Question de M. HURIET Claude (Meurthe-et-Moselle - UC) publiée le 08/02/1996
M. Claude Huriet attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la situation des maires exerçant la profession d'agriculteur et qui louent depuis de nombreuses années des terrains communaux par bail à ferme. En effet, selon l'article L. 411-46 du code rural, un agriculteur peut bénéficier du renouvellement de son bail à chaque échéance. Or, selon l'article 432-12 du code pénal, ce même agriculteur, s'il est maire d'une commune, remplit les conditions du délit de prise illégale d'intérêts, c'est-à-dire qu'il est investi d'un mandat public électif ; qu'il a un intérêt personnel dans l'opération et qu'il a la charge d'administrer les biens communaux. Dans ces conditions, il semble difficilement acceptable qu'un maire, dans cette situation, soit contraint de choisir entre la résiliation du bail et le renoncement à ses fonctions électives. Il lui indique par ailleurs que l'article 432-12, alinéa 4, du code pénal permet aux maires, adjoints et conseillers municipaux délégués des communes de moins de 3 500 habitants " d'acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle ". Il semblerait donc logique de leur permettre également de louer un terrain communal, même si l'esprit de la loi consiste à éviter de mêler les intérêts de l'élu avec les possibilités qui lui sont offertes par ses fonctions. Enfin, il lui expose qu'environ 20 p. 100 des maires de Meurthe-et-Moselle sont agriculteurs dans des communes de moins de 3 500 habitants et que les terrains communaux sont attribués en règle générale aux agriculteurs de la commune. En conséquence, il lui demande de lui donner toutes précisions à l'égard de l'interprétation juridique à laquelle il convient de procéder.
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Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 14/03/1996
Réponse. - L'article 432-12 du code pénal relatif à la prise illégale d'intérêts prévoit des exceptions, limitativement énumérées, à l'interdiction de contracter en faveur des maires des communes de moins de 3 500 habitants. Celles-ci sont d'interprétation stricte et ne sauraient dès lors s'appliquer à des opérations qui ne sont pas expréssement visées par les deuxième, troisième et quatrième alinéas. Il en résulte en l'espèce que, s'ils peuvent acquérir dans certaines conditions un bien communal pour la création ou le développement de leur activité professionnelle, les maires ne sont pas habilités à prendre à bail des terrains agricoles appartenant à la commune. En application du premier alinéa ils peuvent toutefois conserver leurs baux conclus antérieurement à leur élection jusqu'à expiration de leur durée, mais il leur incombe de renoncer à leur renouvellement durant l'exercice de leur mandat, sous peine d'encourir des sanctions pénales. La dérogation introduite dans le code pénal, dont le champ d'application a été étendu par la loi du 22 juillet 1992 en relevant le seuil de population de 1 500 à 3 500 habitants et le plafond annuel de la transaction de 75 000 francs à 100 000 francs, a bien entendu pour objet de tenir compte de la spécificité des communes rurales où, comme le rappelle l'intervenant, l'implication des agents économiques locaux dans la gestion municipale est particulièrement forte. Ainsi autorise-t-elle dans certaines limites les relations commerciales entre le maire et la commune dans l'intérêt de chacune des parties. Pour autant il convient de ne pas perdre de vue que l'acte d'ingérence, désormais qualifié de prise illégale d'intérêts, a de tout temps été réprimé afin d'éviter que les personnes investies de prérogatives de puissance publique n'utilisent les pouvoirs qu'elles détiennent à des fins personnelles. Cette règle, qui ne saurait être remise en cause, implique pour le maire, en dehors des dérogations prévues par la loi, d'opérer un choix entre l'exercice d'un mandat électif comportant des fonctions d'autorité et la faculté, dans le cadre de ses propres activités professionnelles, de contracter avec la collectivité. Dans cet esprit il n'est donc pas paradoxal de permettre dans les communes de moins de 3 500 habitants l'achat par le maire de biens communaux dans la limite d'un montant annuel de 100 000 francs alors que la location de ce bien pour le même usage professionnel est interdite dans la mesure où la première transaction présente une faible occurrence en raison de son coût, alors que la deuxième, étant susceptible d'être très répandue, serait de nature, si elle était autorisée, à battre en brêche le principe intangible consacré par le code pénal. Ainsi le citoyen qui souhaite accéder aux fonctions de maire doit-il, le cas échéant, modifier ses pratiques professionnelles, dans des proportions qu'il convient cependant de minimiser en raison des possibilités offertes par les dérogations susvisées et du fait que les biens communaux constituent rarement l'unique ressource de l'activité économique de la commune.
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