Question de M. du LUART Roland (Sarthe - RI) publiée le 26/05/1995
M. Roland du Luart attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les dispositions de l'article L. 432-12 du nouveau code pénal définissant et réprimant le délit d'ingérence. Le deuxième alinéa de cet article dispose, en particulier, que par dérogation au principe fixé par le premier alinéa, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à 100 000 francs. Il lui demande dans quelles conditions, à son avis et sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, ces dispositions peuvent être opposées au maire d'une commune de moins de 3 500 habitants confronté à la situation ci-après exposée. Cette personne détient en toute propriété 15 p. 100 du capital d'une société civile immobilière et est usufruitière de 78 p. 100 des parts de ladite société. Elle est, par ailleurs, gérante de la SCI. La société civile immobilière est susceptible de céder à la commune un terrain, dont la valeur est estimée par le service des domaines à 300 000 francs, aux fins d'aménagement d'un terrain de sport et d'un lotissement. La première interrogation porte sur la détermination du plafond de 100 000 francs autorisé pour le transfert de biens entre le maire et la commune : convient-il de prendre en compte la totalité du montant prévisionnel de la transaction, soit 300 000 francs, ou ne faut-il envisager que la fraction de ce montant correspondant à la part du capital de la société civile immobilière détenue en toute propriété par le maire, soit 45 000 francs correspondant à 15 p. 100 de 300 000 francs ? La seconde interrogation porte sur les modalités de la transaction : la parcelle qu'il est prévu de céder à la commune peut-elle être acquise en trois ans, afin de ne pas dépasser le plafond annuel de 100 000 francs, sans pour autant que ce procédé puisse être considéré comme un moyen de contourner la loi et soit susceptible d'être ultérieurement requalifié par le juge pénal ?
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Réponse du ministère : Justice publiée le 27/07/1995
Réponse. - Il importe de rappeler préalablement à l'honorable parlementaire que l'article 432-12 du code pénal pose le principe de l'interdiction de la prise d'intérêt par un maire dans une entreprise ou dans une opération dont il a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement. Toutefois, la loi autorise le maire d'une commune comptant 3 500 habitants au plus à traiter avec la commune dont il est l'élu pour le transfert de biens immobiliers dans la limite d'un montant annuel fixé à 100 000 francs. Les dérogations prévues par la loi sont d'interprétation stricte. En effet, la lecture des travaux parlementaires révèle l'hostilité de certains parlementaires au principe même de celles-ci. Le plafond annuel de 100 000 francs correspond au montant global de la ou des transactions qu'un élu est autorisé à conclure avec sa commune. En droit, rien n'interdit à un maire d'une commune de 3 500 habitants au plus à traiter chaque année avec sa commune dans cette limite légale. Il pourra s'agir de contrats de fournitures mais aussi de transactions immobilières. Au cas particulier, sous réserve de l'interprétation souveraine des cours et tribunaux, on ne saurait notamment retenir la seule valeur des parts détenues en pleine propriété pour apprécier la régularité de la transaction au regard du seuil posé par la loi. En effet, l'usufruit de 78 p. 100 des parts de la société confère à son titulaire sinon la qualité d'associé, en principe détenue par le nu-propriétaire, du moins certains droits généralement définis par les statuts, comme par exemple le droit de vote dans toutes les assemblées (Cass-Com du 4 janvier 1994, consorts de Gaste c/P. de Gaste, Quotidien juridique no 10 du 3 février 1994, page 4, JCP 1994, édition Entreprise no 12 du 24 mars 1994). Au surplus, le maire a un pouvoir d'administration de la société en qualité de gérant. En tout état de cause, le fractionnement d'un bien immobilier en lots d'une valeur inférieure à 100 000 francs vendus séparément sur plusieurs années apparaît comme une fraude à la loi lorsque l'opération immobilière envisagée présente une unité économique. La conduite d'une telle opération supposerait au demeurant que des garanties juridiques sérieuses de bonne fin soient prises dès la première vente faisant ainsi apparaître le caractère artificiel du démembrement de l'opération alors qu'au contraire l'absence de telles garanties pourrait se révéler préjudiciable aux intérêts de la commune intéressée à un achat global.
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