Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 21/02/1997
Question posée en séance publique le 20/02/1997
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur l'emploi. Lors du deuxième sommet, un jeune
s'adressant à vous disait : « Tout ce que vous nous proposez, monsieur le Premier ministre, c'est de rester dans l'impasse
avec un stage. »
Dans cette phrase, quelle déception et quel constat accusateur de votre politique faite de promesses non tenues !
A Choisy-le-Roi, la commune que je représente - mais des sénateurs de mon groupe pourraient apporter des
témoignages semblables - des lycéens me disaient récemment : nous, on veut de la vie !
Cet appel, monsieur le Premier ministre, c'est celui d'un âge où l'on veut pouvoir donner corps à ses projets, à son
intelligence, à sa soif de bénéficier d'une bonne formation et, ensuite, obtenir un emploi. Comme l'a dit si magnifiquement
Aragon dans La Diane française, « la vie vaut d'être vécue ». (Murmures sur quelques travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Cet espoir se heurte aujourd'hui à votre politique de super-austérité, à cette logique indécente qui voit la bourse flamber et
les profits exploser à des niveaux jamais atteints, en même temps que la multiplication des plans de licenciement, la
précarisation de l'emploi et les bas salaires.
Vous maintenez le cap « version Maastricht » et, aujourd'hui, avec la loi Debré, vous voulez faire des étrangers...
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Nicolas About. Des clandestins, pas des étrangers !
Mme Hélène Luc. ... les boucs émissaires, les responsables de nos difficultés.
Non, l'immigration n'est pas la cause de la crise sociale !
M. Alain Gournac. La question !
Mme Hélène Luc. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont dans le puissant mouvement pour les
droits de l'homme et la dignité humaine et ils manifesteront samedi. (Exclamations sur les travées du RPR.) Mais oui,
mes chers collègues de la majorité, ils manifesteront pour exiger le retrait de la totalité de ce projet de loi liberticide.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Au lieu d'encourager, par des textes de diversion, la haine de l'autre et l'idéologie raciste, attaquez-vous à la cause
première de nos maux : celle du chômage ! Cela passe par la restitution à notre peuple des milliards de francs dont il a été
spolié et qui nourrissent la spéculation.
M. le président. Posez votre question, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Alors, il sera possible d'annuler les 5 000 fermetures de classes et suppressions de postes. Alors, il
sera possible de transformer les dizaines de milliers de CES dans les hôpitaux, dans les collèges et dans les lycées en
emplois définitifs et qualifiés pour les jeunes. Alors, il sera possible pour Renault...
M. le président. Madame Luc, posez votre question, montrez l'exemple !
Mme Hélène Luc. ... d'embaucher 2 000 jeunes à Douai pour produire la Scenic, au lieu de faire travailler des ouvriers
dix heures par jour, six jours par semaine ! (Protestations sur les travées du RPR.) Vous avez bien entendu, messieurs
de la majorité sénatoriale.
M. le président. Posez votre question, madame !
Mme Hélène Luc. J'en termine, monsieur le président.
M. le président. Vous exagérez !
Mme Hélène Luc. Monsieur le Premier ministre, vous construisez une société qui ne peut absolument pas assurer aux
jeunes la place qui leur revient. Plutôt que de dresser les habitants de notre pays les uns contre les autres, allez-vous enfin
proposer les mesures indispensables que j'ai énoncées et dont les jeunes ont besoin de toute urgence ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Ridicule !
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Réponse du ministère : Travail publiée le 21/02/1997
Réponse apportée en séance publique le 20/02/1997
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Mme Hélène Luc. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Madame Luc, il me semble que vous avez voulu
interpeller le Gouvernement essentiellement sur les jeunes. Croyez-vous vraiment qu'il convienne de faire un amalgame
aussi large de tous les problèmes...
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. ... et de ne pas revenir aux questions concrètes sur
lesquelles nous attendent les uns et les autres, et en particulier les jeunes ? (Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous avez cité Aragon. Vous avez raison, c'est une très belle phrase. Mais quel est le problème français ? Entre la
formation et le passage à la vie active, nous sommes confrontés à un problème particulier. En effet, ce passage est plus
long et plus difficile qu'ailleurs. Le Gouvernement s'est attaqué précisément à ce problème, en voulant d'abord jouer sur
l'alternance...
M. Henri Weber. L'alternance politique, et c'est urgent !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. ... sous contrat de travail. Madame Luc, laissez au
passage le ministre du travail vous répondre qu'il y a, dans notre pays, des inspecteurs du travail...
M. Claude Billard. Ils ne sont pas assez nombreux !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. ... pour sanctionner les abus.
M. Henri Weber. Quelque 730 inspecteurs du travail, c'est peu !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Si vous avez connaissance de certains abus, veuillez
me les signaler et je ferai mon travail ; je n'accomplirai que mon devoir.
J'en reviens aux jeunes. S'agissant, d'abord, de l'alternance, M. le Premier ministre, au cours de la réunion nationale pour
les jeunes, a tout de même obtenu, de la part des employeurs, des engagements chiffrés, et ce devant les partenaires
sociaux, devant les centrales syndicales.
M. Henri Weber. Pour la huitième fois !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Grâce à 70 000 contrats supplémentaires 400 000
jeunes seront formés en alternance. On sait que ce type de formation débouche plus facilement sur un emploi que les
formations trop théoriques.
Par ailleurs, 100 000 offres d'insertion seront proposées aux jeunes en plus grande difficulté. On leur présentera au cours
de l'année 1997, de mars à septembre, une proposition d'insertion pratique et concrète.
Je terminerai par le soutien aux initiatives locales. Je voudrais, en présence de M. le Premier ministre, dire que le
Gouvernement a voulu aussi apporter sa contribution, en déconcentrant un milliard de francs - et vous y êtes également
pour quelque chose, monsieur le président - afin de soutenir les initiatives locales, de permettre que cette lutte pour
l'emploi des jeunes puisse se dérouler au plus près du terrain à partir du vécu et des expériences concrètes.
Tout cela, madame Luc, mérite mieux que quelques formules générales de condamnation.
Mme Hélène Luc. Combien d'emplois stables avez-vous créés ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Cela mérite que tout le monde s'y mette et que nous
puissions, ensemble,...
Mme Hélène Luc. Vous ne répondez pas à ma question !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. ... nous attaquer à l'une des causes les plus profondes
du malaise de la société française.
Je crois que les jeunes ont compris que ce que nous essayons de leur apporter, ce sont non pas des grandes réponses
idéologiques, mais des réponses pratiques, par une mobilisation de toute la société pour les accueillir. (Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Mme Hélène Luc. Les jeunes comprennent surtout que vous ne créez pas d'emploi !
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