Question de M. DELANOË Bertrand (Paris - SOC) publiée le 23/11/1995

M. Bertrand Delanoë attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'annonce de la vente au Pakistan de Mirage 2000-5 au même moment où le Président de la République déclarait sa volonté de mener de façon plus intensive la lutte contre la drogue aux côtés des Pays-Bas. Depuis quatre ans déjà, le Pakistan ne faisait pas mystère d'acheter à la France des appareils de type Mirage. Déjà, des considérations financières avaient empêché la conclusion d'un marché estimé à l'époque à dix milliards de francs. En 1992, la dette extérieure constituait le premier poste budgétaire qui, additionné à celui de la défense, représentaient à eux deux 88 p. 100 des revenus fiscaux. A la même époque, l'Observatoire géopolitique des drogues faisait remarquer que " près de 30 p. 100 de l'équipement de l'armée pakistanaise serait payé par l'argent de la drogue, les sommes provenant du narcotrafic entrant chaque année dans ce pays représentant 2 à 4 milliards de dollars " (page 18 du rapport 1992-1993). Le Pakistan est le deuxième plus grand pays exportateur d'héroïne dans le monde et le premier fournisseur de l'Europe. Le contrôle des laboratoires d'héroïne est un des enjeux de la guerre en Afghanistan et beaucoup voient la main des services secrets pakistanais (Inter Service Intelligence) derrière le mouvement des étudiants religieux, " les Talibans ". Le livre blanc sur la défense a très justement identifié le trafic de drogue comme étant une menace grandissante sur nos sociétés. Aussi il lui demande s'il n'y a pas contradiction entre les objectifs affichés de lutte contre la drogue qui sont justes et nécessaires et ceux de pratiquer le commerce des armes avec un Etat dont les efforts pour stopper et détruire les flux d'héroïne vers les Etats européens sont des plus limités.

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Transmise au ministère : Affaires étrangères


Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 18/01/1996

Réponse. - Le Pakistan se situe effectivement dans une zone sensible en termes de production, de transformation et de trafic de drogue, celle dite du " Croissant d'or ". S'agissant précisément du Pakistan, ce pays subit de plein fouet les contrecoups de cette situation, ne serait-ce que parce qu'une part croissante de sa population est dépendante de l'usage des narcotiques (il compterait actuellement plus de trois millions de toxicomanes). Cette situation porte également préjudice à la France et à ses partenaires de l'Union européenne, 80 p. 100 des drogues consommées en Europe provenant de l'Asie du Sud. Il s'agit donc d'une question d'intérêt mutuel, qui explique que la France apporte une assistance au Gouvernement pakistanais pour lutter contre ce fléau, assistance qui vient s'ajouter aux efforts réels du Gouvernement pakistanais dans ce domaine. Sur le plan organique, il existe une structure spécialisée dans la lutte anti-drogue, l'Anti Narcotic Task Force. A titre d'exemple de ses réalisations, ce service vient de procéder à la destruction de 30 tonnes de drogues diverses saisies par ses soins au cours de l'année écoulée (valeur estimée : 875 M$) ; sur le plan législatif, le Pakistan est partie aux conventions de l'ONU de 1961, 1971 et 1988. Un projet de loi introduisant la peine de mort et la saisie des biens à l'encontre des narco-traficants a été adopté par l'Assemblée nationale pakistanaise le 25 avril dernier ; en outre, le Pakistan s'est engagé dans une politique de coopération régionale (accords passés avec l'Iran et avec l'Inde en 1994) qui s'ajoute à la coopération menée avec le PNUCID. A titre bilatéral, la lutte contre le trafic de drogue et le blanchiment des capitaux constitue l'un des principaux volets de notre coopération policière avec le Pakistant, l'OCRTIS notamment étant fortement représentée dans ce pays. La France est également membre du mini-groupe de Dublin qui se réunit régulièrement à Islamabad et coopère avec les autorités pakistanaises dans le domaine de la lutte contre la drogue. On ne peut donc, au vu de ces éléments, établir un parallèle entre la situation prévalant au Pakistan en matière de drogue et la politique menée par ses autorités dans le domaine de la défense. Au demeurant, s'agissant de l'" annonce " de l'acquisition d'appareils français par l'armée de l'air pakistanaise tellequ'évoquée dans votre question, il convient de préciser que cette affaire en est au stade des consultations commerciales.

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