Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE) publiée le 26/12/1996

M. Rodolphe Désiré appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'outre-mer sur un arrêt du 7 novembre 1996 de la Cour de justice européenne qui peut avoir des incidences graves sur l'octroi de mer, principale source de financement des collectivités locales de l'outre-mer (Aff. C-126-94 - société Cadi surgelés e.a./ministre des finances e.a.). Saisie d'une question préjudicielle portant sur l'application aux produits en provenance de pays tiers du régime rénové de l'octroi de mer, actuellement en vigueur conformément à la loi no 92-676 du 17 juillet 1992, la Cour de justice, appelée à statuer sur le fond, rappelle que le Traité ne s'oppose pas à la perception d'une taxe équivalant à un droit de douane à l'importation qui, " eu égard à toutes ses caractéristiques essentielles, est la même qu'une taxe déjà en vigueur au 1er juillet 1968 et peut être qualifiée de taxe existante ". Elle statue qu'il incombe maintenant " au juge national de déterminer si l'imposition litigieuse doit être qualifiée de taxe existante, de procéder à une comparaison entre les règles applicables aux impositions litigieuses et celles qui auraient été applicables au 1er juillet 1968 ". Il appartient également au juge national d'apprécier l'importance des diverses modifications apportées à la législation pertinente et notamment celles apportées par la loi de 1984 et de " vérifier si le niveau de taxe a été augmenté depuis le 1er juillet 1968 ", toute majoration de la taxe la rendant " incompatible avec le droit communautaire ". Il lui demande quelle est précisément l'analyse que le Gouvernement français fait de ce jugement et si l'on peut prétendre que l'octroi de mer a changé de nature depuis 1968, date de mise en route du droit douanier commun. Seule la renégociation de l'article 227-2 du Traité de Rome, dans le cadre de la conférence intergouvernementale de Turin, pourrait permettre de prendre en compte dans le Traité les spécificités propres aux régions ultra-périphériques et en particulier, de rendre compatible l'octroi de mer avec la législation européenne. Comme il y a urgence en la matière, il lui demande de préciser les mesures que compte prendre le Gouvernement pour accélérer les négociations sur la relecture de l'article 227-2 du Traité de Rome, clarifier la position des DOM et faire en sorte que ce jugement n'entraîne pas le démantèlement du système. Il l'alerte sur le fait que si les taux devraient être substantiellement réduits, les DOM entreraient dans une période de turbulence sur le plan des ressources des collectivités locales, du développement économique et de la stabilité sociale. Il ne semble pas que les réponses apportées ni les mesures actuellement connues soient suffisantes pour freiner le processus de démantèlement de l'octroi de mer et rassurer les DOM. Il lui demande instamment de faire en sorte que ce problème devienne l'enjeu majeur du Gouvernement en ce qui concerne les DOM, de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'alerter le Gouvernement et de permettre à cette situation de trouver une issue. Il lui demande enfin de lui préciser les actions déjà entamées en concertation avec les autres partenaires européens qui ont également des régions ultrapériphériques.

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Réponse du ministère : Outre-mer publiée le 13/02/1997

Réponse. - Le régime actuel de l'octroi de mer est défini par la loi du 17 juillet 1992 qui met en oeuvre la décision du Conseil de la CEE en date du 22 décembre 1989 : l'octroi de mer constitue un droit sur l'ensemble de la consommation, devant toucher tant les productions importées que celles produites sur place. Dans la pratique, les conseils régionaux ont systématiquement exonéré les productions locales, recréant ainsi le droit de douane condamné par le droit communautaire (CJCE-16 juillet 1992-Legros). Cette situation de fait a conduit à la multiplication des contentieux à l'encontre du " nouveau régime " de l'octroi de mer. A ce jour, deux affaires portées devant la Cour de justice des communautés apparaissent d'une particulière gravité : Sodiac-Sodiprem, dans cette affaire, le texte de la loi de 1992 est attaqué comme non-conforme à la décision du conseil de 1989 ; Chevassus, ici, c'est la décision même du conseil qui fait l'objet d'une attaque. Dans un tel contexte, le ministre de l'outre-mer a demandé, dès le 6 février 1996, au cours d'une réunion à Paris, aux quatre présidents des conseils régionaux, d'ouvrir une réflexion conjointe sur la rédaction d'un " code de bonne conduite " en matière d'octroi de mer. Dans cette situation, la politique que le ministre de l'outre-mer suit peut se décrire selon deux séquences : afin de faire face, dans l'immédiat, aux menaces contentieuses qui pèsent sur l'octroi de mer, il a été demandé en priorité aux préfets des quatre départements d'outre-mer de rassembler tous les éléments factuels et argumentaires nécessaires à la défense du dispositif devant la cour de justice. Ce travail documentaire de grande ampleur a été mené à bien en étroite collaboration avec les régions et les milieux socioprofessionnels. D'autre part, à moyen terme, les pouvoirs publics s'efforceront de : demander tout d'abord la pleine intégration des régions ultrapériphériques et de leurs spécificités, notamment fiscales, au sein du traité de l'Union européenne dans le cadre de la conférence intergouvernementale. Le Président de la République a personnellement insisté, lors de la conférence de Turin, ainsi qu'à la réunion du conseil de Dublin de décembre dernier, sur ce point. Un texte a été déposé conjointement avec l'Espagne et le Portugal à cet effet ; inciter le plus possible les régions d'outre-mer à harmoniser leur barème d'octroi de mer : quelle logique économique y a-t-il à un dispositif où coexistent dans les DFA 450 positions tarifaires parmi lesquelles 226 présentent un écart de taux allant de 3 à 30 points entre les départements ? A ce titre, la création du marché unique DFA représente un moyen privilégié d'arriver à un rapprochement des taux. Les socioprofessionnels d'outre-mer doivent inciter les régions à accélérer cette demande ; obtenir l'accord des régions d'outre-mer sur un " code de bonne conduite " afin de développer un dialogue constant et confiant entre les différents partenaires de l'octroi de mer (professionnels, régions, Etat et Commission européenne) afin de réduire les contentieux et les procédures diverses qui obscurcissaient jusqu'alors ce dispositif. Un premier texte du " code de bonne conduite " a été élaboré conjointement par le ministère de l'outre-mer et les régions. Il a fait l'objet d'une procédure de présentation à la Commission européenne, après une étape interministérielle au niveau national. In fine le " code de bonne conduite " devra être approuvé par les exécutifs politiques des régions d'outre-mer ; enfin, pousser en commun la réflexion sur l'amélioration de la " pertinence " fiscale et économique du dispositif de l'octroi de mer. La définition à moyen terme d'un nouveau dispositif sera toute entière fondée sur la réponse qui sera apportée, en grande partie par les entreprises d'outre-mer elles-mêmes, à la question stratégique suivante : quelles entreprises d'outre-mer ont réellement besoin d'une certaine protection extérieure, sachant qu'une protection généralisée est désormais exclue ? Parfaitement conscient, ainsi que les plus hautes autorités de l'Etat, de l'importance vitale de cette fiscalité pour les collectivités locales et entreprises d'outre-mer, le ministre de l'outre-mer met en oeuvre tous les moyens disponibles, et explore toutes les voies, afin de préserver ce dispositif. Il ne faut cependant pas se masquer ses faiblesses intrinsèques. Nous devons tous, en commun et dès à présent, réfléchir à son amélioration. ; l'amélioration de la " pertinence " fiscale et économique du dispositif de l'octroi de mer. La définition à moyen terme d'un nouveau dispositif sera toute entière fondée sur la réponse qui sera apportée, en grande partie par les entreprises d'outre-mer elles-mêmes, à la question stratégique suivante : quelles entreprises d'outre-mer ont réellement besoin d'une certaine protection extérieure, sachant qu'une protection généralisée est désormais exclue ? Parfaitement conscient, ainsi que les plus hautes autorités de l'Etat, de l'importance vitale de cette fiscalité pour les collectivités locales et entreprises d'outre-mer, le ministre de l'outre-mer met en oeuvre tous les moyens disponibles, et explore toutes les voies, afin de préserver ce dispositif. Il ne faut cependant pas se masquer ses faiblesses intrinsèques. Nous devons tous, en commun et dès à présent, réfléchir à son amélioration.

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