Question de M. WEBER Henri (Seine-Maritime - SOC) publiée le 17/10/1996
M. Henri Weber attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur le problème qu'entraîne, pour les professionnels de la mer et les associations de consommateurs, l'arrêté accordant l'appellation de " coquille Saint-Jacques " aux pétoncles, sous prétexte qu'il s'agit de coquillages de même famille. Cet arrêté porte un grave préjudice aux pêcheurs hauts-normands qui traitent près de la moitié des coquilles Saint-Jacques produites en France. Le pétoncle, en effet, n'a ni la saveur, ni les qualités nutritives de la coquille Saint-Jacques et son prix de revient est deux à trois fois inférieur à cette dernière. Mis sur le marché sous l'appellation " Saint-Jacques " il porterait une concurrence d'autant plus meurtrière à la coquille Saint-Jacques, authentique qu'il constitue pour nombre de pays, notamment asiatiques, un article abondant d'exportation. En conséquence, il lui demande de lui indiquer ce qu'il compte faire pour protéger nos entreprises de pêche et nos consommateurs de cette confusion et de cette concurrence déloyale.
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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 13/11/1996
Réponse apportée en séance publique le 12/11/1996
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, la réglementation française de 1993 relative à la dénomination commerciale des
pectinidés distinguait clairement, à juste titre, les coquilles Saint-Jacques des pétoncles.
Cette distinction est fondée. En effet, pour appartenir l'un et l'autre à la famille des pectinidés, ces mollusques n'en sont
pas moins tout à fait différents. Celui qui est pêché en France sous le nom habituel de « coquille Saint-Jacques » est un
mollusque, Pecten maximus, d'une taille marchande de dix à quinze centimètres. Le pétoncle est quant à lui un mollusque
beaucoup plus petit : il appartient à l'espèce Chlamys varia et n'a d'ailleurs ni la même saveur ni les mêmes vertus
nutritives.
Un arrêté récent a mis fin à cette distinction et autorise désormais l'appellation « noix de Saint-Jacques » aux pétoncles. Il
s'agit là d'une concession faite aux pêcheurs de coquilles du Canada, du Pérou et du Chili, grands producteurs de
pétoncles, qui menaçaient d'attaquer la France devant l'Organisation mondiale du commerce.
Je ne dirai pas, comme certains responsables de syndicats de pêcheurs, que c'est comme si l'appellation « caviar » était
accordée aux oeufs de lump. C'est en effet un peu exagéré. Néanmoins, il y a là un abus du même genre, sinon de la
même intensité, qui aura des conséquences meurtrières pour les pêcheurs de coquilles Saint-Jacques français, dont plus
de 40 % opèrent en Haute-Normandie, principalement dans les ports de Dieppe, de Fécamp et du Havre. Je parle de
conséquences meurtrières, car, bien évidemment, le prix de revient et de vente du pétoncle est deux à trois fois inférieur à
celui de la coquille Saint-Jacques.
Certes, les produits frais ne sont pas concernés ; seuls les produits commercialisés à l'état surgelé ou transformé le sont.
Mais précisément, monsieur le ministre, ce sont ces derniers produits qui se développent beaucoup aujourd'hui et dont la
commercialisation est appelée à un grand essor demain.
Que comptez-vous faire pour protéger les entreprises de pêche françaises et les consommateurs de cette confusion dans
la dénomination des produits, génératrice d'une concurrence déloyale ? La concurrence, oui ! Mais la concurrence loyale,
et non pas l'utilisation abusive d'une dénomination pour écouler un produit sous le nom d'un autre !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous avez
raison de souligner que l'arrêté du 26 juin 1996 ne s'applique pas aux produits commercialisés à l'état frais, c'est-à-dire,
reconnaissez-le, à l'essentiel de la production française. En d'autres termes, les pectinidés commercialisés sous cette forme
doivent utiliser les dénominations correspondant aux genres et aux espèces auxquels ils appartiennent.
En ce qui concerne les produits transformés, il en va certes différemment. Mais, comme vous le savez, l'arrêté du 26 juin,
loin de correspondre à un choix politique, résulte d'une condamnation par l'Organisation mondiale du commerce de la
précédente réglementation française, jugée protectionniste, d'autant plus qu'une large tolérance pour la dénomination «
Saint-Jacques » avait existé en France jusqu'en 1993.
De surcroît, la production française de pectinidés satisfait moins de 10 % des besoins de notre consommation.
Cependant, au terme d'un compromis difficile, la France a obtenu la mention obligatoire sur les emballages des produits
transformés non seulement du nom scientifique de l'espèce utilisée, mais surtout du pays d'origine du produit.
Ces indications doivent nous permettre de favoriser une meilleure différenciation des pectinidés sur le marché.
Plus généralement, et en tenant compte des contraintes de l'actuel contexte réglementaire mondial, je suis convaincu que la
valorisation de votre production doit passer non par une démarche défensive - celle-ci serait vouée à l'échec - mais par
une véritable stratégie offensive visant à utiliser tous les moyens techniques et juridiques permettant de démontrer que vos
produits sont les meilleurs.
De ce point de vue, la procédure engagée avec succès par les producteurs des Côtes-d'Armor pour l'octroi d'une
indication géographique protégée concernant la coquille Saint-Jacques des Côtes-Armor me paraît exemplaire, et doit
absolument être développée. Je suis pour ma part tout à fait prêt à aller dans ce sens. Je crois en effet que, s'agissant de
produits alimentaires, plus nous oeuvrons pour informer le consommateur et mieux cela vaudra.
M. Henri Weber. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Si l'essentiel de la production française est
peut-être actuellement le produit frais, il est néanmoins tout à fait évident que le secteur en expansion est celui des surgelés
et des plats préparés. C'est bien pourquoi il y a péril. En effet, s'il est relativement facile de défendre nos produits frais, il
n'en est pas de même s'agissant de plats préparés vendus sous emballage, dans lesquels la substitution pure et simple du
pétoncle canadien, péruvien ou chilien, a fortiori asiatique, à nos coquilles Saint-Jacques est un risque tout à fait sérieux.
Je ne vois pas comment, dans ce cas-là, le principe de traçabilité peut être appliqué, à l'instar de ce qui peut se faire pour
la vente de coquillages surgelés.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous savez comme moi qu'il nous faut être extrêmement vigilants s'agissant de
l'étiquetage des paquets. En effet, l'origine et le nom savant, lorsque celui-ci évoque quelque chose, figurent souvent en
caractères microscopiques. Là aussi, la réglementation pourrait veiller à ce que le consommateur ne soit pas dupé. (M. le
ministre fait un signe d'assentiment.)
M. Charles Descours. Très bien !
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