Question de M. de CUTTOLI Charles (Français établis hors de France - RPR) publiée le 26/09/1991
M. Charles de Cuttoli s'étonne auprès de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de ne pas avoir encore reçu de réponse à sa question écrite n° 16358 (Journal officiel, Sénat, Débats parlementaires, questions du 18 juillet 1991). Il attire à nouveau son attention sur les dispositions des articles 154 et 155 du code de la nationalité française et de l'article 1er de la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966. Il lui expose que, pour déterminer si une personne née en Algérie avant l'indépendance de ce pays a conservé ou non la nationalité française, les dispositions précitées distinguent selon que l'intéressé relevait du statut civil de droit commun ou du statut civil de droit local. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître selon quelles modalités peut être prouvée l'appartenance de l'intéressé ou de ses ascendants au statut civil de droit commun. Il lui demande notamment si la preuve de la naissance en France métropolitaine d'un ascendant, à quelque degré que ce soit, suffit à rapporter la preuve de cette appartenance. Il lui demande également si l'attribution de la qualité de citoyen français par décision des tribunaux ou juges de paix ou par décret, lorsque copie de ces décisions ou décrets peut être produite, suffit également à rapporter la preuve de cette appartenance ; dans l'affirmative, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître si ces décisions ou décrets sont conservés dans des archives publiques, susceptibles d'être consultées en France. Il lui demande, en conséquence, de bien vouloir lui faire connaître sa réponse.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 24/10/1991
Réponse. - Les conséquences en matière de nationalité de l'accession à l'indépendance de l'Algérie sont actuellement régies par les dispositions des articles 154 et 155 du code de la nationalité et par les articles 1er et 6 de la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966. Il résulte notamment de l'article 154 que " les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ". Le statut civil correspond à l'ensemble des règles de droit privé régissant la personne (état civil, mariage, divorce, filiation). Le statut civil de droit commun est celui qui est organisé par le code civil. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 a confirmé l'attribution de la nationalité française à toutes les personnes originaires d'Algérie. Selon la définition de cette notion par la Cour de cassation (Cass. req., 22 mai 1905 - Penault 1905, p. 295), la qualité d'originaire est conférée à la personne qui, par elle-même ou ses ascendants, est devenue française par le fait du rattachement à la France d'un territoire sur lequel elle était alors fixée. Cette qualité se transmet donc par filiation. L'article 1er, alinéa 1er, de ce texte précise toutefois que " l'indigène musulman continuera à être régi par la loi musulmane ". Cette disposition institue une exception expresse au principe selon lequel tout Français est régi par le statut civil de droit commun. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 prévoyait que les indigènes musulmans pouvaient, sur leur demande, être admis à jouir des droits de citoyen et que dans ce cas ils étaient régis par des lois civiles et politiques de la France, c'est-à-dire par le statut civil de droit commun. Des textes postérieurs ont multiplié les cas de recevabilité des demandes d'admission aux droits de citoyen et ont organisé soit une procédure administrative par décret, soit une procédure judiciaire par jugement (lois des 4 février 1919 et du 18 août 1929). Depuis l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946, la procédure a été celle du jugement constatant la renonciation au statut personnel. En conséquence, la preuve de l'appartenance au statut civil de droit commun ne peut résulter, à l'égard des personnes originaires d'Algérie, que d'un jugement ou d'un décret pris dans les conditions précitées, les concernant ou concernant leurs ascendants. Les décisions des tribunaux n'ont pas fait l'objet de mesures particulières tendant à leur conservation. Il appartient aux personnes qui s'en prévalent d'en produire les expéditions. En revanche, les décrets ont été régulièrement publiés et la preuve peut en être aisément rapportée. A défaut d'une telle preuve, l'appartenance au statut civil de droit local des personnes originaires d'Algérie doit être présumée. Il convient en particulier d'observer que l'établissement ou la naissance en France métropolitaine n'emportait pas abandon de leur statut civil de droit local pour les personnes concernées.
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