Question de Mme BIDARD-REYDET Danielle (Seine-Saint-Denis - C) publiée le 30/06/1994

Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la francophonie sur les conséquences de la directive promulguée le 19 novembre 1992 par le conseil de la Communauté européenne relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle. Les bibliothèques et les médiathèques, municipales ou universitaires pour la plupart, ont pour mission de garantir l'accès égalitaire à l'éducation, la formation permanente et la culture. Elles participent ainsi au développement de la lecture et de la documentation sans discrimination liée à l'âge, au lieu d'habitation ou aux revenus. Loin de ne constituer que des seules " librairies gratuites ", les bibliothèques font vivre un patrimoine. Elles participent également à la découverte et à la promotion d'auteurs et d'éditions peu connus. En effet, sans les bibliothèques pour enfants, l'édition pour la jeunesse n'aurait pas connu l'essor de ces vingt dernières années. De plus, différentes études montrent clairement que les lecteurs des bibliothèques sont parmi les plus gros acheteurs de livres. C'est dans cet esprit de service public de lecture, d'information et de documentation que la bibliothèque de la ville de Pantin (Seine-Saint-Denis) et ses deux annexes de quartiers ont pu toucher en 1993 près de 10 000 lecteurs. Sans apporter de solution aux problèmes des auteurs français puisque les auteurs de best-sellers pourraient en être les seuls bénéficiaires, cette directive européenne, a une double conséquence. Tout d'abord pour les équipements culturels concernés, la prise en charge par les collectivités locales du coût de l'application de cette mesure, réduirait les possibilités d'achat d'ouvrages ; ensuite pour les usagers qui verraient le système de prêt gratuit se transformer en système de location. Au moment où chacun s'accorde à souligner l'importance de la langue française et de la lecture notamment pour les enfants, cette directive ferait naître une nouvelle inégalité surtout pour les lecteurs de condition modeste. Elle lui demande donc d'appliquer l'exemption de cette directive pour tous les établissements publics concernés.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 01/09/1994

Réponse. - Adoptée le 19 novembre 1992, la directive européenne relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle pose le principe du droit exclusif d'autoriser et d'interdire la location et le prêt des oeuvres protégées au bénéfice des auteurs, des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes, ainsi que des producteurs d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. Ainsi qu'il est indiqué dans l'exposé des motifs de la directive, son objectif est double : supprimer les entraves aux échanges ainsi que les distorsions de concurrence au sein du marché unique en harmonisant les législations : assurer une protection aux titulaires de droits d'auteurs face à l'intensification des modes d'utilisation des oeuvres et à l'évolution de leur mode de diffusion, avec notamment le développement des activités immatérielles. Le code de la propriété intellectuelle reconnaît juridiquement aux auteurs le droit de céder séparément autant de droits de reproduction qu'il y a de modes d'utilisation d'un support, droit généralement dénommé droit de destination. Cette disposition étant commune à toutes les oeuvres protégées, la loi française prévoit donc bien un droit de prêt, même si ce droit n'est pas toujours revendiqué par les créateurs ou leurs ayants droit. Notre régime juridique est donc déjà à la hauteur des exigences communautaires et il n'y a pas lieu de prévoir une transposition. En revanche, la mise en oeuvre de ce droit de prêt, notamment dans le domaine du livre, supposerait un accord entre ayants droit et organismes de prêt. A cet égard, une étude à laquelle l'ensemble de l'interprofession est associée sur la place des bibliothèques dans l'économie du livre et plus particulièrement sur l'articulation entre les achats et les emprunts de livres doit être prochainement rendue et apportera une première contribution à la réflexion générale. En tout état de cause, le gouvernement est conscient que le développement du livre et de la lecture repose sur un équilibre fragile entre une nécessaire protection des auteurs et de leurs ayants droit, un réseau de librairies de qualité et un réseau de bibliothèques conservant tous les moyens d'offrir des fonds riches, variés et facilement accessibles, notamment aux publics les plus défavorisés. Il veillera donc à ce qu'aucune initiative ou mesure à venir n'ait pour conséquence de compromettre en quoi que ce soit l'essor de la lecture publique dans notre pays, qui constitue pour lui une priorité de toute action culturelle.

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