Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 19/12/1996

Mme Nicole Borvo attire de nouveau l'attention de M. le ministre de la culture sur la situation des salariées de Nina Ricci et de la haute couture en général. Le projet de la direction est de réduire de moitié les effectifs soit une trentaine de personnes. Pourtant le Gouvernement avait donné l'assurance le 14 mai 1996 lors d'une question orale sans débat, qu'il serait très attentif à la situation du personnel chez Nina Ricci et des risques de chômage qui y existent. Force est de constater que rien n'a été fait pour empêcher ce plan de licenciement. Quand on sait qu'il ne reste plus que seize ouvrières chez Lacroix, cinq chez Carven, six chez Balmain et trois chez Torrente et qu'aujourd'hui il ne subsiste que dix-huit maisons contre vingt-trois en 1990, il est légitime de se poser la question : est-ce que Paris restera la capitale de la mode ? Pourtant préserver la création comme le demandent les salariés de Nina Ricci, c'est sauver l'avenir de la production. Les mo yens pour cela existent : 5,2 milliards de chiffres d'affaires, dont 74 % à l'exportation. Pour toutes ces raison elle lui demande ce qu'il compte faire pour prendre des mesures pour sauver l'emploi et l'avenir de la haute couture en France ?

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Réponse du ministère : Culture publiée le 20/02/1997

Réponse. - Le secteur de la mode en tant qu'industrie culturelle est caractérisé par une double tutelle gouvernementale. Ses enjeux économiques et sa nécessaire dépendance au monde commercial le rattachent au ministère de l'industrie, qui a inscrit dans le cadre du SERBCO (direction générale des stratégies industrielles, service des biens de consommation) une direction textile-habillement et cuir avec laquelle collabore le ministère de la culture. Le rôle de ce dernier est d'affirmer la dimension culturelle de la mode en tant que patrimoine vivant qu'il convient d'enrichir et, dans une conjoncture difficile, de sauvegarder. C'est ainsi qu'il a été créé au sein de la délégation aux arts plastiques une cellule spécialisée, l'Association nationale pour le développement des arts de la mode, dont le but est de favoriser l'éclosion des créateurs qui constitueront le patrimoine de demain en attribuant à ces jeunes stylistes, en partenariat avec la profession, des aides financières leur permettant de lancer ou de développer leur marque. Cette action, bien que modeste, participe de la nécessaire ouverture de la mode française à une nouvelle génération de créateurs. Les maisons de haute couture dépendent d'investisseurs privés qui entretiennent cette activité comme image prestigieuse mais fragile et coûteuse (l'activité strictement haute couture étant, faute de clientèle, naturellement déficitaire) pour soutenir les ventes de prêt-à-porter, d'accessoires et de parfums, les deux premières activités générant à elles seules un chiffre d'affaires de 5 milliards de francs. Il n'appartient donc pas au ministère de la culture de se prononcer sur la situation particulière, le mode de gestion ni les exigences de rentabilité d'une entreprise privée telle que la maison Nina Ricci. Le ministère de la culture, conscient de la crise que traverse cette activité " laboratoire d'idées, creuset de la création " dont dépendent de surcroît de nombreux métiers d'art (brodeurs, modistes, plumassiers), participe aux côtés de la profession à un projet de réforme des statuts de la haute couture, dont la stricte réglementation, basée sur des critères datant d'avant guerre, n'est plus appliquée dans les faits par la plupart des maisons. Seule la Fédération française de la couture est habilitée à décerner le label " Couture-Création ", qui exige des maisons, entre autres, selon le règlement des statuts de 1945 : l'exécution de modèles uniques entièrement réalisés à la main dans leurs propres ateliers comportant au minimum vingt personnes ; la présentation de deux collections par an d'au moins soixante-quinze modèles réalisés sur mesure. Cette réglementation a eu pour conséquence de pénaliser certaines maisons qui ont eu de plus en plus de mal à financer cette activité d'exception. Guy Laroche, Philippe Venet, Lanvin, etc., ont ainsi dû abandonner leur activité haute couture, tandis qu'aucun jeune créateur de talent (hormis Christian Lacroix grâce au soutien de LVMH) ne pouvait prétendre " monter en couture " au vu de l'investissement demandé. Le prix d'une structure haute couture représente un investissement financier de l'ordre de 20 millions de francs par an. Seules des maisons telles que Dior, Chanel, Yves Saint-Laurent, adossés à la rentabilité de leurs parfums et lignes de cosmétiques, peuvent se le permettre de manière durable. Autrefois secteur florissant se situant au deuxième rang de nos exportations en 1925, la haute couture a été mise en péril à partir des années soixante par la concurrence d'un prêt-à-porter de style moderne accessible à tous. De 106 en 1945, le nombre de maisons est passé à 22 en 1980. Evolution qui se poursuit : des 20 maisons de 1991, il ne reste plus que 18 aujourd'hui. Afin de stopper ce déclin et de proposer une alternative contemporaine à la couture traditionnelle, un travail de réforme de ses statuts a été entrepris par les organismes professionnels. Cette réforme a pour but de permettre à des créateurs de prêt-à-porter de luxe dont la qualité d'exécution ne porte pas préjudice au prestige du label de s'intégrer au calendrier haute couture. Fait historique qui marque les défilés de janvier 1997, l'assouplissement du règlement de la fédération de la couture a permis l'accès de créateurs de mode à une collection haute couture. Ainsi Jean-Paul Gaultier, créateur de prêt-à-porter depuis vingt ans, présente aujourd'hui une collection couture à son nom, en même temps que Thierry Mugler, imposant le concept de couture industrielle avec des modèles réalisés dans sa propre usine et finis dans ses ateliers. Alors que la maison Nina Ricci est contrainte de licencier trente personnes, Jean-Paul Gaultier a engagé quinze ouvrières pour son défilé. Participant de cette dynamique, deux maisons du groupe LVMH, Christian Dior et Givenchy, ont fait appel à deux jeunes créateurs anglais (John Galliano et Alexander McQueen) pour révolutionner leur image et leur style. Grâce à la politique de soutien à la création que mène la délégation aux arts plastiques du ministère de la culture par le biais de l'Andam en attribuant des bourses à des jeunes créateurs, une nouvelle voie se concrétise qui permettra d'assurer la pérennité de la couture en favorisant l'apparition de nouveaux talents qui investiront demain les maisons parisiennes. ; nombre de maisons est passé à 22 en 1980. Evolution qui se poursuit : des 20 maisons de 1991, il ne reste plus que 18 aujourd'hui. Afin de stopper ce déclin et de proposer une alternative contemporaine à la couture traditionnelle, un travail de réforme de ses statuts a été entrepris par les organismes professionnels. Cette réforme a pour but de permettre à des créateurs de prêt-à-porter de luxe dont la qualité d'exécution ne porte pas préjudice au prestige du label de s'intégrer au calendrier haute couture. Fait historique qui marque les défilés de janvier 1997, l'assouplissement du règlement de la fédération de la couture a permis l'accès de créateurs de mode à une collection haute couture. Ainsi Jean-Paul Gaultier, créateur de prêt-à-porter depuis vingt ans, présente aujourd'hui une collection couture à son nom, en même temps que Thierry Mugler, imposant le concept de couture industrielle avec des modèles réalisés dans sa propre usine et finis dans ses ateliers. Alors que la maison Nina Ricci est contrainte de licencier trente personnes, Jean-Paul Gaultier a engagé quinze ouvrières pour son défilé. Participant de cette dynamique, deux maisons du groupe LVMH, Christian Dior et Givenchy, ont fait appel à deux jeunes créateurs anglais (John Galliano et Alexander McQueen) pour révolutionner leur image et leur style. Grâce à la politique de soutien à la création que mène la délégation aux arts plastiques du ministère de la culture par le biais de l'Andam en attribuant des bourses à des jeunes créateurs, une nouvelle voie se concrétise qui permettra d'assurer la pérennité de la couture en favorisant l'apparition de nouveaux talents qui investiront demain les maisons parisiennes.

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