Question de M. CHAMBRIARD Jean-Paul (Haute-Loire - U.R.E.I.) publiée le 22/06/1989
M. Jean-Paul Chambriard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les réformes qu'il faudrait mettre en oeuvre pour protéger l'intérêt des actionnaires minoritaires, lorsque certaines sociétés procèdent à des dispositions d'actifs contraires aux intérêts de ceux-ci. Est-il normal qu'à l'initiative d'actionnaires majoritaires, détenant à peine 51 p. 100 du capital social, une société d'importance nationale dispose de l'essentiel de ses actifs sans consulter préalablement ses actionnaires minoritaires en réunissant une assemblée générale extraordinaire. Les lacunes de notre droit en cette matière favorisent dans nos entreprises une politique du fait accompli qui viole les droits reconnus aux actionnaires. Un petit nombre de personnes détenant la majorité du capital abuse ainsi de son pouvoir et lèse les actionnaires minoritaires. Un tel système de droit ne peut remplir sa mission qui est la protection des droits et intérêts de chacun, surtout si on le compare à des législations plus protectrices pour les minoritaires, comme les droits allemand et américain. Il lui demande donc quelles dispositions législatives et réglementaires il entend mettre en oeuvre pour éviter que ce genre d'abus ne porte gravement atteinte aux intérêts des actionnaires minoritaires.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 31/08/1989
Réponse. - Le fonctionnement des sociétés commerciales de capitaux repose non sur le principe de l'unanimité, mais sur le principe de la majorité. Il en résulte qu'une majorité d'actionnaires peut prendre toutes décisions intéressant la vie de la société, tels des actes de disposition d'actifs, contre la volonté des actionnaires minoritaires. Ces décisions, prises dans les limites et aux conditions prévues par la loi et les statuts, ne s'imposeront pas moins à ceux-ci. La loi apporte cependant elle-même quelques tempéraments à ce principe de la majorité. Ainsi, l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 permet à des actionnaires représentant au moins le dixième du capital social de demander en justice la désignation d'un expert chargé de présenter un rapport sur " une ou plusieurs opérations de gestion ". En outre, les actionnaires minoritaires peuvent obtenir des tribunaux l'annulation des délibérations d'une assemblée générale qui seraient constitutives d'un abus de majorité. S'agissant plus particulièrement d'actes de dispositions portant sur les actifs d'une société, il convient d'observer que de tels actes doivent dans certains cas donner lieu à une décision prise à une majorité qualifiée d'actionnaires et à la réunion d'une assemblée générale extraordinaire. Celle-ci est de nature, plus qu'une assemblée générale ordinaire, à garantir les intérêts des actionnaires minoritaires puisque les décisions y sont prises à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés. C'est ainsi que, si les actes en cause entraînent une modification de l'objet social, il doit être procédé par une assemblée générale extraordinaire à la modification des statuts qui en résulte. En outre, si la société fait apport d'une partie de ses actifs à une autre société et reçoit en contrepartie des titres émis par celle-ci, cette opération peut être soumise à la procédure de scission et doit dès lors être approuvée par l'assemblée générale extraordinaire.
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