Question de M. COLLET François (Paris - RPR) publiée le 10/04/1986

M. François Collet appelle l'attention M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la circulaire CRIM 86 - 2 - F. 1 du 22 janvier 1986 qui tend à préciser les conditions d'application de la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 en ce qui concerne les perquisitions dans le cabinet ou le domicile des avocats. Alors que les débats parlementaires ont bien montré le souci du législateur de voir respecter la confidence dans les rapports qu'entretiennent les avocats avec leurs clients, la circulaire précitée confère au magistrat instructeur le privilège d'opérer lui-même le tri des pièces ou documents dont il désire prendre connaissance. De la sorte, ce magistrat examine la totalité du dossier avant que de distinguer ce qui n'est pas confidentiel, alors que le Sénat, notamment, avait insisté pour que ce tri fût opéré par le bâtonnier ou son représentant. De telles dispositions sont contraires à la tradition judiciaire française et rompent avec les règles énoncées par la Cour du Luxembourg comme avec les principes posés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme. Elles sont en contradiction avec les traités signés par la France comme avec la jurisprudence. Inquiet de l'impact de telles directives sur le monde judiciaire en pleine campagne électorale, le successeur du garde des sceaux responsable de cette atteinte aux libertés adressait au bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour de Paris une lettre rassurante, mais sans valeur normative. C'est pourquoi il demande que lui soit confirmé qu'il est bien dans les intentions du Gouvernement d'abroger sans délai la circulaire précitée.

- page 588


Réponse du ministère : Justice publiée le 17/07/1986

Réponse. -L'étude des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 30 décembre 1985 indique que le législateur, après l'avoir envisagé, a renoncé à introduire le principe selon lequel le bâtonnier seul prendrait connaissance des dossiers et ferait lui-même le partage entre les documents confidentiels et les autres. En réalité le nouvel article 56-1 du code de procédure pénale ne précise pas davantage que ne le faisait l'article C.105 du même code les voies et moyens assurant, lors des perquisitions chez un avocat, le respect nécessaire du secret professionnel et des droits de la défense. Il se borne à préciser, comme le texte ancien dont les principes ont désormais valeur législative, que de telles perquisitions ne doivent avoir lieu qu'en présence du bâtonnier. Bien qu'elle n'ait pas été reprise par la loi nouvelle, la formule de l'article C.105 du code de procédure pénale selon laquelle " les droits de la défense seraient violés si l'autorité judiciaire venait à prendre connaissance de documents confiés par des inculpés à leurs conseils " conserve toute sa valeur. Aucune disposition récente ne fait davantage obstacle à ce que les traditions existant dans de nombreuses juridictions soient maintenues ni même à ce que des usages nouveaux soient définis entre les magistrats et les autorités compétentes de l'ordre, aux fins, d'une part, d'assurer une meilleure information du bâtonnier ou de son représentant sur l'objet même de la mesure d'instruction décidée et, d'autre part, de lui permettre de donner son avis sur la confidentialité éventuelle du document recherché. J'ajoute qu'il reviendra aux tribunaux d'apprécier si l'article 56-1 nouveau du code de procédure pénale a remis en cause les droits de visite reconnus par des lois spéciales aux agents des douanes et du fisc pour rechercher certaines infractions. En revanche, la place de l'article 56-1 dans le code de procédure pénale (Titre II. - Des enquêtes et contrôles d'identité. Chapitre 1er. - Des crimes et délits flagrants) ainsi que la lettre même de ce texte ne permet pas d'affirmer que " les perquisitions chez un avocat doivent être réservées à un juge d'instruction ". Mais il va de soi, bien entendu, que les usages en cours doivent être maintenus. La circulaire adressée aux juridictions le 25 juin a notamment pour objet, sur ces points, d'apporter au texte critiqué les précisions nécessaires.

- page 1012

Page mise à jour le