Question de Mme FRAYSSE-CAZALIS Jacqueline (Hauts-de-Seine - C) publiée le 27/05/1993

Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis attire l'attention de M. le ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur sur la situation du groupe informatique Bull. Depuis des années, la direction ainsi que les gouvernements précédents ont imposé à cette entreprise publique une politique caractérisée : par des saignées régulières et massives sur l'emploi ; par l'abandon de pans entiers d'activités ; par de ruineuses opérations, notamment aux Etats-Unis, génératrices de frais financiers exorbitants, telles que le " rachat " de Zénith Data Systems. La logique de recherche d'une rentabilité financière immédiate, loin de redresser la situation de l'entreprise, a aggravé les difficultés. Poursuivre dans cette voie risquerait de compromettre définitivement les atouts dont dispose encore le constructeur national, notamment au travers de son potentiel humain. Ces atouts restent aujourd'hui suffisamment importants pour reconquérir et développer une réelle maîtrise technologique, industrielle et commerciale pour l'informatique française, ainsi qu'une capacité à bâtir de véritables coopérations en Europe. Cependant, sous prétexte des difficultés nées de la politique menée jusqu'à présent, il semblerait que soit envisagée comme seule possible une issue qui conduirait au démantèlement de Bull au travers d'une " vente par appartement " de certains secteurs, notamment à des capitaux étrangers. Il s'agirait là d'un terrifiant paradoxe : des fonds publics considérables consacrés à financer licenciements et restructurations, au lieu de développer l'entreprise, ses capacités d'études, de production et de coopération pour aboutir ainsi à une situation qui " justifierait " le bradage des compétences et de l'emploi. Il va de soi que des échos de presse allant dans ce sens suscitent la plus vive émotion parmi le personnel, et au-delà, inquiètent tous ceux qui considèrent que l'informatique est un domaine stratégique pour l'avenir du pays. Faut-il rappeler que l'existence d'une industrie informatique et des capacités technologiques qui y sont liées sont et seront plus encore à l'avenir une condition essentielle pour préserver un rayonnement économique et culturel à l'échelle internationale ? De plus, de véritables coopérations avec de grands clients : services publics, administration, grandes entreprises du secteur public, constitueraient une voie essentielle pour la pérennité et le développement futur de Bull. Cela relève à l'évidence de la responsabilité des pouvoirs publics. C'est pourquoi elle lui demande de démentir les rumeurs en question et d'assurer à Bull les moyens de valoriser ses atouts humains et technologiques.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 16/09/1993

Réponse. - L'industrie informatique connaît une crise grave qui s'explique par la conjugaison de plusieurs facteurs : la pression des utilisateurs pour une informatique décentralisée et ouverte, et l'émergence de nouveaux acteurs tirant profit d'une standardisation croissante et d'une certaine banalisation des technologies. Elle correspond à des changements structurels de l'industrie informatique, engagés au cours de la décennie écoulée, mais qui connaissent une accélération considérable. L'émergence de nouveaux systèmes d'exploitation indépendants des constructeurs remet en cause les positions acquises des grands constructeurs traditionnels comme le groupe Bull disposant de systèmes propriétaires. Les clients limitent par ailleurs leurs investissements dans l'attente d'une clarification des perspectives ouvertes par les mutations en cours. Ces évolutions convergentes ont entraîné un ralentissement général de la croissance du marché et une baisse rapide de la marge brute des fournisseurs traditionnels. Les principaux constructeurs ont ainsi vu leurs résultats se détériorer et plusieurs ont connu et connaissent encore de graves difficultés. Pour faire face à cette situation, le groupe Bull a mis en place un plan de mutation important visant un retour à la profitabilité. Dans le même temps, le groupe a mis en oeuvre, pour assurer une évolution rapide de son offre en conformité avec les attentes du marché, un projet technique de grande ampleur que les pouvoirs publics ont décidé de soutenir par des subventions d'un montant total de 2 680 millions de francs sur la période 1991-1994. Le ralentissement du marché s'est fortement accentué en 1993 du fait du ralentissement économique général et il frappe désormais l'ensemble des constructeurs mondiaux. Les principaux constructeurs européens et américains fournisseurs de grands systèmes et de solutions informatiques globales (IBM, NEC, DEC, Olivetti, Unisys, Siemens-Nixdorf) ont subi des pertes nettes supérieures à 35 milliards de francs en 1992 ; plus de 100 000 suppressions d'emplois ont déjà été annoncées. Compte tenu de la structure de bilan de Bull, l'actionnariat majoritaire (l'Etat et France Télécom) a décidé d'accorder à Bull à la fin de 1992 une avance d'actionnaires rémunérée au taux du marché, d'un montant de 2,5 milliards de francs. Il est vrai que le groupe Bull a perdu ces trois dernières années près de 15 milliards de francs. On notera toutefois que plus de la moitié de cette somme résulte de provisions pour restructurations. La dette du groupe crée aussi une charge importante. Toutefois, la perte d'exploitation s'est nettement réduite au cours de ces trois dernières années. Pour sortir de cette situation, coûteuse pour l'Etat, il est nécessaire de définir une nouvelle stratégie, permettant de rompre avec la situation qui a prévalu jusqu'ici. C'est pourquoi le ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur a demandé à M. Bernard Pache, président-directeur général de Bull, de lui faire des propositions en ce sens. Les pouvoirs publics et la direction de l'entreprise étudient la situation du groupe afin de définir avant la fin de l'été les orientations stratégiques qui permettront, avec le soutien de ses actionnaires, un retour durable de Bull à l'équilibre. Il faut aussi souligner la qualité technique et commerciale des produits et des équipes du groupe Bull, qui ont récemment su remporter des marchés difficiles, par exemple pour la gestion de l'informatique de l'armée britannique. La nouvelle stratégie devra assurer l'avenir du groupe autour de ses principales compétences. La politique d'alliances et de partenariats de Bull devra aussi être renforcée. Lorsque cette stratégie d'avenir aura été définie, chacun pourra constater qu'un groupe renouvelé se développe et contribue au renforcement non seulement de la capacité informatique nationale, mais aussi européenne. ; autour de ses principales compétences. La politique d'alliances et de partenariats de Bull devra aussi être renforcée. Lorsque cette stratégie d'avenir aura été définie, chacun pourra constater qu'un groupe renouvelé se développe et contribue au renforcement non seulement de la capacité informatique nationale, mais aussi européenne.

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