Question de M. MINETTI Louis (Bouches-du-Rhône - CRC) publiée le 23/05/1996

M. Louis Minetti attire l'attention de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications sur les menaces qui pèsent sur la raffinerie de Berre, dans les Bouches-du-Rhône. En effet, en février dernier, la presse régionale faisait état d'une information selon laqelle le président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP) annonçait la mise en vente par BP de tout ou partie de sa raffinerie de Lavera et la recherche de partenariat effectuée depuis 18 mois par Shell à Berre. Le président de l'UFIP n'avait pas caché le risque de fermeture d'au moins une des raffineries du sud de la France. Le souvenir de la liquidation des chantiers navals de La Ciotat est resté trop vivace dans l'esprit de M. le sénateur pour sous-estimer les dangers d'une politique toute vouée au libéralisme, nouvelle appellation pudique pour masquer la réalité : le capitalisme. Cette politique se caractérise par des gâchis économiques désastreux dans notre département. Les conséquences humaines et sociales sont dramatiques. La fermeture d'une nouvelle entreprise, particulièrement dans le secteur de la pétrochimie, aurait des incidences en chaîne sur l'emploi dans ce département et particulièrement sur l'important bassin d'emplois industriels de Berre, Martigues/Fos. La chimie, elle-même issue de la pétrochimie, ne survivrait pas à la disparition du raffinage. Il faut ajouter qu'une telle décision entraînerait inévitablement des pertes de ressources fiscales vitales pour les communes, sachant que celles-ci sont déjà cruellement frappées par les dernières mesures gouvernementales en matière de financement. D'un point de vue économique, rien ne justifie qu'une telle décision soit prise. La France n'est pas en surcapacité de production de produits raffinés. Elle en importe 20 millions de tonnes. Elle pourrait et devrait en produire la totalité, être en mesure d'exporter. Les besoins en produits raffinés sont prévus en augmentation dans les années à venir de 5 à 7 milions de tonnes d'ici à 2005. On ne peut vouloir défendre l'emploi et laisser s'appliquer des choix qui sont contraires aux intérêts économiques de notre pays. Comme l'a fait M. le maire de Martigues pour BP Lavera, il lui demande de bien vouloir l'informer de la situation exacte concernant la Shell à Berre, l'état des échanges avec la Royal Dutch Shell ainsi que la position du Gouvernement.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 26/09/1996

Réponse. - L'industrie pétrolière européenne de raffinage traverse une période difficile, due principalement à une surcapacité disponible de production évaluée à 10 p. 100 environ pour une quantité de brut annuelle traitée de 630 Mt/an. Il en résulte des excédents de production, particulièrement d'essences (environ 17 Mt), qui tendent à maintenir structurellement les marges de raffinage à un niveau très faible, souvent inférieur au seuil de rentabilité estimé à 90 F/tonne. Ce phénomène est encore amplifié dans le bassin méditerranéen où les taux d'utilisation des raffineries bordant le sud du bassin sont voisins de 70 p. 100 alors qu'ils sont en moyenne de 90 p. 100 en Europe. Comparée aux autres pays européens, la France est handicapée par une structure atypique du marché : part grandissante du gazole bénéficiant d'une fiscalité favorable au détriment de l'essence qui décroît (3 p. 100 en moyenne annuelle) ; faible demande en fioul lourd en déclin constant, compte tenu du programme nucléaire qui a supprimé le débouché des centrales électriques et des contraintes environnementales croissantes ; enfin, il convient de noter la concurrence des grandes surfaces qui distribuent 50 p. 100 environ des carburants, ne permettant pas ainsi au secteur de la distribution de soutenir le raffinage. L'outil de raffinage n'est plus adapté à son marché qui est globalement stagnant. En 1995, le solde français des importations/exportations s'est traduit par une importation nette de 12,3 Mt tous produits confondus pour un marché intérieur de 86,5 Mt, dont des importations de gazole et de fioul oil domestique (FOD) (9 Mt) de naphta (2,5 Mt), de coke (1,2 Mt) et des exportations d'essence (1,5 Mt), de fioul lourd (1,9 Mt) et de kérosène (1 Mt). Par ailleurs, le marché français des produits pétroliers n'est pas géographiquement homogène : la vallée de la Seine et le Sud-Est où sont implantées dix des treize raffineries françaises sont largement excédentaires. Il devient ainsi difficile de financer les investissements indispensables pour, d'une part, suivre des évolutions de marché et, d'autre part, satisfaire des contraintes environnementales de plus en plus sévères sur la qualité des produits et le niveau de rejets des polluants (la réduction de la teneur en soufre, sur l'ensemble des produits, décidée à l'échelle européenne, en est un exemple significatif). L'étang de Berre avec ses quatre raffineries et la pétrochimie associée qui présente des atouts incontestables constitue le deuxième pôle de raffinage français et l'un des plus importants d'Europe. C'est un enjeu industriel très important pour la région et les communes concernées. Dans le contexte actuel très concurrentiel, deux raffineurs de la zone (Shell en 1994 pour la raffinerie de Berre puis BP début 1996 pour celle de Lavéra) ont annoncé leur intention de céder tout ou partie de leurs activités à des repreneurs. Les raffineurs et pétrochimistes du Sud-Est (quatre raffineries de l'étang de Berre et celle de Feyzin) réfléchissent aux évolutions prévisibles de leur marché dans les dix prochaines années et à l'éventail des solutions possibles en vue de rétablir la rentabilité du bassin de leurs activités dans la zone de l'étang de Berre, soit individuellement, soit en partenariat. Il convient, en effet, d'assurer le maintien des conditions de compétitivité qui, seules, permettent d'assurer à long terme la pérennité des activités. Le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications et les services compétents de son département ministériel se tiennent en relation constante avec les différentes sociétés concernées. ; relation constante avec les différentes sociétés concernées.

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