Question de M. MARINI Philippe (Oise - RPR) publiée le 29/02/1996

M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur au sujet de l'insuffisance des pouvoirs de police des maires, face à la recrudescence de la distribution, chez les particuliers, de journaux gratuits et autres publications offensant les bonnes moeurs. En effet, l'article L. 131-2 du code des communes limite les pouvoirs de police des maires au maintien du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publiques. La diffusion d'ouvrages pornographiques, dès lors qu'elle ne cause aucun trouble pour l'ordre public, ne peut être règlementée par le maire. Dès lors celui-ci ne semble disposer d'aucun moyen d'agir, en cas d'affichage ou de distribution de revues, de tracts et d'ouvrages offensant les bonnes moeurs. Or, les maires reçoivent fréquemment des plaintes de leurs administrés sur ces pratiques, c'est pourquoi il lui est demandé s'il envisage d'élargir les pouvoirs de police des maires afin qu'il leur soit possible de prendre toutes dispositions pour interdire toute diffusion ou tout affichage portant atteinte aux bonnes moeurs sur le territoire de leur commune.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 02/05/1996

Réponse. - L'honorable parlementaire appelle l'attention du ministre de l'intérieur sur la distribution de journaux gratuits et de publications diverses et sur l'affichage, toutes activités qui se rattachent à l'exercice de la liberté d'opinion, principe garanti par la Constitution. Pour autant, un certain nombre de limitations peuvent être apportées à ce principe. S'agissant des journaux gratuits, il doit être observé que les petites annonces qu'ils contiennent ne revêtent pas en elles-mêmes un caractère pornographique. Il n'en reste pas moins que ce genre d'annonces fait l'objet d'une surveillance attentive exercée par les services des brigades des mineurs. La loi pénale réprime lourdement la corruption des mineurs (art. 227-22 du code pénal). En outre, l'article 227-24 de ce même code peut servir de fondement en matière d'affichage, puisqu'il réprime également l'affichage de publicités à caractère pornographique lorsque l'affiche est susceptible d'être vue par un mineur. Le maire d'une commune peut donc, sur la base de l'ensemble de ces dispositions, saisir le parquet en vue de la mise en oeuvre de l'action publique. Il peut, par ailleurs, si les affiches font peser un péril grave pour l'ordre public et qu'il y a urgence à les faire disparaître, prendre un arrêté de police en ce sens et ordonner l'occultation des affiches. Il doit être précisé que la loi du 29 décembre 1979 relative à l'affichage comporte des dispositions permettant l'identification de la personne responsable de l'affichage, puisqu'elle dispose en son article 5 que toute publicité doit mentionner le nom, l'adresse ou la dénomination ou la raison sociale de la personne physique ou morale qui l'a apposée ou fait apposer. Or les publicitaires sont soumis à la déontologie définie par le Bureau de vérification de la publicité (BVP) qui formule des avis sur la sincérité, la loyauté commerciale et sur la moralité des annonces et affiches. Les recommandations du BVP peuvent servir de référence aux tribunaux devant lesquels cet organisme peut d'ailleurs se porter partie civile. En ce qui concerne les ouvrages pornographiques, la loi du 16 juillet 1949 sur la protection de la jeunesse a confié au ministre de l'intérieur autorité pour prendre des mesures restreignant ou interdisant la commercialisation de publications notamment à caractère pornographique. Ce pouvoir ne peut faire l'objet de délégation. Il résulte de l'examen des différents problèmes soulevés par l'honorable parlementaire que l'intervention de mesures de restriction, ou plus encore d'interdiction des diverses composantes précitées de la liberté d'expression, est, par nature, exceptionnelle, et ne peut être envisagée qu'en cas de risque important d'atteinte à l'ordre public. En outre, le juge exerce en la matière un contrôle approfondi (adéquation de la mesure prise et du risque de trouble à l'ordre public). Il n'est pas envisagé, pour l'heure, de procéder à un élargissement des pouvoirs du maire tels que rappelés ci-dessus.

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