Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE) publiée le 17/02/1994
M. Rodolphe Désiré attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation dramatique que connaît Haïti. Après le coup d'Etat de septembre 1990, la communauté internationale a imposé à ce pays un embargo qui a d'ailleurs été renforcé après le non-respect par le général Cedras des accords de Governor's Island qui prévoyaient notamment le retour du président Aristide à la fin du mois d'octobre dernier. Aujourd'hui, après plus de deux ans de blocus commercial, on peut s'interroger sur l'efficacité politique de cette mesure. En effet, elle n'a pas contraint les putschistes à respecter les engagements des accords de Governor's Island, ni à entamer de nouvelles négociations, et encore moins à quitter le pouvoir. En revanche, ce qui est sûr, c'est que l'embargo porte gravement préfudice à la population qui, déjà victime de la situation politique et des exactions commises contre elle, doit en plus subir de lourdes privatisations en matière de soins, de médicaments et d'alimentation. Face à ce constat, il lui demande quelles initiatives la France compte prendre pour résoudre la crise politique dans ce pays sans que la population se trouve encore une fois pénalisée. Il aimerait également savoir dans quelle mesure le gel des avoirs des principaux responsables de la dictature haïtienne ne pourrait pas être envisagé évitant ainsi que notre pays ne leur serve, par le placement de capitaux dans nos établissements bancaires, de base de repli.
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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 24/03/1994
Réponse. - L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention du ministre des affaires étrangères sur les effets de l'embargo sur la population haïtienne et l'interroger sur les initiatives que la France envisage de prendre pour la restauration de l'Etat de droit en Haïti. Comme le sait l'honorable parlementaire, la France joue un rôle très actif pour le dossier haïtien depuis un an, au sein du groupe des " Amis d'Haïti " (Canada, Etats-Unis, France et Venezuela) et aux Nations unies, pour rechercher une solution politique à la crise actuelle et permettre le retour du président Aristide. L'embargo pétrolier instauré par la résolution 841 du Conseil de sécurité des Nations unies du 16 juin 1993 avait pour objectif de contraindre les putschistes à accepter la restauration de l'ordre constitutionnel en Haïti. La mise en oeuvre de ces sanctions a conduit les responsables militaires à négocier avec les autres parties haïtiennes, négociation qui s'est conclue par l'accord dit de l'île des Gouverneurs, signé le 3 juillet 1993. Suspendu le 27 août dernier, date de l'investiture de M. Robert Malval, premier ministre de concorde, l'embargo a été rétabli en octobre à la suite des manoeuvres d'intimidation menées par des éléments inféodés aux responsables militaires afin d'empêcher le déploiement de la mission internationale de police (MINUHA). Cet embargo, qui ne concerne jusqu'à présent que les armes et les produits pétroliers, s'est accompagné depuis le début de son application d'une aide humanitaire internationale destinée aux populations les plus démunies. Actuellement, le Conseil de sécurité étudie un projet de résolution destiné à aggraver les sanctions existantes. Parmi les nouvelles mesures envisagées figurent en particulier le gel des avoirs privés des responsables militaires et des personnes liées au régime de fait. La mise en oeuvre éventuelle de ces nouvelles sanctions devra s'accompagner d'une aide humanitaire accrue, à laquelle, naturellement, la France participera. Toutefois, les sanctions ne pourront à elles seules rétablir l'ordre institutionnel à Haïti ; aussi la France cherche-t-elle à encourager la recherche d'une solution négociée entre les parties haïtiennes. A son initiative, une première réunion des Amis d'Haïti s'est tenue à Paris en décembre dernier pour tenter d'élaborer une stratégie commune en vue de débloquer la situation résultant de l'interruption de l'application de l'accord de l'île des Gouverneurs. A la suite de cette réunion de Paris, elle a pris note avec intérêt des divers plans de " sortie de crise ", en particulier de la proposition faite par l'envoyé spécial des secrétaires généraux de l'OEA et de l'ONU, M. Dante Caputo, d'une simultanéité dans la mise en oeuvre des points restant à appliquer de l'accord de l'île des Gouverneurs.
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