Question de M. OSTERMANN Joseph (Bas-Rhin - RPR) publiée le 07/05/1992
M. Joseph Ostermann attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères, sur la gravité de la situation qui risque de se créer au sein du Conseil de l'Europe par suite de l'action négative des services du ministère dont il a la charge à propos de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, alors que ce texte a fait l'objet de longues négociations au sein d'un comité d'experts nommés par les gouvernements des Etats membres, dont le nôtre. De leur avis, ce texte constitue un instrument utile pour répondre aux aspirations des communautés linguistiques dans nos pays. Il s'agirait de faire en sorte que ce texte devienne une convention comparable à la Convention européenne des droits de l'homme offrant ainsi des garanties juridiques aux langues concernées dans les Etats qui l'auront signée. Or, il semblerait que les services du ministère des affaires étrangères chercheraient à imposer à l'ensemble de l'Europe démocratique un point de vue complètement à l'opposé des principes présentés ci-dessus, et notamment refuseraient l'adoption de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sous forme d'une convention. Il lui demande de bien vouloir lui donner des explications quant à cette attitude et sur ses intentions en ce domaine.
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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 02/07/1992
Réponse. - Comme le sait l'honorable parlementaire, le Gouvernement français s'est depuis plusieurs années préoccupé du développement de l'emploi des langues régionales ou minoritaires, il est ainsi possible d'apprendre des langues régionales à l'école, au collège, au lycée et à l'université. Pour ce qui concerne les média, la chaîne publique FR 3 diffuse des émissions en langue régionale et de nombreuses radios locales en langue régionale existent. Nombre de dispositions du projet de Charte européenne sur les langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe qui a pour but principal la promotion et la protection des langues régionales sont donc d'ores et déjà applicables et appliqués en France sans qu'aucune modification de notre législation soit nécessaire. Le projet qui est soumis aux Etats membres du Conseil de l'Europe pose toutefois à la France des difficultés sérieuses sur plusieurs points importants. Cette charte contient en effet des dispositions incompatibles avec nos principes constitutionnels, tels que l'égalité des citoyens devant la loi, et contraires à notre législation pour ce qui concerne l'emploi des langues régionales dans les services publics et dans la vie économique et sociale. En particulier l'emploi des langues régionales dans les organes juridictionnels serait en opposition avec le principe de l'utilisation de la langue française par les juridictions (ordonnance d'août 1539, dite de Villers-Cotterets). Les dispositions de la charte relative à l'emploi des langues régionales dans les contrats de travail se heurtent au code du travail (art. L. 121.1) qui exclut même l'emploi d'un terme étranger. Enfin, l'utilisation de langues régionales par les établissements publics ou privés chargés de soigner les personnes qu'ils accueillent ou bien dans les informations destinées aux médicaments paraît difficile à exiger. Ces mesures ainsi que d'autres (traductions de débats, formalités dans le cadre de procédures judiciaires) entraîneraient une augmentation du prix des services, les rendant moins accessibles alors même qu'un des buts de la charte est de faciliter l'accès de ces services. En outre, la protection des langues régionales peut difficilement faire l'objet d'une réglementation uniforme et détaillée : aux situations diverses qui sont celles des vingt-sept Etats membres du Conseil de l'Europe doivent correspondre des solutions adaptées au territoire auquel elles s'appliquent. Ce sont ces arguments que les représentants de la France ont défendus au comité intergouvernemental d'experts qui a examiné le projet de charte, sans pouvoir faire prévaloir leurs vues aux cours de négociations très longues, comme le souligne l'honorable parlementaire. Cette situation a amené le Gouvernement français après une concertation interministérielle approfondie à exprimer le souhait que le texte prenne la forme d'une recommandation. Si la charte devait revêtir, la forme d'une convention, la France ne s'opposera pas à l'ouverture à la signature de cette convention. Les Etats du Conseil de l'Europe qui le souhaitent pourront donc contracter une telle obligation. Notre pays, quant à lui, n'envisage pas pour le moment de signer ce texte.
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