Question de M. CHINAUD Roger (Paris - U.R.E.I.) publiée le 07/09/1989
M. Roger Chinaud s'étonne auprès de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, de la non-publication du rapport d'enquête de la Commission des opérations de bourse sur le marché des actions de la Société générale. Il rappelle que la commission sénatoriale de contrôle de l'action des organismes publics ayant trait à des opérations financières portant sur le capital des sociétés privatisées a formulé explicitement le voeu que le Gouvernement, fort de l'heureux précédent créé lors de l'affaire " Triangle-Pechiney ", rende public le rapport d'enquête de la Commission des opérations de bourse sur l'affaire " Société générale ". Il demande à M. le ministre d'Etat s'il ne lui apparaît pas indispensable à la transparence et à l'honnêteté de l'information ainsi qu'à la renommée de notre place financière que ce rapport soit connu de tous. Il l'interroge sur les obstacles juridiques nouveaux qui pourraient s'opposer à une telle publication, sachant que la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989 ne fait que rappeler une jurisprudence traditionnelle en matière de droit de la défense (voir notamment décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975). A défaut de publication, il demande à M. le ministre d'Etat que le rapport d'enquête soit transmis aux instances appropriées du Sénat, afin notamment que les dispositions de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, particulièrement les dixième et onzième alinéas de son article 6, puissent, le cas échéant, être mises en oeuvre.
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Réponse du ministère : Économie publiée le 28/12/1989
Réponse. - Le souhait de transparence, d'honnêteté de l'information et de renommée de notre place financière exprimé par l'honorable parlementaire est partagé par le Gouvernement, le législateur, qui vient de le confirmer en adoptant la loi du 2 août 1989, et la Commission des opérations de bourse. Il est exact que la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989 ne fait que rappeler une jurisprudence traditionnelle en matière de droits de la défense, qui n'interfère pas avec la question de la publication des rapports d'enquête de la C.O.B. Mais la transparence de l'information trouve sa limite dans l'obligation de secret sanctionnée par l'article 378 du code pénal. Cette obligation est absolue et ne pourrait pas être suspendue dans la solution subsidiaire évoquée par l'honorable parlementaire, consistant à transmettre directement ce dossier au Sénat. Au demeurant, le collège de la C.O.B. a décidé de transmettre son rapport au procureur de la République qui a demandé une enquête préliminaire. Dès lors, conformément au principe de séparation des pouvoirs et à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, ce rapport ne peut être transmis à la commission sénatoriale citée par l'honorable parlementaire. Certes, dans le cas de l'enquête relative à la transaction entre Pechiney et Triangle, le ministre de l'économie et des finances, à qui le commissaire du Gouvernement avait remis le rapport d'enquête de la C.O.B., a décidé de publier ce rapport. Cette publication, qui était sans précédent, était rendue nécessaire par les circonstances exceptionnelles de l'enquête, c'est-à-dire par l'extrême gravité d'affirmations, répandues sur le fondement de rumeurs, qui prétendaient que la C.O.B. serait incapable d'établir la vérité ou même chercherait à la dissimuler. Le crédit abusivement accordé à ces soupçons, la préoccupation exprimée par d'honorables parlementaires rendaient nécessaire la publication du rapport d'enquête. Chacun a pu apprécier sa rigueur. Cette décision exceptionnelle ne saurait constituer un précédent. Nul ne met en doute que le rapport relatif à la Société générale présente la même qualité de rigueur. Rien ne justifiait donc une dérogation à la règle traditionnelle de non-publication, qui fut strictement appliquée aux autres rapports d'enquêtes établis après le rapport relatif à Pechiney (Béghin-Say, L.V.M.H., pertes de la Chambre syndicale des agents de change). Au demeurant, si le ministre de l'économie, des finances et du budget conservait le 31 juillet la possibilité juridique de publier un rapport, puisque le commissaire du Gouvernement était encore en fonctions, une telle initiative aurait été contraire au respect dû à l'intention du législateur et à l'esprit d'extrême prudence avec lequel il convient d'appliquer les dispositions législatives destinées à être abrogées, dans l'intervalle qui sépare le vote d'une loi de sa p romulgation (en l'occurrence les 1er juillet et 2 août 1989). Il est rappelé à l'honorable parlementaire que c'est sur amendement parlementaire, accepté par le Gouvernement, que la loi du 2 août 1989 a supprimé le commissaire du Gouvernement auprès de la C.O.B., afin de renforcer l'indépendance de cette autorité administrative.
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