Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE) publiée le 27/10/1994
M. Rodolphe Désiré exprime de nouveaux ses craintes à M. le ministre des départements et territoires d'outre-mer quant à l'avenir de l'octroi de mer à la suite de l'arrêt rendu le 9 août dernier par la Cour de justice des communautés européennes dans l'affaire Lancry SA/direction générale des douanes. Le 16 juillet 1992 (arrêt Legros) déjà, la Cour avait déclaré que l'octroi de mer était incompatible avec le traité lorsqu'il frappait les produits en provenance d'un autre Etat membre. Elle estimait en outre que l'octroi de mer était une taxe d'effet équivalent à un droit de douane. Par le jugement du 9 août dernier (arrêt Lancry), la Cour invalide la décision 89-688 du conseil du 22 décembre 1989 au motif qu'elle autorise la France à maintenir jusqu'au 31 décembre 1992 une taxe d'effet équivalant à un droit de douane incompatible avec les dispositions communautaires. En effet, le Conseil ne pouvait permettre le maintien de l'octroi de mer dans la mesure où le libellé de l'article 227-2 du traité exclut la possibilité de déroger à l'application dans les DOM des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises. De plus, cet arrêt repousse l'argumentation du Gouvernement selon laquelle l'octroi de mer étant appliqué au sein du territoire national, le droit communautaire ne s'appliquait pas. Désormais, toute entreprise, située en France ou dans un autre Etat membre, qui a exporté depuis le 16 juillet 1992 (date du précédent arrêt de la Cour) des produits dans ces territoires est en droit d'obtenir le remboursement de l'octroi de mer qu'elle a acquitté. Par ailleurs, il ne faut pas exclure que la compatibilité du nouveau système, mis en place par la loi no 92-676 du 17 juillet 1992, soit mise en cause par la Cour de Justice par le biais de la question préjudicielle présentée par jugement du tribunal d'instance de Paris rendu le 27 janvier 1994 dans l'affaire C-126/94 société Cadi Surgelés contre ministre des finances et directeur général des douanes. En sachant que le jugement interviendra au plus tard d'ici deux ans, le risque d'une condamnation définitive du nouvel octroi de mer devenant incompatible avec le traité doit donc être sérieusement envisagé. Dans ces conditions, il souhaiterait savoir si le Gouvernement étudie d'ores et déjà les mesures qui peuvent être prises pour pallier la disparition des principales ressources fiscales des collectivités locales des départements d'outre-mer, qu'entraînerait une telle décision ; sachant que la nature juridique de la déclaration relative aux régions ultra périphériques, annexée au traité de Maastricht, ne peut permettre de déroger aux dispositions de l'article 227 du traité. Il lui demande également si les conditions ne sont pas réunies pour réfléchir dès à présent à un statut fiscal spécifique aux départements d'outre-mer.
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Réponse du ministère : Départements et territoires d'Outre-mer (DOM-TOM) publiée le 19/01/1995
Réponse. - L'arrêt Lancry du 9 août 1994 confirme la jurisprudence de l'arrêt Legros rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 16 juillet 1992. Il ressort de ces arrêts que l'octroi de mer est assimilé à une taxe d'effet équivalant à une taxe douanière et qu'aucune disposition du traité ne permet de déroger à la prohibition générale d'une telle taxe. L'arrêt Legros limitait cependant les droits à restitution des taxes acquittées aux seuls plaideurs ayant, avant la date de l'arrêt, introduit un recours en justice tendant à obtenir remboursement ou soulevé une réclamation équivalente. L'arrêt Lancry précise que la décision par laquelle le Conseil des Communautés européennes a autorisé la République française à maintenir jusqu'au 31 décembre 1992 le régime en vigueur lors de l'adoption de cette décision est contraire au traité de Rome. Il en découle que l'octroi de mer perçu entre le 16 juillet 1992 et le 31 décembre 1992 doit être remboursé aux personnes qui l'ont acquitté et supporté. La loi du 17 juillet 1992, applicable à compter du 1er janvier 1993, pose le principe de l'assujettissement des introductions comme des productions intérieures. La nature de l'octroi de mer est donc modifiée. Cependant, et bien que le dispositif soit prévu pour une durée de dix ans, le Gouvernement partage les préoccupations de l'honorable parlementaire et engage actuellement une réflexion interministérielle sur les réformes à mettre en oeuvre pour remplacer l'actuel octroi de mer par un régime mieux adapté à la logique communautaire. Il ne manquera pas, le moment venu, d'associer les élus locaux comme les milieux professionnels à cette réflexion.
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