Question de M. MOREIGNE Michel (Creuse - SOC) publiée le 27/07/1995

M. Michel Moreigne demande à M. le ministre de la culture les suites données à la publication du catalogue de la peinture française des musées du Louvre et d'Orsay, édité par la Réunion des musées nationaux en 1986. L'introduction de l'inventaire des tableaux déposés par le Louvre (volume V, page 194) précise que sur environ 5 000 oeuvres déposées " les pertes par destruction ou négligence s'avèrent considérables ". Les quatre chefs-d'oeuvre de Joseph Vernet déposés en 1900 à l'ambassade de France en Turquie, et " non retrouvés ", continuent-ils de faire l'objet d'une recherche approfondie ?

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Réponse du ministère : Culture publiée le 19/10/1995

Réponse. - Les premiers dépôts d'oeuvres des musées nationaux ont été consentis sous le Consulat et l'Empire. Cette politique d'aide de l'Etat à l'enrichissement des collections territoriales s'est poursuivie tout au long du XIXe et du XXe siècle. Durant ces deux siècles, les dépôts de l'Etat ont pu connaître des fortunes très diverses et il est malheureusement exact que certaines oeuvres ont disparu soit par destruction, soit par négligence : a) par destruction lorsque la France était en guerre et que des régions telles que la Normandie étaient sous les bombardements (on se souvient par exemple de la disparition du musée d'Avranches) : dans ce cas, on ne peut espérer retrouver des oeuvres définitivement détruites ; b) par " négligence " parfois puisque durant de longue années la plupart des lieux de dépôt n'étaient pas équipés comme aujourd'hui de systèmes de sécurité suffisants et les vols pouvaient se multiplier : les oeuvres perdues dans ce cas peuvent quelquefois réapparaître sur le marché de l'art. Lorsqu'une oeuvre en dépôt n'a pu être retrouvée à l'occasion d'une campagne de récolement, elle n'est pas radiée des inventaires des musées nationaux. En effet, le caractère inaliénable et imprescriptible que lui confère le régime de la domanialité publique permet à l'Etat d'en revendiquer la propriété dès que cette oeuvre réapparaît. A cet effet, et parallèment aux enquêtes des services de police et de gendarmerie, les conservateurs français assurent un dépouillement systématique des catalogues de vente publique. Les inventions, bien que rares, mettent en valeur ce travail de recherche des collections disparues. Ainsi, un tableau déposé en 1872 au musée de Carpentras et volé dans ce lieu en 1980 a-t-il été reconnu et saisi lors d'une vente publique en 1992 ; un autre de Revoil, réputé disparu lors de l'incendie des Tuileries en 1870, a été retrouvé en 1978. Un dernier exemple montre à lui seul l'opiniâtreté de l'administration des musées à récupérer ses collections disparues : un tableau de Mola dont la trace avait été perdue pendant plus de vingt ans a été reconnu par un conservateur français dans les collections du musée de San Francisco aux Etats-Unis. Bien que ce musée n'ait pas été obligé de reconnaître la domanialité publique française, de longues négociations ont permis de récupérer le tableau en 1986. S'agissant du cas plus particulier des quatre oeuvres de Joseph Vernet déposées en 1900 à l'ambassade de France à Constantinople et considérées comme perdues dès 1926, elles n'ont pas été retrouvées à ce jour. Il faut se souvenir à leur sujet que les relations diplomatiques entre la France et la Turquie furent interrompue durant la Première Guerre mondiale et qu'une disparition par fait de guerre n'aurait rien d'étonnant. D'autre part, les ambassades quittèrent Constantinople en 1923 pour rejoindre Ankara devenue capitale de la Turquie. Aucune preuve n'a pu être apportée que les quatre tableaux de Vernet avaient alors été transportés. Seul le service de l'équipement du ministère des affaires étrangères est aujourd'hui habilité à lancer une nouvelle enquête mais il n'y a pas de raison de croire qu'une telle démarche apporterait des éléments nouveaux au dossier. Comme pour les exemples déjà cités, on ne peut qu'espérer une éventuelle réapparition de ces oeuvres sur le marché. Le ministère de la culture prendrait alors toutes les mesures nécessaires pour obtenir leur restitution, conformément à sa mission de protection du patrimoine national.

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