Question de M. VALLON Pierre (Rhône - UC) publiée le 21/04/1994
M. Pierre Vallon attire l'attention de M. le ministre des entreprises et du développement économique, chargé des petites et moyennes entreprises et du commerce et de l'artisanat, sur les préoccupations exprimées par de nombreuses entreprises du secteur textile-habillement à l'égard des conditions d'application du titre IV de l'ordonnance de 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Celui-ci édicte des interdictions spécifiques au droit français et exige que soient justifiés, dans les relations industriels-distributeurs, bon nombre de comportements laissés dans les autres pays européens à la liberté contractuelle des acteurs économiques : l'interdiction du refus de vente, l'obligation de communication des barèmes, le droit limité en matière de " discrimination ". Après huit années d'application, il apparaît clairement que certains secteurs d'activité industrielle sont soumis à une vive pression concurrentielle, de court terme par les prix, et se plaignent des pratiques quelquefois déloyales qu'exercerait sur eux une partie de la distribution. L'industrie se trouve alors menacée dans sa logique de développement à long terme (investissements, innovation, ...) et dans son rôle socio-économique de création d'emplois qualifiés. Il lui demande en conséquence de bien vouloir envisager une modification du titre IV de l'ordonnance de 1986 autour de deux principes, fidèles à son esprit libéral d'origine, à savoir l'égalité contractuelle : qui se traduirait par la suppression de l'interdiction du refus de vente et des frais de référencements sans contrepartie d'achat, et la confiance dans la capacité des acteurs économiques à s'organiser eux-mêmes : pour définir les modalités de la collaboration contractuelle entre industriels et commerçants. Dès lors, le recours aux pratiques tarifaires différenciées pourrait ne plus être interdit de même que l'ensemble des interdictions pourrait être remplacé par la seule sanction de certaines pratiques illicites, abusives (abus de dépendance économique) et/ou opportunistes (pratique de prix d'appel et de prix anormalement bas).
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Transmise au ministère : Économie
Réponse du ministère : Économie publiée le 07/07/1994
Réponse. - Les difficultés évoquées n'ont pas échappé au Gouvernement. D'une part, le ministre de l'économie se montre très vigilant à l'égard de toute opération de concentration économique dans le secteur de la grande distribution. Il utilise les moyens à sa disposition pour contrôler ce type d'opération, en saisissant si besoin est le conseil de la concurrence, à chaque fois qu'une position trop dominante risque d'en découler, notamment vis-à-vis des fournisseurs. D'autre part, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes s'attache actuellement à expliciter les possibilités offertes par les dispositions en vigueur en matière de refus de vente. En effet, l'ordonnance de 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ne s'oppose pas au principe du refus de vente en lui-même, mais se borne à indiquer que le refus de vente abusif engage la responsabilité de son auteur. Ainsi le refus de vente est licite lorsque les demandes formulées par l'acheteur s'écartent des conditions générales de vente définies par le vendeur et que ce dernier ne souhaite pas accepter une telle négociation commerciale. Il est a fortiori licite lorsque la satisfaction de la demande aboutirait à une discrimination entre acheteurs. Il l'est de manière plus générale face à toute demande anormale. Au surplus, en application de l'amendement à l'article 36-2 contenu dans la loi du 31 décembre 1992, la demande d'un acheteur est présumée anormale lorsqu'il se livre à des pratiques déloyales telles que par exemple la revente à perte ou les prix d'appel. Le dispositif institué par l'ordonnance de 1986 en matière de refus de vente est équilibré et plus souple dans son application que le droit commun de la responsabilité. Son maintien paraît constituer l'intérêt bien compris des entreprises. En revanche son abrogation et l'autorisation du refus de vente sans condition auraient pour effet essentiel de fermer le marché en entravant la liberté d'accès de nouveaux entrants ou en accélérant la disparition de certaines formes de petit commerce, notamment en milieu rural. Les abus qui ne manqueraient pas d'en résulter ne pourraient pas être combattus dans des conditions satisfaisantes par les moyens offerts par les articles 7 et 8 de l'ordonnance en matière d'ententes ou par le droit commun de la responsabilité. De même, le droit français actuel de la concurrence ne remet pas en cause le principe de liberté de négociation commerciale et n'interdit aucunement un traitement différencié des distributeurs par un fournisseur. L'ordonnance de 1986 n'organise qu'un contrôle des discriminations abusives par le conseil de la concurrence (art. 7 et 8) ou les tribunaux civils (art. 36-1). Dans le premier cas, une discrimination ne peut être interdite que si elle affecte la situation de la concurrence sur un marché. Dans le second cas, seules les discriminations abusives non justifiées par des contreparties réelles et créant un désavantage ou un avantage dans la concurrence pour un distributeur peuvent engager la responsabilité civile de leur auteur et l'amener à devoir réparer un préjudice. L'article 33 de l'ordonnance reconnaît par ailleurs expressément la possibilité de conclure des contrats de coopération commerciale destinés à rémunérer des services spécifiques rendus par un distributeur à un fournisseur.
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