés en
décharge.
Il conclut très logiquement que, si l'on partage cette analyse, il convient de revoir la définition du déchet ultime et
d'autoriser la mise en décharge de tous les déchets non traités qui ne présentent pas de caractère polluant dangereux ou
qui ont fait l'objet d'une récupération sélective.
Au passage, M. Guellec estime totalement irréaliste l'obligation de fermer en 2002 toutes les décharges non contrôlées
faute de solutions de remplacement crédibles.
M. Christian Bonnet. Bien sûr !
M. Josselin de Rohan. Pour tout ce qui se rapporte aux déchets ultimes, madame le ministre, votre circulaire paraît
quelque peu elliptique. Si vous y admettez que, « de façon trop systématique, le déchet ultime a été assimilé aux seuls
résidus d'incinération de déchets, incinération qui deviendrait alors un traitement obligé avant mise en décharge », vous y
indiquez que « la définition du déchet ultime repose sur des critères multiples, complexes et imbriqués... et il conviendra de
mieux les préciser ».
Après avoir constaté qu'il y avait décharge et décharge, vous dites que des décharges resteront indispensables dans
l'avenir. Mais qui le conteste ?
Aussi, après avoir lu le rapport de M. Guellec et votre circulaire, nous demeurons perplexes.
Permettez-moi une observation : M. Guellec s'est élevé avec sévérité contre la démarche « théorique et
déresponsabilisante qui avait présidé à l'élaboration des plans ». Mais la plupart de ces plans ont été conçus, préparés et
rédigés avec le concours de l'administration, et, bien souvent, des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de
l'environnement - les DRIRE - ou de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - l'ADEME.
Partagez-vous, sur ce point, le sentiment de M. Guellec ?
Comment les collectivités locales peuvent-elles agir, comme vous le souhaitez, pour diminuer la production d'ordures
ménagères en réduisant, par exemple, la diffusion de prospectus publicitaires et en réemployant les emballages de
transport ? Les maires n'ont aucun moyen de pression sur les publicitaires ou les industriels et fabricants d'emballages !
C'est à l'Etat qu'incombe essentiellement la tâche de les inciter ou de les contraindre à changer de pratique.
A ce jour, nous ignorons ce que nous pourrons accepter à l'avenir comme déchets dans les décharges contrôlées. La
définition du déchet ultime sera-t-elle celle qui est donnée dans son rapport par M. Guellec ? En avez-vous une autre à
nous proposer et, si tel est le cas, laquelle ? En toute hypothèse, nous ne pouvons pas attendre trop longtemps d'être
éclairés.
D'une manière plus générale, pouvez-vous nous préciser quelles sont les orientations de votre politique ou ses inflexions ?
L'élaboration des plans départementaux d'élimination des ordures ménagères a souvent été longue et délicate à mettre au
point. Aucune collectivité locale ne choisit délibérément de retenir la filière la plus onéreuse pour le seul plaisir de la
dépense. Si l'incinération a été retenue, c'est, la plupart du temps, faute d'autres solutions vraiment fiables.
Mais, si l'administration avait d'autres alternatives, pourquoi ne pas les avoir fait connaître plus vite ? La crédibilité des
plans approuvés risque d'être affectée par des remises en cause successives de l'administration.
Je crains bien, pour ma part, qu'une bonne partie de l'opinion et un grand nombre d'élus n'en concluent que, puisque
l'objectif de fermeture des décharges non contrôlées en 2002 est irréaliste, ces décharges connaîtront encore une longue
vie et que, puisque l'incinération est aussi coûteuse, il est préférable pour les agglomérations d'« exporter » leurs déchets
en milieu rural plutôt que de financer des usines de traitement.
Soyez assurée, madame le ministre, que nous serons très attentifs aux réponses que vous voudrez bien apporter à ces
questions, car l'enjeu est tel et le coût des actions à mener si élevé qu'ils n'autorisent ni l'ambiguïté ni les changements
brusques des règles du jeu. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le sénateur, les questions que vous venez de poser
sont effectivement tout à fait importantes.
Avec la loi du 13 juillet 1992, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, modifiant la loi du 15 juillet 1975 relative à
l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, la France a effectivement souhaité moderniser la gestion de
ses déchets dans une approche que le législateur a voulue pragmatique.
La réduction de la production des déchets - car tout commence par cet aspect, monsieur le sénateur - ainsi que le
développement de la valorisation par recyclage, par compostage ou sous forme d'énergie et la suppression à terme des
décharges brutes sont les grandes lignes de cette stratégie.
Les plans départementaux, prévus à l'article 10-2 de la loi modifiée du 15 juillet 1975, constituent l'outil privilégié pour
faire évoluer la gestion de ces déchets.
A ce jour, il est vrai que la majorité des plans ont été adoptés ou sont en voie de l'être.
L'analyse des premiers plans adoptés permet de faire un certain nombre de constats.
Premièrement, il n'est envisagé que très peu d'actions de réduction de la production des déchets. Sur ce point, monsieur le
sénateur, je vous ai bien entendu : vous avez rappelé, avec raison, qu'un maire ne peut pas agir directement sur le nombre
de dépliants publicitaires qui sont déposés dans les boîtes aux lettres de ses administrés.
Nous sommes tout à fait conscients de ce problème, et nous avons publié, au mois de novembre de l'année dernière, avec
un certain nombre d'entreprises et Eco-emballages, un catalogue de prévention des déchets d'emballage de manière à
mener une politique au plan national. Une centaine d'entreprises ont participé à cette action, qui constitue un instrument
quasi publicitaire : de 20 % à 40 % d'économies peuvent être réalisées en la matière.
Il n'en demeure pas moins que les orientations prises par les entreprises et par l'économie conduiront à une perpétuelle
croissance des déchets. Peut-être pourrions-nous donc envisager, au sein des plans départementaux, des solutions
différentes.
Deuxièmement, les plans étudiés affichent, en moyenne, un objectif proche du quadruplement des proportions de déchets
valorisés par recyclage et compostage sur la période 1995-2002. C'est encore modeste, car un quadruplement par
rapport à peu de chose ne peut que conduire à un résultat minime !
Vous avez raison - et je partage totalement les indications du rapport Guellec sur ce point - c'est donc incontestablement
sur le tri et le recyclage qu'il faut aujourd'hui faire porter l'essentiel de l'effort. Il s'agit en effet de filières économiques et
créatrices d'emplois, notamment dans le domaine de l'insertion. Cette formule, moins coûteuse que les filières
d'incinération, mérite amplement d'être développée.
J'ajoute, monsieur le sénateur, que la politique mise en place et reconduite l'année dernière par Eco-emballages vise
précisément à favoriser, sur le plan financier, les collectivités locales qui se lancent dans les opérations de tri et de
recyclage.
Sachez enfin que tous les sondages réalisés auprès de nos concitoyens font apparaître que ceux-ci sont aujourd'hui
parfaitement prêts à trier leurs déchets. Il convient donc de mettre en place les filières correspondantes.
Enfin, le déchet ultime a effectivement été assimilé aux seuls résidus de l'incinération des déchets, incinération qui
deviendrait un traitement obligé avant la mise en décharge.
Comme vous, monsieur le sénateur, je ne souhaite pas faire de virage à 180 degrés. C'est la raison pour laquelle j'ai pris
deux initiatives : tout d'abord, j'ai publié la circulaire du 24 février 1997, à laquelle vous avez bien voulu vous référer et qui
traduit déjà un certain nombre d'inflexions, afin de ne pas tomber dans ce que d'aucuns appellent le « tout incinération »,
en privilégiant le tri et le recyclage avant d'envisager l'incinération ; ensuite, comme je m'y étais engagée vis-à-vis de M.
Bonnet lors du débat qui s'est déroulé dans votre hémicycle et qui est encore tout à fait présent à mon esprit, j'ai demandé
à M. Jacques Pélissard, député, de constituer un groupe de travail pour que nous puissions déterminer, de manière très
pragmatique et sans toucher à la loi ou au règlement, ce qui est déchet ultime et ce qui ne l'est pas.
C'est en étudiant les problèmes sur le terrain, avec les élus et de manière concrète, que nous pourrons agir au mieux. Il ne
s'agit pas d'un virage à 180 degrés, mais d'une évolution tendant à prendre en compte les critiques - et certaines sont tout
à fait justifiées - qu'a émises M. Guellec.
J'ai également demandé que des efforts soient faits pour réduire les conséquences, en termes de pollution atmosphérique,
des incinérateurs. Je pense notamment à la question des dioxines, qui préoccupe de plus en plus nos concitoyens.
Enfin, la valorisation des emballages est une question très importante. Il faut en effet savoir que, les emballages
représentant 50 % des déchets ménagers, si nous les réduisons de 30 %, nous réduirons de 15 % le volume total des
déchets ménagers. Toute une politique est donc mise en place avec Eco-emballages pour réduire à la source les
emballages ménagers.
Telles sont, monsieur le sénateur, les mesures que j'ai déjà prises et qui en annoncent d'autres. Je souhaite, en tout cas,
agir en pleine concertation avec les élus, car ce sont eux, effectivement, qui sont directement confrontés à la difficulté.
Si nous devons avoir présentes à l'esprit les considérations économiques, il n'est cependant pas souhaitable, je le rappelle,
de s'engager dans une politique de développement d'installations d'incinération démesurées qui réduiraient à néant tout
effort en termes de réduction des déchets, de tri ou de recyclage, car il faudrait alimenter la machine, et il ne serait plus
possible, alors, de mettre en place des systèmes alternatifs.
Voilà, monsieur le sénateur, les indications que je suis à même de vous donner.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Madame le ministre, je vous remercie de la réponse que vous avez bien voulu m'apporter et des
indications que vous nous avez fournies. Elles intéresseront certainement les élus locaux lorsqu'ils en liront le compte
rendu.
Il reste que, sur un certain nombre de points, j'aurais souhaité quelques précisions supplémentaires, notamment en ce qui
concerne la date limite de 2002. En effet, je comprends bien que l'on puisse s'interroger sur la pertinence de la fermeture
à cette date de toutes les décharges, mais j'aimerais quand même savoir comment, avec votre administration, vous
considérez ce problème. En effet, si nous demeurons dans l'ambiguïté, les décharges auront la vie longue.
Par ailleurs, vous dites que vous réfléchissez à la définition des déchets ultimes. Fort bien ! Je souhaiterais cependant que
cette réflexion aboutisse rapidement, pour éviter que nous ne nous engagions dans des politiques, notamment en matière
de construction d'usines d'incinération, qui risqueraient d'être ensuite désavouées.
MM. Christian Bonnet et Jean-Claude Carle. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan. Je le répète, si, dans certains cas, nous avons choisi cette voie, c'est faute d'une alternative
crédible. Dans le département que j'ai l'honneur de représenter, le Morbihan, une commune s'est engagée dans la voie de
la méthanisation. Elle y a consacré des sommes extrêmement importantes, totalement perdues pour le contribuable - mais
non pour certains bureaux d'études, assez colorés, qui y ont trouvé leur avantage.
Il ne faut pas de politique ambiguë ; les objectifs doivent être extrêmement clairs.
Votre administration participe à l'élaboration des plans. Si ceux-ci ne vont pas dans la direction que vous souhaitez, il faut
que vos représentants dans les commissions ou les groupes de pilotage qui les élaborent le fassent savoir de la manière la
plus nette. La critique par l'administration de plans à la création desquels elle a participé n'est pas une bonne méthode de
travail.
M. Christian Bonnet. Très bien !
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