Question de M. LONGEQUEUE Louis (Haute-Vienne - SOC) publiée le 08/10/1987
M.Louis Longequeue expose à M. le ministre de la culture et de la communication que la Bibliothèque nationale, après avoir acquis la propriété des inédits de Marcel Proust, a passé avec une maison d'édition parisienne un contrat lui accordant l'exclusivité en ce qui concerne la reproduction de ces textes. Des spécialistes travaillant pour le compte d'une autre maison d'édition ont reçu une lettre de la Bibliothèque nationale leur enjoignant de limiter leur citation des inédits aux quinze lignes correspondant au droit légal de citation. Devant cette situation, on peut se demander s'il entre dans le cadre de la mission d'un organisme public de passer un contrat d'exclusivité avec un partenaire commercial. Il lui demande quel est son sentiment sur cette question.
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Réponse du ministère : Culture publiée le 14/01/1988
Réponse. -Lorsque certaines oeuvres d'un auteur décédé n'ont pas été publiées, l'intérêt général commande que l'on s'efforce de stimuler leur publication. Il est peu probable qu'un éditeur prenne le risque d'assumer les frais de la publication s'il n'est pas assuré d'une protection contre une menace de concurrence. C'est pourquoi le législateur a aménagé des droits inhérents à la divulgation posthume. L'article 23 de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique crée un monopole d'exploitation d'une durée de cinquante ans à compter de la publication de l'oeuvre, d'une part, au profit des ayants droit de l'auteur si l'oeuvre est publiée dans les cinquante ans qui suivent le décès de l'auteur, et, d'autre part, au profit du propriétaire, par succession ou à d'autres titres, de l'oeuvre (c'est-à-dire de l'objet matériel support de l'oeuvre) qui effectue ou fait effectuer la publication. Le droit reconnu au publicateur connaît deux limites : 1° les héritiers de l'auteur peuvent s'opposer à la divulgation de l'oeuvre ; 2° l'oeuvre inédite doit faire l'objet d'une publication séparée. Par ailleurs, les seules exceptions au monopole d'exploitation ainsi reconnu aux ayants droit de l'auteur ou au propriétaire de l'oeuvre inédite sont celles qui sont prévues à l'article 41 de la loi du 11 mars 1957, laquelle prévoit notamment que ne peuvent être interdites " les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées ". C'est en application de la loi du 11 mars 1957 que la Bibliothèque nationale, propriétaire d'inédits de Marcel Proust et, à ce titre, titulaire des droits inhérents à la publication posthume, a passé un contrat avec une maison d'édition parisienne. Il est en effet établi que l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales peuvent se prévaloir de cette législation at que les droits ainsi reconnus sont opposables aux tiers. Il est par ailleurs tout à fait courant pour un établissement public de travailler avec des partenaires commerciaux. L'exclusivité, quant à elle, est la condition même de la publication et donc de la diffusion la plus large de l'oeuvre. Cette application de l'article 23 correspond pleinement aux missions de conservation, d'exploitation et de promotion du patrimoine culturel des bibliothèques qui sont à divers titres détentrices d'inédits. Cette politique dynamique de valorisation de ses fonds permet à la Bibliothèque nationale de porter à la connaissance du public des oeuvres qui risquaient de demeurer inconnues, tout en contrôlant la valeur scientifique des publications et en garantissant le respect des oeuvres.
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