Question de M. BONY Marcel (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 18/11/1993
M. Marcel Bony appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'impossibilité pour une personne de choisir un mandataire chargé de gérer ses biens et de défendre ses intérêts si elle était empêchée de le faire en raison de son âge, de la maladie, ou de toute autre cause. Cette impossibilité est liée au caractère datif du choix du tuteur. Il n'existe en effet aucun moyen juridique d'imposer par avance le choix du tuteur. La tutelle testamentaire n'existant que pour les mineurs, la seule solution possible semble être l'expression d'un voeu quant à cette désignation qui pourra éventuellement être pris en considération par le conseil de famille et le juge mais qui n'aura aucun caractère obligatoire. Cette solution n'est pas du tout satisfaisante pour quelqu'un qui n'entretient pas de bonnes relations avec sa famille. Il lui demande donc s'il ne pense pas qu'il y a là une lacune qui est de nature à porter atteinte à la liberté individuelle et au pouvoir de décision que chacun doit conserver par rapport à ses biens et à sa vie. Il aimerait, en parallèle, savoir quelle serait son attitude vis à vis d'une proposition de loi autorisant toute personne majeure, saine de corps et d'esprit, à mandater une ou plusieurs personnes sans lien familial obligatoire, pour la représenter en cas d'incapacité provisoire ou définitive due à l'âge, la maladie ou un accident. Cette nomination pourrait être faite par acte notarité, le mandataire devant bien entendu rendre compte de sa gestion lors de l'ouverture de la succession du mandant. Il s'agirait au demeurant d'une faculté et non d'une obligation.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 17/02/1994
Réponse. - Le choix, par avance, fait par une personne d'un mandataire chargé de gérer ses biens pour le cas où elle ne serait plus capable de le faire se heurte aux principes régissant le mandat. Celui-ci est en effet un contrat révocable, faculté qui ne pourrait plus être exercée en cas d'altération des facultés mentales du mandant. C'est pourquoi l'article 2003 du code civil dispose expressément que le mandat prend fin par la mise sous tutelle du mandant. Cette solution, fondée sur la liberté contractuelle qui doit toujours pouvoir trouver à s'exercer, se justifie en outre aisément sur le plan pratique, les circonstances pouvant changer entre le moment de la désignation du mandataire et celui où le mandat prend effet. Par ailleurs, s'il est vrai que le code civil ne prévoit pas la tutelle testamentaire d'un majeur et que le choix du tuteur est laissé à l'appréciation du conseil de famille ou du juge des tutelles, aucune disposition n'impose de limiter ce choix à l'entourage familial de l'intéressé. A cet égard, il convient de souligner que même dans le cas de la tutelle légale résultant du mariage, le juge peut écarter le conjoint, s'il apparaît qu'une telle désignation n'est pas conforme à l'intérêt du majeur à protéger. Il importe que la liberté du juge des tutelles reste entière en la matière dans l'intérêt même de la personne protégée, lequel doit s'apprécier au moment de l'ouverture de la mesure de protection, notamment en cas de mésentente familiale. Les dispositions en vigueur offrant une souplesse suffisante, il n'apparaît pas opportun d'envisager une réforme sur le point considéré.
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