Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 30/10/1996
Mme Marie-Claude Beaudeau demande à M. le ministre du travail et des affaires sociales d'exposer les décisions prises vis-à-vis du budget et du développement des hôpitaux de l'Ile-de-France. Elle lui demande quelles mesures il envisage pour donner les moyens aux hôpitaux publics pour maintenir les 75 000 postes budgétaires sur lesquels, compte tenu des temps partiels, sont rémunérés plus de 100 000 personnes. Elle lui demande si ces mesures ne devraient pas prendre en compte des besoins spécifiques de l'Ile-de-France fondés sur le développement inquiétant du nombre de toxicomanes et de patients atteints du sida, l'isolement social induisant un plus fort taux de recours aux structures psychiatriques, une pression démographique et un taux de recours à l'hospitalisation publique plus fort qu'ailleurs, une concurrence du secteur privé à but lucratif très présent et échappant à la politique de restructuration envisagée pour les hôpitaux publics. Elle lui demande quelles décisions il envisage pour que les coûts plus importants des services et personnels hospitaliers en Ile-de-France soient pris en considération et que le taux directeur soit fixé à hauteur de ces besoins de l'hôpital public.
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Réponse du ministère : Santé publiée le 18/12/1996
Réponse apportée en séance publique le 17/12/1996
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question porte sur le devenir de l'hôpital public francilien. Je voudrais, tout
d'abord, le resituer dans l'ensemble du service public national.
La fonction hospitalière publique est assurée par 1 100 établissements et représente 480 000 lits, soit 72 % de l'ensemble
des secteurs public et privé. Or 140 établissements, soit 13 % du total, et 100 000 agents et médecins sont franciliens.
Par ailleurs, l'Ile-de-France possède des établissements de haute technologie avec un très bon niveau de qualification des
personnels, médicaux et non médicaux.
Avec un tel potentiel, on peut affirmer que l'Ile-de-France constitue le plus grand centre hospitalier d'Europe et l'un des
tout premiers du monde.
Monsieur le secrétaire d'Etat, personne, pas même l'un de vos amis, ne pourrait admettre que l'on puisse remettre en
cause un tel capital humain, médical, social et scientifique. Et pourtant, vous réussissez le tour de force de faire contre
vous l'unanimité des conseils d'administration et des personnels, qui protestent devant les dispositions prises.
Comment peut-on en arriver là ? La raison en est simple. Les dotations de l'Etat sont, pour la plupart, négatives par
rapport à 1996. En effet, le budget global de la santé diminuant de 1,5 % et le taux d'inflation atteignant 2,5 %, il aurait
fallu une majoration de 4 % pour maintenir le niveau actuel d'activités et de personnels pour l'ensemble des hôpitaux de
France.
Votre décision ne va-t-elle pas conduire de nombreux hôpitaux à réduire le nombre des emplois ? Vous savez en effet
que 70 % du budget d'un hôpital sont consacrés aux dépenses en personnel.
Votre projet de décret prévoit un taux d'occupation de 60 %. Est-il vrai, dans ces conditions, que vous envisagiez la
fermeture de quatre-vingts hôpitaux en France - soit 7 % du potentiel hospitalier public -, Ile-de-France comprise ? Est-il
vrai, par exemple, que vous prévoyiez la fusion de centres hospitaliers, notamment celle des hôpitaux de Montmorency et
d'Eaubonne, dans le Val-d'Oise ?
Avec un taux directeur en diminution de 1 %, un hôpital de 1 000 lits sera privé de cinquante emplois. Il ne peut pas en
être autrement après le redéploiement de ces dernières années.
Monsieur le secrétaire d'Etat, confirmez-vous cette orientation ? Elle pénalisera l'ensemble de l'hôpital public et aura des
conséquences plus graves encore pour l'hôpital francilien. En effet, ce dernier est plus utilisé car il doit répondre aux
besoins croissants, en Ile-de-France plus qu'ailleurs, liés au développement du sida, de la toxicomanie, de l'isolement
social ou de la précarité et de la pression démographique.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de revenir sur votre décision de réduire le taux directeur et de
maintenir ce dernier à 2,1 % pour les hôpitaux franciliens. Il y va de leur intérêt, et surtout de la santé de 10 millions de
Français.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Comme vous le savez, madame le sénateur,
le mode d'allocation budgétaire de l'ensemble du système hospitalier, qu'il concerne les établissements publics de santé,
les établissements privés participant au service public ou les établissements privés lucratifs conventionnés, a été
profondément rénové par les ordonnances du 24 avril 1996.
Il s'agit ainsi de sortir de la logique du budget global, qui avait montré ses limites en consolidant les inégalités de dotation
entre les hôpitaux, puisqu'il n'était quasiment pas tenu compte de l'activité réelle de ces derniers.
Par ailleurs, il s'agit de substituer au taux directeur un contrat pluriannuel entre les établissements de santé et l'Agence
régionale d'hospitalisation, ce contrat pluriannuel devant être fondé à la fois sur un projet médical et sur un projet
d'établissement.
Comme vous le savez également, il nous faut progressivement doter les établissements d'hospitalisation en fonction de
leurs besoins réels. De ce point de vue, il convient de tenir compte du PMSI, le programme de médicalisation du système
d'information, qui vient enrichir les indicateurs traditionnellement utilisés depuis 1990, lesquels ne concernaient que la
population hospitalisable dans le secteur hospitalier public.
Sur la base de ces critères, qui ne font que confirmer les données classiques d'activités, la région d'Ile-de-France, y
compris l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, apparaît comme la région la mieux dotée.
En effet, à de rares exceptions près, tous les établissements publics ou privés participant au service public d'Ile-de-France
consomment, pour une activité comparable, un niveau de ressources supérieur, voire très supérieur, à la moyenne
nationale.
Cela ne signifie pas, bien évidemment, que des déséquilibres importants n'existent pas entre les établissements et entre les
départements. Ainsi, en Ile-de-France, la Seine-et-Marne, qui connaît une croissance démographique forte, est
relativement sous-dotée.
Il est donc normal que la région d'Ile-de-France, qui doit procéder à des redéploiements internes de moyens, contribue
également au rééquilibrage des régions moins bien dotées ; je pense notamment à la région Nord - Pas-de-Calais.
Cette action de rééquilibrage sera menée très progressivement, sur la base du contrat, et c'est toute la logique de la
démarche contractuelle entre les établissements de santé et les agences régionales d'hospitalisation, dont je rappelle
qu'elles sont en train d'établir leurs conventions de gestion et qu'elles seront définitivement opérationnelles à partir du mois
de février 1997.
Bien évidemment, les spécificités de la région d'Ile-de-France seront prises en compte, comme elles l'ont été dans le
passé, notamment s'agissant des crédits destinés à la lutte contre le sida ou la toxicomanie. Comme vous le savez,
notamment pour le sida, il y a ce que l'on appelle, dans le jargon budgétaire hospitalier, des crédits « fléchés », crédits qui
continueront d'être « fléchés » en fonction des besoins réels.
Par ailleurs, dans le cadre des conférences régionales et de la conférence nationale de santé, nous aurons désormais les
voies et moyens d'un soubassement sanitaire de notre politique hospitalière, fondée sur des priorités de santé publique, ce
qui n'est pas le cas actuellement.
Il n'est donc pas question, madame le sénateur, de remettre en cause le capital formidable que constitue, vous l'avez
vous-même rappelé, l'ensemble des hôpitaux de la région d'Ile-de-France, qu'ils appartiennent ou non à l'Assistance
publique-Hôpitaux de Paris, car chacun est bien conscient de la capacité de rayonnement à la fois national et international
de notre outil de santé situé dans la région parisienne.
J'ajouterai, madame le sénateur, en réponse à deux de vos interrogations, qu'il ne faut pas se méprendre sur diverses
dispositions qui figurent dans ces ordonnances.
En ce qui concerne tout d'abord les coopérations entre les établissements, il s'agit tout simplement de favoriser la
coopération entre les établissements publics et, le cas échéant, entre les établissements publics et les établissements
privés. Cela ne fait d'ailleurs que prolonger la loi hospitalière de 1991, qui avait déjà insisté à la fois sur cette approche
régionale des problèmes et sur la nécessité de coopérer. Il n'y aura donc pas de fusions autoritaires qui tomberont d'en
haut. Il s'agira plutôt d'instaurer une coopération sur le terrain entre les différents établissements hospitaliers.
Pour ce qui est du projet de décret, je vous rassure tout de suite, madame le sénateur : nous n'entendons pas fermer
quatre-vingts hôpitaux.
Ce décret est actuellement soumis à la concertation. Il viserait, lorsqu'un service hospitalier connaît un taux de remplissage
inférieur à un certain pourcentage - 60 % par exemple - à permettre à l'autorité de tutelle de diligenter une enquête ou une
information avec l'ensemble des partenaires hospitaliers pour examiner les raisons pour lesquelles ce taux de remplissage
est inférieur au seuil fixé.
C'est une question qu'il faut se poser en toute clarté, notamment pour des raisons de sécurité dans le service en question.
Il ne s'agit pas de fermer autoritairement des services en deçà d'un certain seuil d'activité. Cependant, si, plusieurs années
de suite, on constate un taux de remplissage inférieur à un certain seuil, la situation mérite une enquête.
Tels sont, madame le sénateur, les quelques éléments d'information que je tenais à porter à votre attention.
L'ensemble des Françaises et des Français sont extrêmement attachés à leur hôpital, notamment à l'hôpital public. Chacun
sait le trésor de dévouement et de vocation des différents acteurs qui contribuent au fonctionnement de notre communauté
hospitalière. La réforme que nous sommes en train de mettre en oeuvre a précisément pour objet d'affirmer la dimension
régionale et d'assurer un mode de fonctionnement fondé sur le contrat plutôt que sur la contrainte.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'était une question importante, monsieur le secrétaire d'Etat, et je suis déçue par
votre réponse, parce que vous m'avez confirmé votre volonté de maintenir la réduction des taux directeurs.
Cette décision est encore plus injuste pour les hôpitaux franciliens et pour la santé publique en Ile-de-France.
Les taux directeurs franciliens pour 1997 seront majoritairement négatifs. Cette décision ne répond ni à des réalités ni aux
besoins de santé des Franciliens.
Vous invoquez le surdotage dont bénéficierait la région d'Ile-de-France ; or la population francilienne représente 17 % de
la population française alors qu'elle ne dispose que de 13 % du potentiel public de santé.
Je voudrais donc rappeler quelques particularités de notre région. Ces arguments nous ont d'ailleurs été donnés par
l'Union hospitalière d'Ile-de-France.
Dans cette région, on soigne beaucoup plus de toxicomanes et de malades atteints du sida. Par ailleurs, l'isolement social
induit un taux de recours plus élevé qu'ailleurs aux services psychiatriques. En outre, la pression démographique appelle
en Ile-de-France des besoins décentralisés. De plus, la précarité, qui est plus importante dans les concentrations urbaines,
nécessite plus de services d'urgence et de consultations externes. Enfin, en Ile-de-France, l'exigence de qualité est plus
impérative du fait de la complémentarité et du niveau technique des hôpitaux.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble des raisons pour lesquelles je vous demande instamment de revoir votre
politique.
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