Question de M. CHARASSE Michel (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 09/10/1986

M. Michel Charasse rappelle à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, que la loi de finances pour 1986, votée à l'automne 1985 par l'ancienne majorité sur proposition du précédent gouvernement, a prévu la mise en oeuvre d'un système de surcompensation entre certains régimes sociaux ayant conduit à transférer, de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (C.N.R.A.C.L.) au budget de l'Etat, une somme de 4 milliards de francs. Il lui fait observer que cette mesure, qui a absorbé la totalité des réserves de la caisse, a été très vivement critiquée et combattue, à l'époque, par l'opposition devenue aujourd'hui la majorité parlementaire et qui est désormais responsable de la conduite de la politique économique et sociale quotidienne. Lorsque le précédent gouvernement a présenté cette mesure, l'opposition avait indiqué qu'elle placerait la C.N.R.A.C.L. dans une situation financière difficile puisque la structure démographique du régime ne lui permettait pas, une fois absorbés les 4 milliards de francs en cause, de faire face, sans majoration des cotisations, aux obligations de la caisse non seulement en matière de pensions et de retraites, mais aussi pour assurer la compensation et la surcompensation auxquelles la caisse participe. L'opposition s'était donc prononcé clairement contre cette mesure, et elle avait promis à l'époque de revenir dessus au plus vite si elle accédait aux responsabilités de la gestion des affaires publiques. Or cette mesure de surcompensation si vigoureusement condamnée par l'opposition n'a pas été remise en cause par la nouvelle majorité en 1986, malgré l'importance des plus-values fiscales de l'exercice qui permettent de couvrir largement les 4 milliards en cause sans modifier ni aggraver le déficit du budget de l'Etat. Ainsi, en 1986, comme l'avait voulu le précédent gouvernement et comme l'avait vivement contesté l'opposition, lebudget de l'Etat restera bénéficiaire d'une somme de 4 milliards de francs en provenance de la C.N.R.A.C.L. - que la nouvelle majorité et le nouveau gouvernement ont accepté d'encaisser sans mot dire. D'autre part, et alors que la mesure de surcompensation était annoncée comme susceptible de mettre gravement en péril l'équilibre de la C.N.R.A.C.L. si elle était maintenue en 1987, la loi de finances pour 1987 ne comporte aucune disposition à ce sujet. Or, si malgré la surcompensation de l'année 1986 la caisse a pu faire face à ses obligations sans rechercher d'autres ressources, il n'en sera pas de même en 1987 puisqu'elle devra trouver quelque 11 miliards de francs pour équilibrer ses comptes. Aussi, on laisse-t-on entendre qu'il faudra relever les cotisations des collectivités locales et des hôpitaux au-dessus de 20 p. 100 alors qu'elles dépassent à peine 10 p. 100. Les collectivités locales devront donc augmenter leur fiscalité locale de 6 à 7 p. 100 pour faire face à ces cotisations sociales supplémentaires et cette majoration aura plusieurs conséquences. En premier lieu, elle va directement à l'encontre de la politique officiellement affichée par le Gouvernement de poursuivre la réduction des prélèvements obligatoires ; en second lieu, elle aboutit à maintenir une mesure financière que la majorité considérait, lorsqu'elle était dans l'opposition voici un an, comme inique et scandaleuse, dont l'unique objet est de permettre au budget de l'Etat d'améliorer son équilibre en recevant des fonds en provenance de la C.N.R.A.C.L., et donc des impôts locaux directs votés et perçus par les collectivités locales ; pour alimenter directement le budget de l'Etat. Ainsi, l'Etat se donne-t-il le beau rôle en réduisant sa propre fiscalité et en obligeant les collectivités locales à lui apporter entre 7 et 10 milliards de francs au titre de la surcompensation qui, pour reprendre l'expression employée par un membre du gouvernement constitué au lendemain du 16 mars 1986, constitue un " hold-up " de l'Etat sur les finances locales. Cette augmentation de la fiscalité locale, outre qu'elle sera injustement reprochée aux élus locaux - alors qu'ils agiront en fait pour alimenter le budget de l'Etat -, aura des conséquences graves pour les familles modestes soumises à la taxe d'habitation et pour les entreprises, qui payent environ la moitié des impôts locaux au titre de la taxe professionnelle puisque la fiscalité supplémentaire qui sera réclamée pour alimenter le budget de l'Etat dans le cadre de la surcompensation va pratiquement annuler la mesure de réduction de 5 milliards de francs de la taxe professionnelle proposée par le Gouvernement dans la loi de finances pour 1987. Dans ces conditions, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître : 1° si, dès lors que le Gouvvernement a décidé de maintenir une mesure que l'opposition condamnait l'année dernière avec la plus grande énergie, il peut expliquer quelles sont aujourd'hui les vertus qu'il reconnaît à cette mesure de compensation pour l'avoir ainsi conservée intacte non seulement en 1986, mais également en 1987 ; 2° dans le cas ou elle serait aussi condamnable aujourd'hui qu'elle l'était voici un an, pour quels motifs le Gouvernement n'a-t-il pas proposé sa suppression au Parlement ; 3° puisque le maintien de la surcompensation en 1987 va entraîner une forte augmentation des impôts locaux, quelles mesures il compte prendre pour que les familles et les entreprises ne soient pas pénalisées ; 4° s'il estime logique et honnête que les collectivités locales soient obligées de voter des impôts supplémentaires pour alimenter le budget de l'Etat et s'il estime conforme aux règles de la démocratie que le Gouvernement et le Parlement rejettent la responsabilité de voter des impositions perçues, en fait, par l'Etat sur les conseils municipaux, généraux et régionaux, afin d'induire les citoyens en erreur quant à la réalité de la politique fiscale et des responsabilités respectives des uns et des autres ; 5° - enfin, s'il peut lui donner son opinion sur l'expression de " hold-up " employé - au sujet de la surcompensation par un membre du Gouvernement après le 16 mars 1986, fidèle d'ailleurs aux positions prises voici un an par les groupes politiques qui constituent l'actuelle majorité. S'il partage, en effet, le sentiment de son collègue qui a utilisé l'expression de " hold-up ", il conviendrait de mettre en oeuvre une procédure permettant de faire cesser le " recel ", qui est la contrepartie juridique de tout " hold-up " lorsque les biens volés ne sont pas restitués et sont abusivement conservés par un tiers . - Question transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.

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Réponse du ministère : Budget publiée le 19/02/1987

Réponse. -La loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 relative à la protection sociale commune à tous les Français a institué une compensation financière destinée à remédier aux déséquilibres démographiques entre les régimes d'assurance vieillesse des salariés et entre les régimes de salariés et de non-salariés. En adoptant, au titre des dispositions permanentes, l'article 78 de la loi de finances pour 1986 qui pose le principe d'une compensation complémentaire interne aux régimes spéciaux d'assurance vieillesse, le législateur a renforcé la solidarité entre les régimes de protection sociale dejà mis en place par la loi de 1974 précitée, en instaurant des flux financiers qui compensent les disparités de leurs rapports démographiques. Au demeurant, la compensation particulière aux régimes spéciaux constitue un dispositif de portée générale concernant l'ensemble des régimes spéciaux d'assurance vieillesse, y compris le régime des pensions de l'Etat, et non un mécanisme particulier applicable exclusivement au régime de retraite des agents des collectivités locales. Afin de réaliser la solidarité entre les régimes de protection sociale, ceux qui ont les rapports démographiques les plus favorables, par exemple la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (C.N.R.A.C.L.), participent au financement de ceux qui sont en difficulté pour des raisons démographiques. Cependant, si le rapport démographique de la C.N.R.A.C.L. est plus favorable que celui de la plupart des autres régimes spéciaux, force est de constater qu'il connaît depuis plusieurs années une détérioration sensible. Cette évolution parfaitement prévisible aurait dû conduire à adapter, en conséquence, le taux des cotisations. Or, le taux des cotisations employeur, qui avait été baissé de 18 à 10,2 p. 100 entre 1980 et 1984, a été maintenu, depuis lors, à peu près à ce niveau alors que l'Etat supporte pour ses agents, dont le régime de retraite est similaire à celui des agents des collectivités locales, l'équivalent d'une cotisation de 28 p. 100. Cette situation a permis aux collectivités locales et aux hôpitaux de réaliser une économie de 28 milliards de francs par rapport à ce qu'ils auraient payé si le taux de cotisation avait été maintenu au niveau atteint à la fin de 1979. Ce montant doit être rapproché du déficit prévisionnel de la C.N.R.A.C.L. pour 1987 qui est estimé actuellement à 9,5 milliards de francs et dont l'ampleur est imputable à la fois à une gestion laxiste du régime et à la réforme introduite par la loi de finances pour 1986. Le Gouvernement s'est naturellement préoccupé des conséquences de cette évolution pour les collectivités locales. L'état dans lequel il a trouvé les finances publiques et les comptes sociaux ne lui ayant pas permis de revenir sur le mécanisme de surcompensation mis en place, il a donc recherché des solutions tendant à lisser au maximum la hausse nécessairedes cotisations, afin d'éviter une incidence brutale sur les budgets locaux. Le léger relèvement de la cotisation salariée, réalisé le 1er août, complété par des mesures de trésorerie, permet d'étaler sur trois ans les hausses nécessaires et de limiter à cinq points, soit environ la moitié de ce qui était prévisible, l'augmentation des cotisations employeur au 1er janvier 1987. En outre, la C.N.R.A.C.L. sera autorisée à emprunter, aux meilleures conditions possible, auprès de la caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales afin de maintenir sa trésorerie à un niveau convenable. Les mesures adoptées par le Gouvernement permettront ainsi de limiter à moins de deux points, en moyenne, la répercussion théorique sur la fiscalité locale. Cependant, compte tenu, d'une part, de l'évolution très favorable des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales pour 1987 (la D.G.F., par exemple, progressera d'au moins 6,16 p. 100 en moyenne) et, d'autre part, des redéploiements susceptibles d'être réalisés sur les budgets locaux, cette charge devrait pouvoir être absorbée, dans la plupart des cas, sans hausse significative de la fiscalité directe locale. ; Gouvernement permettront ainsi de limiter à moins de deux points, en moyenne, la répercussion théorique sur la fiscalité locale. Cependant, compte tenu, d'une part, de l'évolution très favorable des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales pour 1987 (la D.G.F., par exemple, progressera d'au moins 6,16 p. 100 en moyenne) et, d'autre part, des redéploiements susceptibles d'être réalisés sur les budgets locaux, cette charge devrait pouvoir être absorbée, dans la plupart des cas, sans hausse significative de la fiscalité directe locale.

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