Question de M. PONTILLON Robert (Hauts-de-Seine - SOC) publiée le 22/12/1988
M. Robert Pontillon s'étonne de ne pas avoir obtenu de réponse à sa question écrite n° 95 du 2 juin 1988 dans laquelle il attirait l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères, sur le fait qu'un certain nombre de conventions européennes élaborées dans le cadre du Conseil de l'Europe n'ont pas à ce jour été ratifiées ou signées par la France. A titre d'exemple, la convention européenne pour le règlement pacifique des différends, la convention sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, la convention sur le contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes à feu par des particuliers, la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe. L'accord sur le transfert de responsabilité à l'égard des réfugiés, la convention relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes, n'ont pas été ratifiées par notre pays. Il lui demande donc à nouveau de bien vouloir lui indiquer quelles dispositions pourraient être prises pour remédier à cette situation, et si le Gouvernement envisage de présenter périodiquement au Parlement, comme le font le Conseil fédéral suisse ou le Gouvernement fédéral allemand, des rapports sur les conventions du Conseil de l'Europe.
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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 16/03/1989
Réponse. - Les motifs pour lesquels n'ont pas été ratifiées ou signées par la France les conventions européennes citées par l'honorable parlementaire sont des motifs particuliers à chacune d'entre elles : 1° la convention européenne pour le règlement pacifique des différends du 29 avril 1957 a pour objet de soumettre à la Cour internationale de justice les différends juridiques relevant du droit international, tandis que les parties II et III de la convention, dont l'acceptation est facultative, organisent des procédures de conciliation et d'arbitrage pour tous les autres différends, de nature non juridique. Bien que la France ait signé la convention de 1957, elle n'y est jamais devenue partie : d'une part, parce qu'elle ne peut envisager de devenir partie à un accord qui rendrait obligatoire la juridiction de la Cour internationale de justice pour les différends d'ordre juridique, règle qui risquerait d'introduire en effet une trop grande rigidité et de nuire à la recherche des solutions adaptées aux différentes situations concernées ; d'autre part, parce que cette acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de justice, jointe à l'adhésion éventuelle aux parties II et III de la convention, obligerait la France à réexaminer complètement le réseau de ses accords bilatéraux relatifs à la conciliation et à l'arbitrage ; 2° la convention européenne sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre du 25 janvier 1974 a été élaborée par un comité d'experts du Conseil de l'Europe à la suite de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies d'une convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre qui ne correspondrait pas aux préoccupations des Etats européens victimes du dernier conflit mondial. Le gouvernement français s'était montré favorable à l'initiative européenne et a signé cette convention dès son ouverture à la signature le 25 janvier 1974. Toutefois, la ratification de la convention présenterait deux inconvénients : d'une part, en ce qui concerne l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, la convention de 1974, dans la rédaction qui a été adoptée, est plus restrictive que le droit français. Elle ne s'applique en effet qu'aux infractions qui ne sont pas déjà prescrites à la date de son entrée en vigueur. Or, en droit français, c'est au contraire le principe de l'imprescriptibilité par nature - et donc rétroactive - qui a été affirmé, ce qui permet de poursuivre les criminels contre l'humanité, quelle que soit la date à laquelle leurs crimes ont été commis. Ce principe, inscrit dans la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, a été consacré par plusieurs décisions judiciaires (arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 20 juillet 1979 dans l'affaire Touvier, celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 21 octobre 1982dans l'affaire Legay et celui de la même chambre du 26 janvier 1984 dans l'affaire Klaus Barbie). D'autre part, en ce qui concerne l'imprescriptibilité des crimes de guerre, la convention de 1974 irait au contraire au-delà de notre droit interne, puisque la loi précitée du 26 décembre 1964 ne semble pas couvrir les crimes de guerre, tels que définis par la charte du tribunal de Nuremberg ; 3° la convention européenne sur le contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes à feu par des particuliers, faite à Strasbourg le 28 juin 1978, prévoit des procédures qui ne correspondent pas à la législation française, notamment en matière de classement des armes. Des études ont été entreprises depuis plusieurs années par les différents départements ministériels français intéressés, pour parvenir à une meilleure classification des armes à feu. Ces travaux ont été relancés pour le projet d'harmonisation des législations, élaboré dans le cadre de l'accord de Schengen, qui s'inspire des dispositions de la convention du 28 juin 1978. C'est en fonction de l'issue de ces travaux que pourra être réexaminée la question de la signature éventuelle de la convention du Conseil de l'Europe ; 4° la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, dite convention de Berne, est étroitement liée à deux autres textes - la convention dite de Bonn de 1979 et des amendements à la convention de Washington de 1973 qui concernent également la protection de la nature et que le Gouvernement prévoit de présenter simultanément au Parlement. Diverses questions soulevées tant du fait de la réglementation française existante que par les fédérations françaises de chasseurs ont nécessité cependant un examen prolongé. Ces textes sont actuellement à l'étude au Conseil d'Etat et les projets de loi visant à autoriser leur ratification devraient pouvoir être présentés au Parlement au cours de la prochaine session ; 5° la convention européenne de 1980 sur le transfert de la responsabilité à l'égard des réfugiés a bien été élaborée avec la participation de la France, qui adhère aux objectifs généraux de cet accord et souscrit aux principes qu'il énonce pour le transfert de responsabilités du premier Etat d'accueil au second Etat de séjour du réfugié lorsque cet Etat est expressément favorable à cet accueil. Toutefois, la portée exacte de certaines dispositions de cet accord ne paraît pas suffisamment précise dans son texte même. En outre, cet accord a pour objet principal de préciser l'interprétation de l'article 28 de la convention de Genève sur le statut des réfugiés, eu égard notamment à la notion d'établissement régulier d'un étranger sur le territoire d'un Etat partie. Or cet article ne suscite pas de difficultés particulières d'application en ce qui concerne la France. La signature de l'accord en question n'est donc pas, d'un point de vue juridique, rigoureusement indispensable ; 6° pour ce qui est de la convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes, la loi autorisant son approbation a été votée au cours de la dernière session parlementaire. Les instruments d'approbation seront prochainement déposés. Le Gouvernement ne manquera pas d'étudier la suggestion de l'honorable parlementaire concernant la présentation périodique d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les conventions du Conseil de l'Europe dans l'intérêt d'une meilleure information de la représentation nationale. ; législation française, notamment en matière de classement des armes. Des études ont été entreprises depuis plusieurs années par les différents départements ministériels français intéressés, pour parvenir à une meilleure classification des armes à feu. Ces travaux ont été relancés pour le projet d'harmonisation des législations, élaboré dans le cadre de l'accord de Schengen, qui s'inspire des dispositions de la convention du 28 juin 1978. C'est en fonction de l'issue de ces travaux que pourra être réexaminée la question de la signature éventuelle de la convention du Conseil de l'Europe ; 4° la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, dite convention de Berne, est étroitement liée à deux autres textes - la convention dite de Bonn de 1979 et des amendements à la convention de Washington de 1973 qui concernent également la protection de la nature et que le Gouvernement prévoit de présenter simultanément au Parlement. Diverses questions soulevées tant du fait de la réglementation française existante que par les fédérations françaises de chasseurs ont nécessité cependant un examen prolongé. Ces textes sont actuellement à l'étude au Conseil d'Etat et les projets de loi visant à autoriser leur ratification devraient pouvoir être présentés au Parlement au cours de la prochaine session ; 5° la convention européenne de 1980 sur le transfert de la responsabilité à l'égard des réfugiés a bien été élaborée avec la participation de la France, qui adhère aux objectifs généraux de cet accord et souscrit aux principes qu'il énonce pour le transfert de responsabilités du premier Etat d'accueil au second Etat de séjour du réfugié lorsque cet Etat est expressément favorable à cet accueil. Toutefois, la portée exacte de certaines dispositions de cet accord ne paraît pas suffisamment précise dans son texte même. En outre, cet accord a pour objet principal de préciser l'interprétation de l'article 28 de la convention de Genève sur le statut des réfugiés, eu égard notamment à la notion d'établissement régulier d'un étranger sur le territoire d'un Etat partie. Or cet article ne suscite pas de difficultés particulières d'application en ce qui concerne la France. La signature de l'accord en question n'est donc pas, d'un point de vue juridique, rigoureusement indispensable ; 6° pour ce qui est de la convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes, la loi autorisant son approbation a été votée au cours de la dernière session parlementaire. Les instruments d'approbation seront prochainement déposés. Le Gouvernement ne manquera pas d'étudier la suggestion de l'honorable parlementaire concernant la présentation périodique d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les conventions du Conseil de l'Europe dans l'intérêt d'une meilleure information de la représentation nationale.
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