Question de Mme SELIGMANN Françoise (Hauts-de-Seine - SOC) publiée le 20/10/1994
Mme Françoise Seligmann attire l'attention de M. le Premier ministre sur le fait que les citoyens se plaignent de la surabondance de textes réglementaires dans chacun des domaines du droit. En 1994, il n'est plus possible de prétendre que " nul n'est censé ignorer la loi ". En effet, un certain nombre de ces textes sont caduques mais ne sont pas pour autant supprimés. Elle lui demande donc s'il ne serait pas possible de mettre en place une commission chargée de rendre plus limpide la réglementation de l'Etat, d'abord en éliminant tous les textes réglementaires qui sont devenus obsolètes, ensuite en procédant à un reclassement des règlements, qu'il s'agisse de décrets, d'arrêtés ou de circulaires, qui permette au citoyen de se retrouver plus facilement dans les méandres de la réglementation.
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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 17/11/1994
Réponse. - La complexité du corpus juridique constitué par les textes législatifs et réglementaires en vigeur, comme le rythme de création des normes juridiques nouvelles, sont justement rappelés par l'honorable parlementaire. Cette surabondance risque en effet de rendre platonique l'adage " nul n'est censé ignorer la loi ". A force de se raffiner et de se transformer, la règle de droit perd de sa crédibilité. Elle s'expose à ne pas être appliquée ou à provoquer, entre citoyens, d'inacceptables inégalités, par exemple en créant des " rentes de complexité ". La dévalorisation ou l'illisibilité de la norme juridique peuvent inciter particuliers ou entreprises à la contourner au profit de pratiques qui n'offrent aucune réelle sécurité juridique et avantagent le plus fort ou le plus astucieux. Comment faire face à cette situation ? 1o Il faut d'abord avoir l'honnêteté intellectuelle de convenir que l'expansion des normes est en grande partie inéluctable. La complexité du droit contemporain, l'accélération de son rythme de renouvellement sont un reflet de la complexité et de la rapidité de transformation de la société moderne elle-même. Les normes juridiques nouvelles répondent souvent à une " demande de droit " émanant de catégories sociales ou professionnelles déterminées. Le raffinement de la règle juridique est généralement inspiré par un souci de justice et d'adaptation. D'autres phénomènes - eux aussi extérieurs à la volonté des rédacteurs des textes - expliquent l'inflation des normes : le caractère de plus en plus technique des secteurs d'activité investis par le droit positif ; la transposition des directives communautaires et la nécessité d'harmoniser les droits nationaux des pays membres de l'Union européenne ; les effets des alternances politiques ; une exigence croissante de sécurité juridique émanant de la société. Il convient également de mentionner les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat qui, au nom du principe d'égalité ou de la sauvegarde du domaine législatif, portent à légiférer dans un plus grand détail qu'au début de la Ve République. Enfin, l'honorable parlementaire voudra bien reconnaître que, pour légitimes que soient les motifs qui les inspirent, les amendements parlementaires aux projets de loi tendent plus souvent à enrichir qu'à simplifier le texte en discussion. 2o Il n'en reste pas moins que le défaut de lisibilité et le défaut d'accessibilité des textes publiés au Journal officiel ne sont pas une fatalité. Ils peuvent et doivent être combattus par les moyens suivants : a) Tout d'abord, comme l'a rappelé le Premier ministre lors du colloque sur l'Etat de droit, organisé par le Conseil d'Etat et le corps préfectoral le 11 octobre 1993, en combattant l'excès de réglementation partout où il apparaît qu'un allégement des contraintes permettrait, grâce au jeu de la concurrence, à la négociation sociale ou au rétablissement de la responsabilité individuelle d'obtenir des résultats au total plus satisfaisants pour la collectivité. b) Dans le même esprit, en développant des moyens nouveaux pour mieux évaluer l'incidence des projets de textes (fiches d'impact, incidences en matière de formalités administratives...). Le Premier ministre a insisté sur ce point en installant dans sa nouvelle composition, le 17 octobre 1994, la commission pour la simplification des formalités administratives. c) En traquant impitoyablement, à toutes les étapes de l'élaboration des textes, les défauts les plus criants : dispositions se superposant, sans s'y insérer de façon claire, aux dispositions existantes ; textes obscurs ; dispositions sans portée normative ; procédures inutilement complexes portant en germe des développements contentieux. Lutter contre ces tendances suppose une volonté ferme des rédacteurs de textes, mais aussi du Parlement. S'agissant des auteurs des projets de loi et des textes réglementaires, il faut veiller à une meilleure formation aux techniques juridiques ainsi qu'à une plus grande attention portée aux recommandations du Conseil d'Etat, des autres corps de contrôle et des instances d'évaluation. d) En poursuivant et en intensifiant l'effort de codification entrepris sous l'égide de la commission supérieure de codification. L'existence de codes présente en effet l'intérêt essentiel de faciliter l'accès des citoyens à la règle de droit. Elle contribue aussi à améliorer les conditions de fonctionnement des administrations. La codification est ainsi un élément important de la modernisation des services publics et de l'amélioration des relations que ceux-ci entretiennent avec les usagers. Le travail de codification repose sur deux principes : codifier " à droit constant " ; soumettre au vote du Parlement la partie législative des codes, de manière à abroger les textes dont le contenu est repris. Ce travail serait paralysé si le Parlement cédait à la tentation, lors de l'examen d'un code, de réformer le fond du droit. La codification facilite les réformes ultérieures, mais ne doit pas directement réformer. Aussi la coopération de la représentation nationale est-elle là encore essentielle. Notons que, depuis l'installation de l'actuel gouvernement, les projets de code (partie Législative) issus des travaux de la commission ont toujours été déposés au Parlement. e) Enfin en favorisant l'accès du public à la règle de droit grâce aux techniques modernes de l'information. C'est ainsi que, au cours des années passées, les services du Premier ministre ont développé une politique dynamique dans le domaine des banques de données juridiques (JURIDIAL), dans celui des guides télématiques des droits et démarches (3615 VOSDROITS) et dans celui des renseignements administratifs par téléphone (CIRA). ; existantes ; textes obscurs ; dispositions sans portée normative ; procédures inutilement complexes portant en germe des développements contentieux. Lutter contre ces tendances suppose une volonté ferme des rédacteurs de textes, mais aussi du Parlement. S'agissant des auteurs des projets de loi et des textes réglementaires, il faut veiller à une meilleure formation aux techniques juridiques ainsi qu'à une plus grande attention portée aux recommandations du Conseil d'Etat, des autres corps de contrôle et des instances d'évaluation. d) En poursuivant et en intensifiant l'effort de codification entrepris sous l'égide de la commission supérieure de codification. L'existence de codes présente en effet l'intérêt essentiel de faciliter l'accès des citoyens à la règle de droit. Elle contribue aussi à améliorer les conditions de fonctionnement des administrations. La codification est ainsi un élément important de la modernisation des services publics et de l'amélioration des relations que ceux-ci entretiennent avec les usagers. Le travail de codification repose sur deux principes : codifier " à droit constant " ; soumettre au vote du Parlement la partie législative des codes, de manière à abroger les textes dont le contenu est repris. Ce travail serait paralysé si le Parlement cédait à la tentation, lors de l'examen d'un code, de réformer le fond du droit. La codification facilite les réformes ultérieures, mais ne doit pas directement réformer. Aussi la coopération de la représentation nationale est-elle là encore essentielle. Notons que, depuis l'installation de l'actuel gouvernement, les projets de code (partie Législative) issus des travaux de la commission ont toujours été déposés au Parlement. e) Enfin en favorisant l'accès du public à la règle de droit grâce aux techniques modernes de l'information. C'est ainsi que, au cours des années passées, les services du Premier ministre ont développé une politique dynamique dans le domaine des banques de données juridiques (JURIDIAL), dans celui des guides télématiques des droits et démarches (3615 VOSDROITS) et dans celui des renseignements administratifs par téléphone (CIRA).
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