Question de M. GINÉSY Charles (Alpes-Maritimes - RPR) publiée le 15/03/1990
M. Charles Ginesy s'inquiète auprès de M. le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'intérieur, chargé des collectivités territoriales, sur l'importance prise par le pouvoir réglementaire dans l'application des lois de décentralisation aboutissant, selon un haut fonctionnaire départemental, " à un arsenal de textes, qui peuvent constituer autant d'entraves à la liberté d'action des collectivités territoriales dès lors que s'applique un contrôle rigoureux de légalité qui fait du préfet, non plus le grand commis des années soixante mais une sorte de sentinelle avancée des bureaux parisiens ". En effet, lorsque le préfet s'adresse à l'autorité territoriale sur une de ces décisions, il entame une opération de négociation, voire de marchandage qui se substitue, dans la pratique à l'action juridictionnelle. Il est indéniable que ce rallongement du " dialogue " déséquilibré provoque la précarité de certaines situations juridiques au détriment des collectivités locales concernées. De plus, il est laissé la possibilité au préfet de solliciter une interprétation plus rigoureuse des ministères mettant ainsi fin unilatéralement à une discussion dont les chances d'aboutir étaient voisines de zéro. De toute évidence, une telle attitude de l'autorité détentrice du contrôle de la légalité est de nature à favoriser une lassitude de l'autorité locale qui souhaite se débarrasser des soucis de procédure. Ceci implique que le préfet va au-delà de sa mission de contrôleur et redevient, comme cela était le cas avant l'adoption des lois sur la décentralisation, un administrateur, " une sentinelle avancée des administrations centrales ". Il lui demande donc de bien vouloir procéder à un réexamen de certaines dispositions des lois sur la décentralisation qui ont provoqué un abandon momentané, par le législateur au pouvoir réglementaire, des contours de la légalité. Une position négativiste serait l'expression d'un net recul dans le mouvement de décentralisation qu'a connu la France depuis le début des années 1980.
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Réponse du ministère : Collectivités territoriales publiée le 31/05/1990
Réponse. - La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions a supprimé toutes les tutelles qui entravaient la gestion des collectivités locales et a confié au représentant de l'Etat dans le département ou dans la région, conformément à l'article 72 de la Constitution, l'exercice du contrôle a posteriori sur les actes des collectivités territoriales. Le préfet tient donc ses pouvoirs en matière de contrôle administratif de la Constitution et de la loi sans intervention du pouvoir réglementaire. Contrepartie de la liberté d'administration reconnue aux collectivités locales, le contrôle de la légalité de leurs actes constitue une garantie essentielle dans un état de droit. Pas plus que les autres personnes morales ou physiques, les collectivités locales ne sauraient s'affranchir de la règle de droit. Elément déterminant du bon fonctionnement de nos institutions locales, le contrôle de leurs actes doit, en effet, s'exercer réellement tout en évitant de devenir une tutelle paralysante. Les dernières statistiques connues couvrant l'année 1988 montrent que sur 4 600 000 actes transmis aux préfectures, 1 765 recours ont été déposés par les préfets devant la juridiction administrative. Le faible nombre des recours témoigne du bon fonctionnement de la procédure d'information préalable de l'autorité locale avant toute saisine du juge administratif, conformément aux indications données par la circulaire du 22 juillet 1982. Cette procédure de concertation, qui constitue un élément essentiel de la prévention du contentieux en ce domaine, est systématiquement mise en oeuvre : elle a donné lieu entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1988 à près de 113 000 observations sur la légalité des actes. Le nombre élevé de désistements de la part des préfets par rapport au nombre des recours (406 désistements sur 1 765 recours) atteste que la saisine du juge ne met pas fin à la procédure de concertation qui se poursuit pendant l'instruction du recours. En effet, dans la majorité des cas, les préfets se sont désistés après réformation ou retrait de l'acte entaché d'illégalité. Ainsi le contrôle administratif exercé par les préfets sur les actes des collectivités locales n'est ni tatillon ni paralysant. Il permet l'ouverture d'un dialogue avec l'autorité locale. Le recours systématique à la juridiction administrative, sans concertation préalable, dès lors qu'un acte se trouve entaché d'illégalité, entraînerait une paralysie de l'activité locale dans la mesure où la longueur de la procédure ne permettrait pas une censure rapide de l'illégalité.
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