"L’accord signé il y a près de trois ans n’est toujours pas mis en œuvre : le rachat des Chantiers de l’Atlantique par Fincantieri, qui peine à convaincre, est aujourd’hui enlisé. Il est temps que le Gouvernement en prenne acte, et s’attelle dès maintenant à construire un projet d’avenir : nous avons mis en lumière des alternatives intéressantes", a affirmé la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, lors de la présentation de son rapport ce mercredi 28 octobre 2020.
Fruit de travaux lancés au début de l’année, le rapport adopté par la commission revient sur l’opération de rachat de l’entreprise de construction navale de Saint-Nazaire par le groupe italien Fincantieri. Décidée en 2017 dans le cadre de la faillite de la maison-mère sud-coréenne des Chantiers, la vente de la majorité du capital à Fincantieri, qui devait intervenir en 2020 après autorisation de la Commission européenne, se trouve désormais au point mort. Après avoir été prolongé déjà trois fois, l’accord de cession sera caduc au 31 octobre 2020, sauf nouvelle extension du délai.
"Nos auditions et déplacements, au plus près des salariés des Chantiers, des entreprises locales, mais aussi nos rencontres avec des experts du secteur et des représentants des compagnies de croisière, nous ont convaincus que la cession envisagée présente des risques avérés pour les savoir-faire, la souveraineté et l’emploi français." En particulier, le rapport soulève les risques de transfert de savoir faire vers la Chine, Fincantieri étant engagé dans un partenariat approfondi avec le géant public chinois de la construction navale. Seuls les chantiers européens sont pour l’instant capables de construire les grands paquebots emblématiques de Saint-Nazaire.
La présidente Primas a également exposé les inquiétudes relatives à la pérennité du tissu économique local, le constructeur italien comptant déjà de nombreux sites de production dans le monde et s’appuyant sur son propre réseau de fournisseurs. "Bien que l’État se soit efforcé de renégocier les conditions de la vente pour instaurer certains garde-fous, force est de constater que les garanties apparaissent insuffisantes. L’expérience des dossiers Alstom-GE ou Technip-FMC nous a montré que le Gouvernement n’est souvent pas en mesure de faire respecter les engagements pris par l’acquéreur. Rien n’assure que la volonté politique sera là."
Les sénateurs rappellent en outre que les activités des Chantiers de l’Atlantique sont un maillon de la souveraineté militaire, s’agissant d’une compétence nécessaire à la production de grands navires militaires comme le porte avions de nouvelle génération. "Après Aéroports de Paris, après Alstom, la France va-t-elle brader cet actif unique, pour un montant non défini, que nous estimons inférieur à 60 millions d’euros ?", s’est interrogée la présidente Sophie Primas.
Alors que la cession est actuellement bloquée en l’attente de la décision européenne, la commission des affaires économiques appelle le Gouvernement à prendre acte de ces carences pour "éviter l’erreur stratégique" et à réfléchir dès aujourd’hui à un nouveau projet de reprise pour les Chantiers de l’Atlantique, afin de "construire l’avenir".
Elle identifie enfin trois lignes fortes pour un tel projet : d’abord, la participation d’un partenaire privé de long terme, porteur d’un véritable projet industriel pour le site de Saint-Nazaire et aux complémentarités avérées ; ensuite, le maintien d’une présence publique au capital qui reflète les enjeux de souveraineté ; enfin, un renforcement de l’association des collectivités locales et des entreprises locales au capital des Chantiers, dans un esprit de capitalisme territorial cohérent avec l’ancrage local de l’entreprise.
Le rapport "Le projet de cession des Chantiers de l’Atlantique : Éviter l’erreur stratégique, construire l’avenir" de la commission des affaires économiques, la synthèse et l’infographie sont disponibles en ligne à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/commission/affaires_economiques/index.html
La commission des affaires économiques est présidée par Mme Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines). |
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Philippe PÉJO
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