En adoptant 230 amendements, la commission des affaires sociales
s'attache à améliorer le projet de loi relatif aux droits des malades
La commission des Affaires sociales du Sénat, présidée par M. Nicolas About (RI - Yvelines), a examiné mercredi 16 janvier le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé sur le rapport de MM. Francis Giraud (RPR - Bouches-du-Rhône), Gérard Dériot (UC - Allier) et Jean-Louis Lorrain (UC - Haut-Rhin).
La majorité de la commission a formulé trois observations liminaires :
- elle s'est réjouie de pouvoir débattre de questions de santé car un tel débat a déserté les lois de financement de la sécurité sociale consacrées désormais au « bricolage permanent » des « tuyauteries » financières ;
- elle a regretté en revanche qu'un projet de loi de cette nature, annoncé en juin 1999 mais déposé en septembre 2001 seulement, fasse l'objet d'une marche forcée au Parlement sous le régime de l'urgence ;
- elle a considéré enfin que l'ouverture d'un débat sur les droits des malades ne saurait masquer que les « fondamentaux » de notre système de santé sont aujourd'hui menacés par les déficits persistants de l'assurance maladie et la crise de confiance profonde qui touche les professionnels de santé.
Les modifications les plus significatives proposées par les rapporteurs au texte adopté par l'Assemblée nationale tendent à :
Titre Ier (démocratie sanitaire)
- rappeler que les droits reconnus aux usagers du système de santé s'accompagnent de responsabilités particulières de nature à garantir la pérennité de ce système et des principes sur lesquels il repose (article 6) ;
- mettre l'accent sur le caractère partagé de la décision médicale en prévoyant que toute personne participe, compte tenu des informations et préconisations des professionnels de santé, aux décisions concernant sa santé (article 6) ;
- supprimer le « défenseur des droits des malades », dont la mission et l'utilité sont incertaines et dont le titre leur a paru faire injure aux professionnels de santé (article 6) ;
- rétablir l'appellation « d'ordres » professionnels, le terme de « conseils » étant source de confusion (articles 9 bis à 9 quater) ;
- affirmer l'horizon pluriannuel des priorités de santé publique ; ces dernières devraient, selon la commission, faire l'objet, à intervalles réguliers, de lois d'orientation et de programmes (article 24) ;
- mieux distinguer l'expertise technique, qui est du ressort du Haut conseil de la santé, et la prise de décisions politiques en vue de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui appartient au Gouvernement (article 24) ;
- conserver au Parlement toute sa place dans le nouveau dispositif de santé publique : il ne peut être un acteur « passif » de la santé publique, intervenant seulement en aval ; il convient de lui donner la possibilité, par exemple, de saisir la Conférence nationale de santé et le Haut conseil de la santé (article 24) ;
- donner un rôle majeur à un Haut conseil de la santé, aux missions élargies, outil d'expertise placé auprès des pouvoirs publics, organe chargé de l'évaluation annuelle de la politique de santé, s'appuyant notamment sur les travaux des conseils régionaux de santé (article 24).
Titre II (Qualité du système de santé)
- instituer une indispensable transparence dans le fonctionnement du nouveau dispositif de formation médicale continue (article 40) ;
- mettre à la charge de l'Etat, au titre de sa responsabilité en matière de santé publique, et non à celle de l'assurance maladie, le financement du fonds national de la formation médicale continue (article 40) ;
- rétablir la section H réservée aux pharmaciens hospitaliers au sein de l'Ordre national des pharmaciens pour mieux prendre en compte leur rôle spécifique dans notre système de santé et améliorer la représentation de la section D (salariés) au Conseil national de l'Ordre (article 45) ;
- transformer l'office des professions médicales en ordre à part entière en l'élargissant aux salariés des professions concernées et en garantissant, dans un cadre interprofessionnel, l'indépendance de chaque profession (article 49) ;
- renforcer très sensiblement les conditions d'encadrement de l'exercice de l'ostéopathie, (exigence d'un pré-requis de formation médicale, obligation de formation continue, définition de bonnes pratiques...), reconnue dans la loi par l'Assemblée nationale, tout en regrettant que ces pratiques n'aient pas fait l'objet d'une évaluation d'ensemble préalable (article 52 bis) ;
- prévoir une meilleure articulation entre les outils nécessaires à la politique de prévention que sont les objectifs et programmes nationaux et les priorités pluriannuelles de santé adoptés par la Nation (article 54).
Titre III (Réparation des conséquences des risques sanitaires)
- proposer une définition des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (article 58) ;
- fixer dans le texte même de la loi un plafond de 25 % pour le taux d'incapacité permanente qui servira de seuil d'entrée dans le mécanisme de règlement amiable (article 58) ;
- limiter, dans les contrats d'assurance en responsabilité civile professionnelle des établissements et professionnels de santé, les montants et la durée de la garantie (article 58) ;
- ramener le montant de l'amende civile susceptible d'être infligée en cas d'offre insuffisante de l'assureur à 15 % de l'indemnité allouée (au lieu de 30 %) (article 58) ;
- prévoir que l'expertise médicale serait systématique et contradictoire (article 58).
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* *En outre, prenant acte de la volonté du Gouvernement de poursuivre dans le projet de loi « Droits des malades » le débat sur l'arrêt Perruche, la commission a introduit un titre additionnel nouveau consacré à la « solidarité envers les personnes handicapées ».
Elle y affirme quatre principes :
- le droit, pour toute personne handicapée, quelle que soit la cause de sa déficience, à la compensation de celle-ci par la solidarité de la collectivité nationale ;
- l'absence de préjudice du seul fait de la naissance ;
- le droit à réparation en cas de faute médicale ayant provoqué directement le handicap ;
- l'indemnisation du préjudice moral des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée.
C'est sur ce dernier point essentiellement que le texte retenu par la commission diffère de celui adopté par l'Assemblée nationale.
a m e n d e m e n t
Article additionnel avant le TITRE Ier ( avant l'article 1er)
Avant le titre premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents ne peuvent demander une indemnité qu'au titre de leur préjudice moral.
Les dispositions du présent paragraphe sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation.
II - Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale.
III. - Il est créé, dans des conditions définies par décret, un Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, chargé d'observer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.
IV - Le présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Mayotte ainsi qu'à Saint-Pierre et Miquelon.