Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC) publiée le 18/12/1996

M. Ivan Renar interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'avenir des CROUS. L'inquiétude existe parmi les personnels des différents CROUS quant au maintien des missions de service public. Déjà des déclarations faites à l'occasion des Etats généraux de l'Université pouvaient laisser craindre une modification de la gestion et de l'objet des oeuvres universitaires. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement dans ce domaine.

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Réponse du ministère : Recherche publiée le 15/01/1997

Réponse apportée en séance publique le 14/01/1997

M. Ivan Renar. Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'issue des états généraux de l'Université avait été annoncée la mise en
chantier d'une prochaine réforme des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, les CROUS. Aujourd'hui,
de nombreuses craintes subsistent quant à l'avenir de notre service public d'aide sociale universitaire.
S'il ne s'agissait, dans vos projets, que de développer l'implication citoyenne des étudiants dans la gestion des oeuvres
universitaires, et dans le cadre de leur revalorisation, il y aurait peu à redire.
Mais la réalité est tout autre. Sous couvert de citoyenneté et d'exigence d'un réel statut de l'étudiant, c'est, à terme, le
service public même qui est menacé.
Déjà, le désengagement de l'Etat est tangible dans les deux missions fondamentales des CROUS : la restauration et
l'hébergement. Il ne serait qu'aggravé au profit de sociétés privées qui trouvent dans ces activités des marchés très
porteurs !
Depuis 1983, la parité du prix du ticket entre l'Etat et l'étudiant a été abandonnée. Le désengagement de l'Etat a été de 88
% en quatorze ans ! Le glissement est le même en ce qui concerne l'hébergement, le privé se taillant la part belle sur les
constructions, avec toutes les conséquences sur les prix des loyers.
Renoncer à ces missions pour recentrer l'activité des CROUS sur les seules missions, dites nobles, de versement des
aides directes - bourses aux étudiants, programmes européens interuniversitaires de développement de type COMETT,
ERASMUS, LINGUA - serait serait lourd de conséquences sur le plan social.
Peut-on considérer comme insignifiante, voire inutile, l'aide à la restauration et à l'hébergement pour ne plus s'en
préoccuper ?
Dans ce contexte de difficultés économiques accrues, renforcé par une insuffisance notoire des bourses universitaires,
l'aide sociale à l'hébergement et à la restauration est déterminante.
L'heure n'est pas à une restriction de l'aide aux étudiants et des missions des CROUS ; elle n'est pas non plus au statu quo
et à l'immobilisme : il convient, en effet, de redéfinir les missions élargies d'un véritable service public des oeuvres
universitaires. Cela ne saurait exister sans la prise en compte d'un véritable statut du personnel des CROUS. A une
mission de service public doit correspondre un statut bénéficiant des garanties du statut général de la fonction publique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'exigence d'un véritable statut de l'étudiant, la volonté de participer davantage à la vie et aux
décisions des universités sont légitimes. Elles ne doivent pourtant pas servir de prétexte à une réduction de l'aide sociale et
à des privatisations préjudiciables à tous. A un moment où, le débat social rebondit, votre réponse sera étudiée avec
attention.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétariat d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, les centres régionaux des oeuvres
universitaires et scolaires, coordonnés par le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, apportent
aux étudiants un service qu'ils apprécient. Ils gèrent la restauration universitaire, l'hébergement - plus de 150 000
chambres aujourd'hui - ainsi que les programmes européens Socrates, Léonardo et Tempus. Leur budget total dépasse 6
milliards de francs. Ce mois-ci, ils mettent en place, dans toutes les académies, par télématique, un dossier social étudiant
unique destiné aux étudiants ou futurs étudiants sollicitant une bourse d'enseignement supérieur ou un logement en
résidence universitaire.
Par ailleurs, ce sujet est actuellement à l'étude dans le cadre du groupe de mise en oeuvre de la réforme de l'Université
chargé des questions de la vie étudiante.
Je vous en prie, monsieur le sénateur, ne faites pas de procès d'intention. En effet, le secteur public n'est pas menacé. Le
CNOUS et les CROUS jouent un rôle essentiel, et il n'est évidemment pas dans l'intention du ministre de l'éducation
nationale de supprimer les oeuvres universitaires, qui devront au contraire se développer et s'adapter. Il a été demandé au
directeur du CNOUS de réfléchir, avec les organisations étudiantes, aux meilleurs moyens de développer la participation
de ceux-ci aux instances des CROUS ou du CNOUS, car il nous semble légitime que les étudiants de 1997 aient
davantage la possibilité de s'exprimer sur les priorités des oeuvres universitaires.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le secrétaire d'Etat, ne voyez pas dans mes propos un procès d'intention. Cependant, votre
réponse est loin de me rassurer, car les problèmes sont réels. Vous savez bien que l'un des enjeux majeurs auxquels est
confrontée notre société consiste à offrir au plus grand nombre de jeunes possible une formation supérieure de haut niveau
permettant leur entrée dans la vie professionnelle et de faire de chacun un citoyen maître de son destin et de son
environnement. C'est cela la démocratisation de l'enseignement supérieur.
Or, vous le savez bien, un des obstacles à cette démocratisation est la sélection sociale. Au sein d'une classe d'âge, 63 %
des jeunes sont inscrits à l'Université. C'est bien ! Toutefois, combien réussissent, combien renoncent faute d'argent pour
se nourrir, se loger et payer les études ? Une autre question se pose : combien d'enfants de chômeurs, de RMIstes et
d'ouvriers fréquentent l'Université ?
On sait bien que l'origine sociale demeure un critère de sélection. On sait aussi que les CROUS, dans la mesure de leurs
moyens, permettent d'atténuer ces problèmes. Cependant, comme je l'ai rappelé lors du débat budgétaire, le partage du
savoir s'effectue de manière encore trop inégale, les connaissances sont toujours monopolisées par le haut de l'échelle.
Parler de réforme des oeuvres universitaires, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est parler de tout cela, c'est engager la
réflexion sur cette nécessité de justice sociale qu'est l'égalité des chances. Or, il n'y a pas dans vos propos, et je le
regrette, d'élément rassurant à cet égard.

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