Après huit mois d’auditions et de déplacements, le groupe de travail pluraliste [1] de la commission des lois du Sénat sur l’amélioration de l’efficacité des fiches S a rendu publiques ses conclusions.
Le président Philippe Bas (Les Républicains – Manche) a souligné que : "à la suite des attentats de Trèbes et du quartier de l’Opéra à Paris, nous avons souhaité créer un groupe de travail pour éclairer la commission sur le fonctionnement des fiches S. Le tragique attentat qui a frappé Strasbourg le 11 décembre 2018 et coûté la vie à cinq personnes nous rappelle une fois encore l’actualité de la menace terroriste qui pèse sur le territoire national. Face à cette menace, la France s’est dotée de moyens et d’un arsenal préventif et répressif régulièrement complétés à l’initiative du Sénat. Au sein de cet arsenal, les fiches S ne constituent que l’un des outils à disposition des services de renseignement".
François Pillet (Ratt. Les Républicains – Cher), rapporteur, a constaté que "ce tragique attentat a, de nouveau, soulevé de nombreuses interrogations sur l’efficacité des fiches S en termes de suivi des personnes radicalisées et de prévention du terrorisme."
Au regard des confusions entretenues autour de la nature et des finalités des fiches S, le rapporteur met en garde contre toute dénaturation de ce fichier de police qui mettrait en péril l’efficacité des services de renseignement. En conséquence, il a fait le choix de ne pas proposer une évolution de notre droit, ni une révolution des pratiques des services, mais plutôt de faire œuvre d’explication et d’information, en précisant la nature et les fonctions de la fiche S, ce qu’elle est, ce qu’elle n’est pas et ce qu’elle ne saurait être.
Au 11 décembre 2018, 29 973 personnes faisaient l’objet d’une fiche S au sein du fichier des personnes recherchées (FPR), sur les 580 000 personnes inscrites dans ce fichier.
Pour François Pillet : "Les fiches S,sous-ensemble du fichier des personnes recherchées,constituent un outil de remontée d’informations essentiel à l’activité des services de renseignement. Elles permettent notamment de détecter les déplacements et les fréquentations d’une personne, par exemple à l’occasion d’un contrôle routier ou d’un passage frontalier. Les fiches S ne sont pas faites pour rendre compte du niveau de dangerosité ou de radicalisation d’une personne. Elles s’inscrivent dans un ensemble qui forme un continuum de techniques de renseignement ; lorsqu’est détecté un risque de passage à l’acte terroriste, il est fait recours à d’autres techniques, beaucoup plus intrusives. La clé de l’efficacité des services de renseignement réside dans leur capacité à détecter le moment approprié pour mettre en place une surveillance active, voire, le cas échéant, des mesures de neutralisation de la menace. Dès lors, les fiches S ne sauraient à elles seules être considérées comme un marqueur de l’efficacité des dispositifs de lutte antiterroriste, qui repose, en réalité, sur un ensemble d’instruments qui ne sont pas publics, et n’ont d’ailleurs pas vocation à le devenir."
Selon le rapporteur, si la gestion des fiches S mérite probablement quelques améliorations à la marge, il est en revanche essentiel, alors que leur fonctionnement ne cesse d’être remis en cause dans le débat public, de rappeler que ses principes structurants doivent être préservés pour ne pas priver les services spécialisés d’un instrument indispensable à leur activité, en particulier en matière de lutte antiterroriste. Aussi une réduction du champ des fiches S apparaîtrait-elle inopportune sur le plan opérationnel. De même, un élargissement des personnes habilitées à consulter les fiches S serait risqué sur le plan opérationnel dès lors que ces personnes n’auraient pas "besoin d’en connaître" dans l’intérêt de la sécurité publique.
Le rapporteur a enfin rappelé que si des mesures administratives (retrait d’agrément, assignation, expulsion, etc.) pouvaient être fondées sur l’existence d’une menace à la sécurité et à l’ordre publics, aucune décision de nature administrative ou judiciaire ne pouvait être motivée par la seule inscription "S" au sein du fichier des personnes recherchées, tant pour des raisons juridiques que pour préserver l’efficacité de l’action de nos services de renseignement en matière de lutte contre le terrorisme.
[1] Outre son rapporteur, le groupe de travail comprend un représentant de chaque groupe politique : Mme Esther Benbassa (Ratt. Communiste républicain citoyen et écologiste – Paris), Mme Maryse Carrère (Rassemblement Démocratique et Social européen – Hautes-Pyrénées), M. Loïc Hervé (Union Centriste – Haute-Savoie), M. Henry Leroy (Les Républicains – Alpes-Maritimes), M. Alain Marc (Les Indépendants – République et Territoires – Aveyron), M. Alain Richard (La République En Marche – Val d’Oise) et M. Jean-Pierre Sueur (Socialiste et républicain – Loiret).
Mathilde DUBOURG
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