Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technoloqiques
28 mars 2007 - organisée par MM. Pierre Laffitte et Claude Saunier dans le cadre de l'étude sur "Les apports de la science et de la technologie au développement durable"
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III. TROISIÈME TABLE RONDE : VALORISER DURABLEMENT LA BIODIVERSITÉ
Participaient à cette table ronde :
? Luc ABBADIE , Professeur, Ecole normale supérieure (ENS)
? Hervé ARRIBART , Directeur scientifique, Saint-Gobain
? Simon BERTAUD , Président-directeur général, Goëmar
? Thibaud CORADIN , Responsable unité «Chimie de la matière condensée », Université Pierre et Marie Curie
? Michel GRIFFON , Directeur du département Ecosystèmes et développement durable, Agence nationale de la recherche
? Jean-Claude LEFEUVRE, Président, Institut français de la biodiversité (IFB)
? Pierre STENGEL , Directeur scientifique, Institut national de la recherche agronomique (INRA)
? Jean WEISSENBACH , Directeur du Genoscope-Centre national de séquençage.
Pierre LAFFITTE
Pour en revenir à l'un des points qui préoccupent au premier chef l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), à savoir pourquoi il nous incombe de protéger la biodiversité, il convient de commencer par souligner que celle-ci est avant tout utile pour l'humanité, pas simplement pour la beauté des paysages ou le tourisme, mais parce qu'elle met en jeu des aspects économiques fondamentaux.
Cet intérêt est assez difficile à faire comprendre. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre rapport devrait avoir un certain retentissement. Il convient en effet que les décideurs prennent conscience du fait que la problématique de la biodiversité ne se limite pas à la protection des grenouilles et des papillons.
L'approche d'une crise énergétique nous a conduits à proposer, lors d'un premier rapport, une forte inflexion du modèle de développement économique, compte tenu des coûts induits par le changement climatique.
La biodiversité des écosystèmes nous donne une seconde raison d'insister sur la nécessité pour notre modèle économique d'évoluer vers une élimination des coûts indirects, notamment ceux qui viennent d'être évoqués par Dominique Dron, en matière d'alimentation, de traitement des eaux, de l'usage de pesticides qui provoquent une diminution de la résilience des systèmes agricoles.
Les services rendus par la biodiversité sont importants. Néanmoins, soit nous nous contentons d'en faire un usage habituel, soit, face à la mutation économique que nous déjà évoquée qui interviendra nécessairement en raison du changement climatique et de la crise économique, nous essayons de construire un nouveau modèle de développement fondé sur la biodiversité.
Face à cette alternative, nous estimons qu'il nous faudra certainement essayer d'utiliser de nouveaux outils et ne pas nous limiter à l'utilisation des services rendus par les écosystèmes.
Quels sont les services actuels de la biodiversité pour nos économies ?
Nous constatons tout d'abord un certain nombre d'apports dans les domaines sanitaire, agronomique et hydrologique.
La biodiversité constitue en effet un facteur d'inhibition d'un certain nombre de maladies, essentiellement les maladies tropicales, comme la leishmaniose, la maladie de Chagas, la maladie de Lyme, etc.
Car la destruction des milieux favorise la propagation de ces maladies parce que, d'une part, leurs vecteurs sont ainsi transplantés dans les milieux transformés, comme les palmiers à huile plantés en Indonésie, et que d'autre part les mammifères hôtes de ces maladies disparaissant, elles risquent de se diffuser par l'intermédiaire d'autres mammifères comme les rats et les chiens qui sont davantage au contact de l'homme.
En outre, le nombre actuel d'agents pathogènes est trois cent fois plus important dans les zones tropicales qu'ailleurs dans le monde et le changement climatique risque de les faire migrer. Il en est ainsi dans le Sud de l'Europe qui a déjà vu l'apparition de la dengue.
La biodiversité est également une ressource en tant que matière première pour la pharmacopée. Etant donné qu'il nous reste à étudier quelques centaines de milliers de bactéries, nous pouvons espérer aboutir à une nouvelle forme de biochimie, infiniment plus efficace en termes de matières premières et d'énergie consommées.
Il est essentiel de souligner ces apports fondamentaux dans le domaine médical dans la mesure où la population y est très sensible.
En ce qui concerne les services agronomiques rendus par la biodiversité, nous pouvons citer la pollinisation. Ainsi, nous avons mentionné le problème des bourdons.
Nous avons également évoqué la perte de résilience des prairies monoculturales, qui implique d'utiliser beaucoup plus de pesticides. Il en est de même de la résistance à la sécheresse ou aux ravageurs. Toutes les études scientifiques concordent sur ce point.
Enfin, en termes de services hydrologiques, nous avons abordé le rôle capital des marais notamment, en matière de filtration, la ville de New York ayant réussi, grâce à eux, à diminuer drastiquement le coût de la gestion des eaux.
Le rapport Stern chiffre à 11 points de PIB la dégradation à venir des services actuellement rendus par la biodiversité.
Il s'agit en tout cas de chiffres considérables qui peuvent faire la différence entre la croissance et la stagnation, voire la récession.
Or ces services sont insuffisamment connus et reconnus, ce qui constitue l'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, vis-à-vis des pouvoirs politiques et économiques.
Nous nous heurtons en effet à un problème de fond qui réside dans la difficulté d'intégrer le temps long dans les calculs économiques, alors que celui-ci est fondamental dès lors que nous abordons la question du développement durable. Si l'économie prend généralement en compte cette durée à travers les taux d'intérêt, certains points de rupture sont difficilement calculables.
Le problème de la biodiversité est donc davantage stratégique qu'économique et pose la question de la gouvernance mondiale. Seules trois zones sont actuellement en mesure d'exercer cette gouvernance : les Etats-Unis, la Chine et l'Europe. Dans ce domaine, il est donc fondamental que cette dernière se montre capable de s'exprimer d'une même voix, ce qui sera sans doute moins facile en matière de biodiversité que d'énergie, compte tenu des dissensions au sein du couple franco-allemand. Néanmoins, nous estimons possible d'y arriver, notamment à l'aide de la science, de la technologie et de l'innovation.
Claude SAUNIER
Après avoir essayé de lancer, à partir de données consolidées tout au long de la journée, une sorte d'alerte, nous ne souhaitons pas terminer ce rapport sur une note essentiellement pessimiste. Nous estimons en effet qu'il est toujours possible de procéder à une analyse intelligente de la crise et, à partir de celle-ci, de trouver des raisons de rebondir.
Dans un premier temps, nous avons tenté de montrer les bénéfices que la biodiversité apportait à notre économie et ce qu'il nous en coûterait si nous n'étions pas capables de la préserver.
Au-delà, nous considérons qu'une connaissance approfondie de la biodiversité et de ses mécanismes nous permettrait d'identifier des réponses susceptibles d'inspirer utilement nos pratiques d'ingénieurs, notamment dans les disciplines émergentes de la bio-inspiration ou du biomimétisme.
Nous avons fait à ce titre, dans les laboratoires que nous avons visités, des découvertes tout à fait intéressantes intellectuellement, par exemple, une roue de moto dont le rayonnage a été conçu sur le modèle géométrique des ammonites, lui donnant ainsi les mêmes caractéristiques de résistance qu'une roue traditionnelle pour un poids d'1,3 kilo de moins.
De même, nous avons pu observer des drones fonctionnant sur le modèle des libellules ou des ailes d'avion dont la fabrication s'est inspirée de l'examen du fonctionnement des ailes d'oiseaux. Les ingénieurs qui ont eu cette idée sont partis du constat qu'en volant les oiseaux ne faisaient pas de bruit. Ils en ont déduit que leurs ailes devaient avoir une ergonomie particulière leur permettant d'économiser de l'énergie.
J'évoquerai également d'une part les biotechnologies ainsi que tous les instruments nouveaux de fabrication des molécules issus de l'utilisation des bactéries, et d'autre part la bioprospection, c'est-à-dire l'examen de la biodiversité permettant de découvrir la plupart des molécules actives, d'origine végétale, de notre pharmacopée.
Il s'agit donc d'un état d'esprit très positif, qui n'est pas fondé sur l'idée d'une intelligence supérieure et immanente mais sur la volonté de nous inspirer des solutions mises au point par la nature.
Michel GRIFFON
Lorsque nous nous référons au concept de « services rendus par les écosystèmes », il convient de veiller à l'utilisation du terme « service ». Il ne faudrait pas en effet l'employer dans son sens économique de production.
En revanche, dans la mesure où il s'agit de ressources renouvelables, le concept de services produits impose d'assurer le renouvellement de la base productive, ce qui implique d'appréhender correctement le fonctionnement des écosystèmes. Derrière la notion de service se trouve donc la notion de fonctionnalité, qui renvoie à l'écologie fonctionnelle, science qui nous permet de comprendre ce fonctionnement. Ainsi, un article célèbre de Costanza avait-il identifié près de 18 fonctionnalités à caractère générique des écosystèmes, qui ont ensuite été confirmées par les travaux du Millenium Ecosystem Assessment. Dans ces travaux, ces fonctionnalités et leur traduction en termes d'utilité pour le bien-être des sociétés sont systématiquement distinguées.
Tous les écosystèmes, qu'il s'agisse d'une forêt tropicale très riche en biodiversité ou de la forêt de la Beauce, dont la transformation sur plusieurs milliers d'années n'a pas abouti à une très grande diversité variétale, produisent des biens alimentaires, des biens énergétiques, des fibres, des matériaux, de l'eau, etc.
Ces biens sont en outre l'objet de circulations et de cycles, dont certains sont fondamentaux pour le futur comme le cycle du carbone, qui peut être séquestré ou au contraire émis par les écosystèmes, le cycle de l'eau, le cycle de l'azote, du phosphore, de la potasse, etc.
Ces derniers sont très importants pour la production, le phosphore par exemple provenant de gisements concentrés sur une quarantaine de lieux sur la planète. Au coût actuel d'extraction, la durée de vie de ces gisements de phosphore a été évaluée à près de 60 ans tandis qu'avec des coûts plus élevés, nous pouvons espérer les conserver pendant encore 400 ans.
De même l'azote, qui sert à produire la matière verte agricole, provient essentiellement du gaz naturel, celui-ci étant utilisé, sous des pressions de 150 à 350 bars, pour produire les engrais azotés dont nos écosystèmes productifs ont besoin.
Il convient également de prendre en compte non seulement les interactions entre les maladies et les ravageurs mais également les effets économiques induits par l'esthétique des paysages.
Le facteur clé permettant à ces écosystèmes de produire de l'utilité et des services réside dans leur diversité, qu'il s'agisse du paysage, des espèces ou de la diversité génétique à l'intérieur de chaque espèce.
Il existe un grand nombre d'aménagements et de paysages extrêmement différents, parmi lesquels certains favorisent l'envahissement, comme les centaines de milliers d'hectares de plaines qui permettent aux ravageurs de prospérer. D'autres sont plus propices à la résilience, comme les systèmes de haies, de bandes enherbées, etc.
J'emprunterai à Bernard Chevassus-au-Louis l'idée selon laquelle, après avoir simplifié les écosystèmes à des fins productives, il nous incombe désormais de les reconstituer et de leur rendre leur complexité, en mettant en place de nouvelles infrastructures écologiques, qui permettront d'économiser les coûts de fonctionnement et de fournir des services à la société, comme l'aménagement des bassins versants ou celui, parcellaire, des paysages écologiques. Il convient de rompre la dégradation fonctionnelle des paysages pour mettre en place une « aggradation » - néologisme que j'emprunte à un collègue québécois - des écosystèmes, d'une part pour qu'ils puissent retenir l'eau et d'autre part, de façon à contrôler les maladies et les ravageurs, à maintenir la diversité des espèces et à préparer leur migration attendue en raison du changement climatique.
Par ailleurs, pour investir dans ces infrastructures écologiques, nous devrons mettre en oeuvre une politique agricole, que nous espérons commune, écosystémique et environnementale, afin de financer la gestion et la reconstitution historique de ces fonctionnalités et de la production de ces services.
Pour ce faire, il suffirait d'aider, à l'échelle de la planète, ceux qui, au quotidien, modifient l'écosystème et notamment les sols à « aggrader » cette biosphère plutôt qu'à la dégrader. De ce point de vue nous avons la chance, en Europe, de disposer d'une Politique agricole commune dont le second pilier est consacré à ces problématiques. Par ailleurs, nous devons faire en sorte que l'opportunité historique que constitue le phénomène de rareté qui affecte désormais l'utilisation de l'agriculture à des fins à la fois alimentaires et de production de biocarburant ne se transforme pas en une « véritable course à la terre », notamment dans un certain nombre de pays qui ne disposent pas de régulations économiques et foncières suffisantes.
Parallèlement, ce phénomène est susceptible de s'accompagner d'un accroissement des prises alimentaires, c'est-à-dire une rupture par rapport à l'évolution du siècle dernier, qui s'est surtout traduite par une baisse de ces prises. Sachant que, parmi les 2,5 milliards d'agriculteurs à travers le monde, la plupart vivent dans des pays en développement et n'arrivent même pas à se nourrir, les mettant ainsi en situation de dégrader les écosystèmes, cette remontée des prises agricoles pourrait constituer pour les agriculteurs l'occasion de produire dans de meilleures conditions. Il s'agirait alors pour les sociétés et les gouvernements d'un bon nombre de pays de redéfinir des politiques agricoles et environnementales, celles-ci ayant disparu avec les politiques d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale en 1981-1982.
En Europe, nous avons la possibilité de proposer une politique agricole fondée sur la production non seulement de biens agricoles alimentaires et énergétiques mais surtout de services environnementaux.
Luc ABBADIE
Je confirmerai le fait que nous avons quelques raisons d'espérer. Bien que nous soyons confrontés à des problèmes assez redoutables, voire angoissants, de gestion de systèmes complexes dans un environnement changeant, nous constatons tout de même une certaine dynamique de progrès de la science.
L'une des évolutions majeures de ce domaine scientifique réside dans le fait que nous commençons à atteindre à une sorte de maturité conceptuelle de l'écologie. Nous avons acquis en effet une espèce de savoir théorique générique dont la valeur prédictive nous permet d'aborder la question des interactions entre la biodiversité et les composantes de l'environnement physico-chimique aussi bien en termes de compréhension que d'action.
Grâce au dynamisme de cette discipline scientifique et des sciences qui lui sont liées, qu'il s'agisse des sciences de l'environnement, de l'hydrologie, des sciences du sol, etc., nous sommes désormais en mesure d'affirmer que nous avons une certaine idée des mécanismes qui régissent l'organisation des micro-organismes du sol, par exemple sur le cycle du carbone, l'importance de la géométrie d'un paysage sur le maintien des espèces ou l'importance des interactions alimentaires sur l'expression des phénomènes de trophisation des milieux.
Nous commençons en effet à disposer de connaissances mobilisables pour essayer d'intervenir sur les systèmes écologiques en termes de population ou d'écosystème sous deux angles, une optique de restauration du milieu d'une part, et une optique d'optimisation des services écosystémiques d'autre part. A ce titre, nous avons expliqué précédemment, à l'aide de l'exemple des marais de New York, comment le problème de dépollution des eaux pouvait être abordé sous un autre angle.
Les organismes et les communautés d'organismes in situ peuvent en effet constituer un nouvel outil pour intervenir à grande échelle sur les dimensions de l'environnement qui nous posent problème.
Cette expression concrète du savoir scientifique, que nous appelons de plus en plus « l'ingénierie écologique », nous permet de mettre en oeuvre des actions de terrain dont nous pouvons contrôler la durabilité et les effets secondaires. Cette ingénierie s'inspire des mécanismes naturels d'interaction entre les espèces qui ont été sélectionnées et évaluées dans la durée par la logique évolutive et en fonction de leur capacité adaptative, celle-ci nous étant particulièrement utile dans un environnement changeant. En outre, il s'agit d'une approche systémique prenant en compte, en permanence, tout un ensemble de processus, d'acteurs en interaction ou d'échelles d'espace et de temps.
Ce mouvement d'ingénierie écologique est inégalement réparti dans le monde. Il est particulièrement important aux Etats-Unis, où il s'est vu favorisé par le contexte législatif et réglementaire. Ainsi, les grands travaux de développement des zones humides aux Etats-Unis sont-ils dus à des lois votées il y a une trentaine d'années, comme le Clean Water Act, qui oblige à remplacer les plans d'eaux détruits par d'autres bassins, construits ailleurs. Bien qu'appliquée d'une façon différente d'un Etat à l'autre, cette loi s'est avérée particulièrement utile pour garantir la protection de ces zones humides.
En Europe, nous disposons également d'un certain nombre de dispositifs tels que le marché des permis d'émission de gaz à effet de serre ou la directive-cadre européenne sur la qualité des eaux de surface. Nous obtiendrons prochainement un mécanisme compensatoire en matière de biodiversité.
L'ensemble de ces dispositifs, qui mettent en jeu la dimension économique de l'utilisation de la biodiversité, favoriseront le développement de l'ingénierie écologique et, en amont, des sciences.
Néanmoins, ces derniers ne fonctionneront que si nous sommes capables de mettre en place une démarche active de recherche. Il existe en effet indiscutablement un lien entre le développement de ces mesures et l'objectif de conceptualisation de la recherche, ce mouvement expérimental de modélisation nous permettant de valider, à long terme, nos représentations. Par ailleurs, nous ne pourrons nous dispenser de mener des recherches importantes dans les domaines juridique et réglementaire.
Cette ingénierie constitue en quelque sorte une nouvelle branche des biotechnologies qui peut servir, comme vous nous l'avez indiqué en introduction, à penser autrement la gestion de l'environnement. En tant qu'écologiste de formation, j'ai travaillé dans des systèmes très contraints (feux de brousse, sols sableux, pluies diluviennes, etc.) qui se sont avérés extrêmement productifs.
Là encore, l'analyse des systèmes naturels, qui ont été testés dans la durée par la mécanique évolutive, constitue une source d'inspiration pour obtenir le « Saint-Graal » de la productivité durable, après lequel tout le monde court.
Je suis convaincu en effet du fait que nous pouvons inventer de nouveaux modes de pensée dans ce sens, en nous inspirant de ce qui a été sélectionné par la nature. Si nous ne sommes pas sûrs du résultat, il me semble que cela vaut la peine d'essayer dans la mesure où l'ingénierie écologique n'est pas seulement curative mais surtout préventive. Ce nouvel outil aura sans doute une grande utilité pour réinventer notre mode de développement, ce qui constitue le défi majeur auquel nous sommes actuellement confrontés.
Claude SAUNIER
Je cède la parole à M. Bertaud, Président-directeur général de l'entreprise Goëmar, de Saint-Malo, seul industriel intervenant à ce colloque.
Simon BERTAUD
Mon propos sera légèrement différent de celui de mes prédécesseurs dans la mesure où il consistera surtout à vous apporter mon témoignage.
Originaire de Saint-Malo, la société Goëmar que je représente a inventé un vaccin sur les plantes, qui constitue une véritable innovation. Avant d'évoquer ce vaccin, je vous présenterai brièvement ma société.
Avec 200 employés, celle-ci réalise 35 millions de chiffre d'affaires. 75 % de notre activité est destinée à l'export et nous menons 20 % de nos recherches, depuis 15 ans, à partir de deux matières premières, les algues et l'eau de mer, pour deux marchés : la santé humaine et la santé végétale.
J'effectuerai un petit rappel historique au sujet d'une tradition bretonne qui consiste à enrichir les sols avec du goémon. Il y a une trentaine d'années, le fondateur de la société a eu l'idée de répandre des algues micro-broyées sur les plantes, ce qui a produit des effets divers mais fort intéressants qui l'ont lui-même surpris.
Pendant les quinze années suivantes, la société a vendu des biostimulants pour les cultures. Dans la mesure où il est devenu essentiel d'expliquer les causes des effets indubitables, constatés sur les champs - les plantes n'étant pas sujettes aux effets placebo - un vaste programme de recherche a été réalisé en collaboration avec le CNRS, l'INRA et des universités françaises et étrangères. Celui-ci nous a permis d'identifier les molécules ayant des effets physiologiques, dont une molécule protégeant les plantes contre les maladies, appelée laminarine, que nous commercialisons sous le nom de « Iodus ».
Je soulignerai désormais les vertus de cette molécule naturelle, extraite des algues, sur les cultures.
Au départ, nous pensions que la stimulation de ses défenses naturelles ne pourrait protéger la plante qu'à 20 % ou 30 %. Or les molécules que nous avons mises sur le marché, après homologation, protègent les blés, l'orge et les céréales, à 50 %.
Si, lorsque les maladies exercent de trop fortes pressions, nous sommes obligés de compléter ce traitement par des fongicides, la molécule en question présente l'intérêt d'offrir un traitement n'étant absolument pas toxique, ni pour l'homme ni pour l'environnement. Or le fait d'économiser un tiers des fongicides constitue déjà un pas important.
Je voudrais également préciser toutes les potentialités de cette molécule puisque, dans certains modèles de couple plante-pathogène, nous arrivons à 100 % de protection. Il ne s'agit donc plus de stimulation des défenses naturelles mais bien d'une vaccination.
Si la première génération issue de ce développement sera préventive, d'autres molécules nous permettront non pas de guérir la plante mais de mettre fin à la maladie, nous faisant ainsi franchir une nouvelle étape.
Cette méthode présente également l'avantage d'offrir un spectre extrêmement large de défense, le niveau de protection pouvant varier d'une maladie à l'autre, ce qui peut s'avérer extrêmement utile dès lors que nous ne connaissons pas les nouveaux champignons susceptibles de se développer.
Par ailleurs, cette molécule est capable, d'une part, de s'attaquer à des maladies jusqu'ici orphelines et, d'autre part, de se substituer à des produits encore plus dangereux que les pesticides. Elle s'est ainsi avérée plus performante que les antibiotiques permettant de soigner le feu bactérien qui, bien qu'ils soient interdits en France, sont permis dans un certain nombre de pays. Elle peut également remplacer l'arsenic sur les maladies du bois de la vigne, qui a été éliminé du commerce il y a deux ans, même si nous sommes encore confrontés au problème de l'homologation.
En conclusion, mes propos visaient à vous donner un exemple de ce qu'il est possible de faire en articulant les domaines marin et terrestre, les algues étant nécessaires aussi bien pour l'agriculture que pour l'être humain, sur lequel ces molécules ont été testées.
En effet, si 70 % de la pharmacopée proviennent de la forêt, je suis certain que 70 % des produits qui s'adresseront à la santé, à l'avenir, seront issus de la mer, domaine que nous connaissons encore moins bien que les forêts tropicales et qui présente une diversité d'organismes exploitables considérable, à condition de ne pas y jeter nos déchets.
Selon moi, la gestion de ce problème ne relève pas tant de l'estivant que des Etats, des grandes entreprises, etc. Il est en effet inadmissible de laisser couler sciemment des « bateaux-poubelles » dans les fosses marines pour faire disparaître des preuves, comme il est inacceptable qu'un Etat stocke ses munitions dans la mer ou refuse de rechercher une bombe atomique ayant coulé avec un sous-marin à 500 mètres de profondeur.
Par conséquent, j'appelle de mes voeux une gouvernance mondiale à ce sujet ainsi que des sanctions extrêmement sévères pour ceux qui n'auraient pas conscience de leur responsabilité en la matière.
Claude SAUNIER
Vos propos, selon lesquels 70 % des molécules utilisées par la pharmacopée future proviendront de la mer, ont ravivé un souvenir en moi et m'amènent à vous soumettre un exemple qui nous a été signalé par une équipe du Muséum. Des complexes bactériens susceptibles d'agir contre le staphylocoque doré ont été trouvés dans de petites éponges situées dans la baie de Concarneau. Cet exemple montre les bénéfices que nous pouvons tirer en portant davantage d'attention à la biodiversité.
Pierre LAFFITTE
A ce titre, je signalerai une molécule extraite des algues ayant le même type de propriété.
Thibaud CORADIN
J'essaierai quant à moi de vous fournir un certain nombre d'images pour essayer d'illustrer le titre de la troisième partie de cette journée, consacrée à la valorisation de la biodiversité, notamment dans des domaines qui, spontanément, ne relèvent pas de cette biodiversité. A ce titre, j'évoquerai la possibilité d'utiliser les propriétés des organismes vivants pour élaborer des matériaux, dans le domaine de la micro-électronique et des nanotechnologies.
Très souvent, les notions de biologie ou de système vivant nous évoquent la matière organique, la chimie du carbone, les protéines, etc. En réfléchissant de manière un peu plus approfondie à cette question, nous nous apercevons que non seulement le corps humain contient une part importante de minéraux, mais également que ces minéraux peuvent être fabriqués par un grand nombre d'organismes vivants.
Ainsi, à l'écran, vous sont diffusées des images représentant de la nacre se trouvant dans la coquille de petits crustacés. Cette coquille est composée de plaquettes nanométriques de carbonate de calcium, c'est-à-dire de minéral. Vous pouvez également observer des bactéries magnétiques qui constituent de « véritables boussoles vivantes » puisqu'elles utilisent des aimants de taille nanométrique pour s'orienter dans le champ magnétique terrestre. Comme dernier exemple, j'ai choisi de vous présenter les diatomées, qui sont des micro-algues qui se fabriquent un squelette en silice, c'est-à-dire du verre biologique.
Deux éléments justifient mon choix de vous commenter ces nanostructures biologiques. Premièrement, jusqu'à présent, dans ces trois cas, il n'existe pas d'équivalent synthétique reproduisant les propriétés de ces systèmes naturels.
Deuxièmement, tous ces micro-organismes travaillent à température ambiante, dans leur milieu naturel, procédant ainsi à de la « nanotechnologie verte » ou « écocompatible ».
Pour répondre à la question de savoir si nous pouvons utiliser ces minéraux naturels pour créer de nouvelles technologies avancées, je m'appuierai sur l'exemple des diatomées, en particulier trois des 20 000 espèces de ce minéral. Cette matière est tout d'abord disponible en grande quantité puisqu'il s'en dépose chaque année plusieurs milliards de tonnes au fond des océans. Elle est d'ailleurs déjà utilisée en tant que silice, à des usages de filtration par exemple. Les diatomées ont également été employées par Alfred Nobel pour créer la dynamite.
Dans une perspective de technologie avancée, il serait particulièrement intéressant de pouvoir transformer ce minéral tout en conservant sa forme. Parmi les exemples qui figurent à l'écran, il a notamment été possible de modifier cette coquille en une céramique présentant des propriétés physiques tout à fait particulières, et pouvant être utilisée par exemple dans des appareils de robotique, comme moteur ou comme capteur.
A droite de l'écran, vous pouvez observer une image représentant la transformation de cette espèce en silicium, ouvrant ainsi un grand nombre de possibilités à toute l'industrie des semi-conducteurs et de la micro-électronique.
Dans la mesure où, comme je vous l'ai déjà signalé, il existe près de 20 000 espèces différentes, nous disposons de 20 000 formes susceptibles d'être intégrées dans des dispositifs micro-électroniques.
Par ailleurs, si certains micro-organismes sont capables de fabriquer des matériaux, nous pourrions sans doute évaluer la capacité d'autres types d'organismes à produire de tels matériaux, en particulier des nanomatériaux.
Nous avons engagé un travail dans ce sens sur des cyanobactéries, minuscules organismes que nous trouvons partout sur la planète. Nous nous sommes notamment demandé si, en leur donnant des précurseurs, c'est-à-dire des sels métalliques, ces cyanobactéries pourraient fabriquer des objets.
Ces images illustrent le fait que, lorsque nous leur donnons des sels d'or, elles fabriquent des nanoparticules à l'intérieur de leur enveloppe cellulaire, avant de les relâcher dans l'environnement, entourées d'un polymère stabilisant.
Si nous ne pouvons pour autant parler de « cyanobactérie philosophale », nous permettant de transformer le plomb en or, cet exemple montre qu'un processus de transformation est possible en utilisant la diversité des organismes, la taille de la particule ou la nature des matériaux fabriqués étant susceptibles de changer en fonction de la cellule utilisée.
Enfin, j'évoquerai l'approche « bio-inspirée » qui a été mentionnée précédemment, en revenant sur l'exemple des diatomées, qui forment des coquilles de silice, à l'intérieur desquelles vit une cellule. Celui-ci nous amène à nous interroger sur la possibilité d'intégrer une activité biologique au sein d'un matériau, pour créer une sorte de « matériau vivant », en plaçant des cellules dans du verre et en essayant de les faire fonctionner.
Cette approche a déjà donné lieu à un certain nombre de résultats. Ainsi, il est possible de piéger des bactéries très classiques dans des gels de silice et de les utiliser pour produire des molécules thérapeutiques. Dans la mesure où nous avons évoqué précédemment la leishmaniose, je précise que nous pouvons également piéger les parasites responsables de cette maladie et les intégrer dans des matériaux pour effectuer des tests diagnostics. Enfin, nous pouvons étendre ce procédé à des cellules humaines, pour réaliser des implants cellulaires.
En guise de conclusion, je reconnais que, par rapport aux exposés sur les grands écosystèmes présentés par les autres intervenants, mon domaine d'intervention est beaucoup plus restreint. Pour moi, en tant que chimiste, la biodiversité représente avant tout une diversité de fonctions biologiques, de formes, de compositions et de capacités à s'adapter à des conditions non naturelles, notamment des processus chimiques de laboratoires.
Notre objectif consiste à utiliser cette diversité pour élaborer de nouveaux matériaux, soit en transformant les matériaux naturels, soit en utilisant les activités biologiques pour créer ces matériaux. Cette technique présente l'avantage, d'une part, d'utiliser des cellules et d'autre part, de se dérouler dans des conditions biologiquement et écologiquement compatibles avec la cellule, à travers une synthèse de matériaux tout à fait en accord avec les objectifs du développement durable.
Jean-Claude LEFEUVRE
Pour mon intervention, j'ai hésité entre plusieurs sujets. Le premier consiste à aborder le lien entre la santé et la biodiversité, que nous avons très peu évoqué alors qu'il s'agit d'une autre manière de considérer la médecine. En effet, certaines maladies tropicales sont trop importantes pour être uniquement confiées à des médecins.
Le second sujet que je souhaitais aborder concerne le bocage, rejoignant ainsi la question des infrastructures. Enfin, je pourrai vous commenter l'exemple de la baie du Mont Saint-Michel ou celui du Parc National du Banc d'Arguin.
Néanmoins, je commencerai par vous rappeler l'histoire du Taxol et de la découverte dans l'écorce de l'if américain d'une molécule ayant une propriété anticancéreuse. Pour obtenir 100 milligrammes de Taxol, il fallait un kilo d'écorce, ce qui explique qu'il a fallu abattre 1 200 arbres pour obtenir les deux kilos de Taxol permettant de lancer les essais cliniques.
Cet exemple illustre la relation entre santé et biodiversité, en mettant en avant une véritable mise en cause de la protection de l'arbre. Nous avons pu y mettre fin, grâce à un scientifique français qui a découvert un précurseur du Taxol dans les aiguilles de la variété européenne de l'if, nous permettant ainsi d'effectuer une hémisynthèse du Taxol à partir de la défoliation de l'arbre, ce procédé étant moins néfaste pour lui que le retrait de son écorce.
Par la suite, nous avons réussi à créer le Taxotère, un produit totalement synthétique, deux fois plus efficace que le Taxol.
Si j'insiste sur cette question, c'est parce que j'arrive du Cameroun où je me suis heurté exactement au même problème. Dans ce pays en effet, 422 espèces sont largement utilisées par la médecine. L'une d'entre elles est liée à l'écorce d'un prunier tropical.
Les chamans, qui connaissaient les vertus de cet arbre, en écorçaient les doses nécessaires pour soigner les personnes qui avaient des problèmes de prostate. Depuis que nous leur avons expliqué l'importance de ce produit pour les pays industrialisés, ils se sont mis à écorcer les arbres de façon beaucoup plus intensive, au point de risquer de les faire disparaître. Or le fait de vouloir protéger l'arbre et de fabriquer, à l'instar du Taxol, des gélules contenant cette molécule, pourrait avoir des conséquences néfastes pour toute une frange de la société camerounaise qui risque de perdre toute confiance dans le sorcier.
Par ailleurs, dans la mesure où nous avons largement évoqué le cas du Brésil, notamment du Cerrado et de l'Amazonie, je ne peux pas m'empêcher de mentionner une maladie qui concerne actuellement 30 millions de personnes, dont 300 000 à São Paulo, et qui provoque 21 000 morts par an.
Cette maladie est fortement liée à la disparition de la biodiversité. En effet, dans une forêt comme le Cerrado, un certain nombre d'espèces inféodées à des pointements rocheux sont cantonnées par la forêt environnante, celle-ci étant très diversifiée. Dès lors que, pour planter du soja, ces forêts sont rasées, nous voyons se créer tout un univers minéral, accentué par l'implantation de villes et lié à l'intensification de l'agriculture. Ainsi, les espèces liées aux pointements rocheux vont-elles réussir, en empruntant les chemins, à gagner la ville, où elles trouveront un univers minéral particulièrement favorable à leur épanouissement ainsi que de nouveaux hôtes, en l'occurrence les hommes. C'est ainsi notamment qu'a été transmise la maladie de Chagas.
Prenons désormais l'exemple de la forêt tropicale humide, qui comprend parfois près de 400 espèces d'arbres par hectare, soit une biodiversité extraordinaire. Cette diversité permet, à l'instar de l'exemple précédent, de cantonner les espèces proliférant sur les palmiers. La déforestation en vue de disposer de pâturages et éventuellement de cultures de soja s'accompagne généralement de la création de villes, qu'on essaiera ensuite de « naturaliser », en plantant des palmiers, sur les avenues, les parcs, etc. C'est ainsi que l'espèce de punaise responsable de la transmission de la maladie de Chagas, présente seulement sur quelques pieds de palmiers à huile à l'intérieur de la forêt, pourra aisément proliférer, en choisissant de nouveaux hôtes.
Lutter contre la propagation de cette maladie, que nous ne savons pas encore traiter, implique donc de réaménager les espaces naturels, ce qui me conduit à évoquer l'exemple du bocage.
Le bocage a donné lieu à la première fronde scientifique contre le ministère de l'Agriculture et celui, naissant, de l'Environnement, le programme ayant démarré, à leur initiative, en 1972.
Il s'agissait alors de s'interroger sur les conséquences de l'arasement des talus en zone bocagère de l'ouest. L'université s'était ainsi vu confier la mission d'observer les insectes et les petites plantes présents sur les talus et les chercheurs de l'INRA celle d'examiner le rendement des cultures dans le secteur. Or ces scientifiques ont refusé cette mission.
Ils ont en effet indiqué aux deux ministères qu'ils préféraient essayer de comprendre le fonctionnement d'un paysage. Cette nouvelle thématique les a amenés à constater, avec les climatologues d'Avignon, que ces talus constituaient de véritables pièges à énergie et que, lorsque la cellule bocagère était très réduite, ce qui était d'ailleurs incompatible avec le développement de techniques agricoles, nous pouvions obtenir jusqu'à trois degrés de gain par rapport à l'open field.
La deuxième constatation importante, qui confirmait des observations que nous avions déjà effectuées, portait sur la fonction hydrologique majeure du système en question, capable de contrôler la rapidité de l'écoulement de l'eau sur les bassins versants, expliquant ainsi que les bassins débocagés subissent davantage de crues et connaissent un étiage nettement inférieur à ceux des systèmes bocagés. Cet effet est d'autant plus important que le bocage créait l'obligation d'avoir des sillons perpendiculaires à la pente, alors que la débocagisation a conduit à ce que les sillons soient désormais dans le sens de la pente.
Il en a résulté des terres nues, qui ont engendré, pour la première fois, l'utilisation d'engrais minéraux, de pesticides, etc., ainsi que la dégradation de la qualité des eaux bretonnes, attestant ainsi du lien entre ce bocage et la régulation de l'eau.
Enfin, le bocage jouait un rôle biologique important, mis en évidence par l'INRA, en termes de contrôle des pucerons. Jusqu'alors, nous ne trouvions des pucerons qu'à Saint-Paul-de-Léon, en raison de la culture de légumes de plein champ, et notamment des artichauts.
Pour la cellule pucerons, implantée à Rennes, il était impossible de rencontrer des problèmes de pucerons sur les céréales des zones bocagères, étant donné le double contrôle exercé à la fois par un champignon et par un micro-hémiptère, qui selon le degré hydrométrique était capable de jouer un rôle de contrôleur absolu des populations de pucerons, cantonnées sur les talus.
Quelques années plus tard, à cause de la débocagisation, la réalisation d'épandages aériens de pesticide a été nécessaire pour la première fois dans la commune de Pouancé, pour lutter contre les pucerons des céréales.
Je pourrais m'arrêter à cet exemple. Néanmoins, dès lors que nous nous sommes mis à observer les insectes, nous avons effectué de nouvelles découvertes fort intéressantes. Nous avons en effet eu la surprise de retrouver des espèces forestières, dans les talus bocagés, à sept ou huit kilomètres des forêts. C'est ainsi que, en discutant avec un collègue de la DG 11, c'est-à-dire, à l'époque, la Délégation générale de l'Environnement, l'idée de corridors biologiques nous est apparue.
Cette idée a donné naissance à un premier programme européen, appelé ECONET, consistant à maintenir ou à restaurer des réseaux de végétation, en l'occurrence arborée, pour créer des jonctions entre les forêts d'Europe.
Ce système a été repris par les Hollandais qui, dans les années 85, ont édicté une loi d'orientation prévoyant la création de structures vertes permettant de relier les espaces protégés de Hollande entre eux. C'était la première fois que, à côté du réseau de chemins de fer ou d'autoroutes, un système de Greenway venait à être instauré. Des dispositifs similaires ont ensuite été imposés, dans le cadre du Conseil de l'Europe, aux pays souhaitant adhérer à l'Europe. Il en a été ainsi de la Pologne, qui a d'ailleurs travaillé avec un maître d'oeuvre hollandais.
J'insiste sur cet exemple dans la mesure où il m'a été demandé d'expliquer comment fonctionnaient les espaces protégés. Selon moi, ces derniers se situent actuellement dans une matrice hostile. En effet, l'enfermement des espèces et des habitats remarquables risque, plutôt que de les protéger, de provoquer une érosion supplémentaire de la biodiversité.
Nous n'avons donc pas d'autre solution que de nous pencher à nouveau sur ces réseaux interactifs, permettant de relier entre eux un certain nombre d'espaces protégés, grâce au génie écologique. Dans ce sens, il me semble néanmoins que nous ne sommes pas encore suffisamment mûrs dans la mesure où il nous est difficile de nous appuyer sur le modèle hollandais, fondé sur le boisement, pour des coteaux calcaires.
Il nous incombe donc de repenser ce modèle, en prenant en compte le système des talus creux du bocage, dont les fossés présentent toute une série de zonations, où des arbres entourent des surfaces planes, qui peuvent être enherbées, permettant à une diversité de milieux de se développer et pouvant être utilisée par les promeneurs.
Par ailleurs, alors que les dirigeants du réseau autoroutier se revendiquent comme étant les détenteurs d'un réseau écologique majeur, les ponts qui traversent les autoroutes, de par leur conception, constituent autant de barrières au développement de la biodiversité. Il s'agit en effet de surfaces de béton obliques qui empêchent complètement le passage de la faune de part et d'autre de l'autoroute. Or il suffirait de repenser la conception de ces ponts pour favoriser le développement de « véritables autoroutes de la faune ».
De la même manière, pour ne pas avoir de problèmes avec les agriculteurs, l'espace entre la berne et les champs est clos alors que c'est exactement le contraire que nous devrions faire. La clôture devrait être construite en effet le long de la route pour empêcher la faune sauvage d'y passer, tout en lui laissant la liberté de rejoindre les champs. Cette biodiversité permettrait à l'agriculture elle-même de disposer de davantage d'auxiliaires.
Enfin, les structures de nos systèmes autoroutiers datent encore de l'après-guerre où, pour gagner du temps sur le déblai et le remblai, il a été jugé préférable de creuser les collines et de remplir les vallées.
En Sicile ou dans le nord de l'Italie, en revanche, les systèmes de viaduc et de tunnel ont été privilégiés. Parfois, des tunnels de 20 mètres ont été creusés, pour permettre le passage d'une colline à une autre. Cette différence ne s'explique pas en des termes économiques, dans la mesure où le PNB français n'a rien à envier au sicilien.
Nous pouvons néanmoins espérer que la construction du Viaduc de Millau nous incite à nous engager désormais dans la construction de « viaducs intelligents ». Par cette expression, j'entends signifier qu'il est bénéfique qu'un pont sur une rivière soit construit en forme d'arche, de façon à permettre un cheminement le long des rivières, qui constituent les meilleurs corridors à notre disposition.
Pour ce faire, nous avons besoin de tester nos hypothèses dans le cadre de situations expérimentales. Il est également nécessaire de travailler sur le long terme, les exemples que nous vous fournissons étant le plus souvent le résultat de dix à vingt ans de travaux sur le terrain. Je signale par ailleurs que les modalités du financement de la recherche française sont inadéquates, dans la mesure où nous disposons d'un budget annuel alors que nous aurions besoin d'un financement à long terme.
Enfin, les solutions que je vous ai présentées ne pourront être mises en oeuvre sans une acceptabilité sociale de la part des individus qui auront à les utiliser.
Pierre STENGEL
Je traiterai des perspectives qui s'offrent à nous pour valoriser la biodiversité en agriculture, en m'appuyant surtout sur l'agriculture métropolitaine dans la mesure où l'agriculture tropicale relève plutôt du CIRAD.
Je commencerai par rappeler un certain nombre de réalités élémentaires sur la relation entre agriculture et biodiversité. En premier lieu, nous ne devons pas oublier que, dans son principe, l'agriculture est une entreprise de réduction de la biodiversité. Si cette formule peut sembler banale, nous constatons que, parfois, l'existence de cet antagonisme est niée. Or, du moins au niveau local, il s'agit bien de privilégier un niveau trophique représenté par une ou un petit nombre d'espèces et, à l'intérieur de cette espèce, une très faible variabilité génétique. Par conséquent, localement, nous aboutissons nécessairement à une réduction de la biodiversité.
Je signalerai néanmoins deux exceptions notables. La première est constituée par les prairies naturelles, sur lesquelles je n'insisterai pas. La seconde est liée à l'extension spatiale de l'agriculture, que nous avons évoquée précédemment. En effet, lorsque celle-ci est minoritaire, elle a plutôt tendance à accroître la biodiversité en créant de nouveaux lieux d'exploitation pour la biodiversité périphérique.
Par ailleurs, il convient de souligner la réalité de la dépendance de l'agriculture à l'égard de la biodiversité. Nous avons évoqué brièvement, à diverses reprises, les ressources génétiques pour les espèces domestiques. Il ne peut pas y avoir d'agriculture durable en effet non seulement sans disponibilité et valorisation des ressources génétiques mais également sans auxiliaires de production. A ce titre, nous avons mentionné précédemment les pollinisateurs. Nous pourrions également citer les auxiliaires qui contribuent à maîtriser les ravageurs des cultures.
Enfin, les acteurs du fonctionnement du sol ont souvent été mis en avant, de façon globale et parfois un peu mythique. La biomasse du sol est en effet essentielle à la transformation des éléments organiques en éléments minéraux qui permettent l'alimentation minérale des plantes. Par conséquent, l'agriculture est par définition dépendante de la diversité du sol qui est sans doute, parmi toutes celles que nous avons évoquées aujourd'hui, la plus méconnue.
En replaçant ces éléments dans le présent contexte, force est de constater, même si nous ne disposons pas des indicateurs pertinents nécessaires, que l'évolution récente de l'agriculture n'est allée que dans le sens de la réduction de la biodiversité. Au niveau des parcelles, par exemple, nous avons réduit le nombre des espèces cultivées. A l'intérieur des espèces cultivées, nous avons restreint le nombre de génotypes. Nous avons utilisé des moyens de contrôle des ravageurs extrêmement puissants, limitant ainsi la cohorte de ces agresseurs des cultures. Assez fréquemment, nous avons abouti à une réduction de la teneur en matière organique des sols, en y injectant un certain nombre de produits biocides à caractère plus ou moins rémanent. Sans l'avoir quantifié de manière précise, nous pouvons donc supposer que, globalement, la biodiversité des sols a eu tendance à décroître.
Au niveau des paysages, la mécanisation a eu pour effet d'augmenter la taille des parcelles et, partant, de réduire les espaces interstitiels. Il en est de même des surfaces prairiales.
Enfin, au niveau international, l'agriculture s'est étendue au détriment des espaces naturels et elle continue de le faire, même si cela n'est pas le cas dans notre pays. Néanmoins, cette dynamique d'inversion de la tendance est relativement récente.
Etant donné que d'une part l'agriculture dépend de la biodiversité et, d'autre part, qu'elle n'a cessé de la réduire, nous devrions atteindre un point de rupture à partir duquel le système devrait s'arrêter de fonctionner. Néanmoins, nous ne disposons pas, actuellement, d'indicateurs de blocage suffisamment quantifiables en termes économiques pour convaincre les agriculteurs de changer leurs modes de fonctionnement.
Ainsi, nous n'assistons pas, dans notre pays, à une dégradation de la productivité physique, la production à l'hectare étant constante, voire en augmentation. Les pertes de récoltes, notamment en raison de l'invasion de ravageurs, ne sont pas significativement plus importantes qu'elles ne l'étaient autrefois. Nous ne constatons aucune augmentation considérable de la consommation intermédiaire pour un niveau de production donné.
En résumé, nous ne disposons d'aucune preuve d'atteintes fonctionnelles majeures permettant d'inciter les agriculteurs à s'interroger sur leurs comportements, ce qui pose un véritable problème aux défenseurs d'une dynamique d'écologisation de l'agriculture.
A ce titre, ce sont presque toujours les mêmes exemples qui sont utilisés : la pollinisation, les risques de parasitisme incontrôlable en cas de monoculture - ce dont les agriculteurs sont avertis depuis bien longtemps - les effets bénéfiques constatés de la biodiversité, qui engendre une résilience accrue au stress biotique.
Par conséquent, seule une minorité de professionnels a véritablement pris conscience des enjeux d'utilisation de la biodiversité pour améliorer leurs conditions productives. J'ai en effet le sentiment qu'il ne s'agit pas d'une préoccupation prioritaire pour la plupart d'entre eux, même s'il existe un certain nombre de niches de bénéfices tout à fait avérés, l'exemple classique, régulièrement cité à l'INRA, étant celui des bénéfices de la diversité des flores prairiales pour la qualité des fromages. Néanmoins, il s'agit de cas relativement isolés. D'une manière plus globale en effet, il reste difficile de démontrer aux agriculteurs les gains qu'ils pourraient tirer en favorisant la biodiversité.
Dans ces conditions, quels sont les moteurs potentiels du changement ?
A mon sens, il conviendrait en priorité d'accroître l'intérêt de la substitution des intrants, ce qui relève de la relation entre le coût de ces intrants et le coût des produits. A ce titre, contrairement à M. Griffon, l'augmentation des prix agricoles me paraît inquiétante dans la mesure où elle n'incitera pas nécessairement à économiser sur les intrants. Néanmoins, nous pouvons également imaginer de taxer les intrants ou les pesticides.
La réglementation constitue une seconde solution. A cet égard, le fait qu'un certain nombre de produits ne soient plus homologués crée des systèmes de maladies orphelines végétales et nous incite à trouver des substituts.
Enfin, nous notons l'inefficacité croissante des pesticides.
Ces éléments constituent autant de contraintes pour valoriser fonctionnellement la biodiversité.
L'autre volet de notre action devrait résider dans une prévention de la dégradation du patrimoine productif lui-même, c'est-à-dire notamment la limitation de la dégradation des sols, qui ne dépend pas aussi clairement que nous voulons le croire de la biodiversité. Ainsi, créer un obstacle à l'écoulement des eaux ne favorise pas nécessairement la biodiversité.
Enfin, il convient de distinguer entre la valorisation de la biodiversité à des fins productives et celle qui est mise en oeuvre par l'agriculture au titre des services écologiques rendus par la diversité du vivant qui sont, suivant les cas, valorisables financièrement ou non. Ainsi, si nous pouvons tirer des bénéfices financiers directs de la chasse, du tourisme rural, etc., la production d'eau de qualité, le stockage de carbone, etc., ne sont pas nécessairement valorisables à court terme.
Il existe plusieurs voies de valorisation : l'intérêt des couverts agricoles complexes, la création de variétés rustiques, la gestion des résistances génétiques aux ravageurs, la gestion de populations d'auxiliaires, la lutte biologique, la gestion de la biodiversité prairiale, etc.
La recherche a en effet produit, depuis quelques années, un certain nombre d'outils permettant à l'agriculture de valoriser d'ores et déjà l'accroissement de la biodiversité. En atteste le cas des mélanges de variétés céréalières comme moyen de protection phytosanitaire.
Néanmoins, le défi devant lequel nous nous trouvons réside dans le fait que les conditions actuelles ne nous permettent pas d'admettre a priori une réduction de la productivité. Il convient de favoriser la biodiversité tout en maintenant, voire en continuant d'augmenter la productivité, ce qui est particulièrement complexe. En effet, actuellement, personne ne sait comment nous pourrions désintensifier l'utilisation d'intrants tout en augmentant la productivité.
Par ailleurs, pour maintenir sa compétitivité, notre agriculture ne doit pas consommer davantage de main d'oeuvre. Or les conditions de diversification, notamment la combinaison agriculture-élevage, nécessitent un recours à de la main d'oeuvre supplémentaire et posent de sérieux problèmes dans un grand nombre de régions agricoles où cette main d'oeuvre n'est pas disponible.
Enfin, ces mesures à prendre s'inscrivent dans un contexte de changement global que nous avons déjà évoqué précédemment.
Il en résulte pour nous la nécessité de définir nos priorités entre un certain nombre de champs de recherches très actifs. J'ai mentionné tout à l'heure les voies de recherche ayant déjà donné des résultats, que nous sommes en train d'approfondir. En revanche, je n'ai pas abordé le rôle fondamental des sciences, qui a été relevé par la plupart des intervenants précédents, pour à la fois comprendre l'effet des politiques publiques ainsi que les coordinations possibles entre acteurs concernés, à différents titres, par la biodiversité, et rechercher des modes d'intervention avec les producteurs innovants.
Evoquons maintenant quelques conditions pour avancer en termes de recherche. Certaines de ces conditions ont déjà été évoquées, d'autres non. Il s'agit de la transdisciplinarité, entre l'écologie fondamentale, plus habituée à travailler sur les milieux naturels, et les disciplines agronomiques en général, dynamique en cours pour développer l'écologie des systèmes exploités, qui constitue l'une des conditions de création de l'ingénierie biologique à laquelle se référait Luc Abbadie.
Par ailleurs, il convient d'assurer la disponibilité de dispositifs d'observation et d'expérimentation de long terme.
Il est également fondamental que nous analysions des contextes écologiques et agricoles variés tant au niveau national que sur le plan international, dans la mesure où nous avons beaucoup à apprendre d'autres systèmes agricoles.
J'ajouterai qu'il convient de favoriser l'entretien et le développement des collections de ressources génétiques. Enfin, la condition centrale pour avancer en matière de recherche réside dans une définition plus claire des enjeux de politique nationale, en distinguant entre :
- la fonction de l'agriculture en tant que conservatrice de la biodiversité ;
- son intérêt à exploiter sa diversité pour elle-même ;
- le soutien à apporter à chacune de ces actions ;
- les réglementations relatives à l'usage des intrants, notamment à travers la politique agricole commune.
Ces différents objectifs doivent être conduits de façon plus cohérente. Je ne suis pas certain en effet que le fait de les fondre dans la relation entre agriculture et biodiversité nous permette d'aboutir à une vision claire des priorités politiques. Or cette définition est fondamentale pour la recherche dans la mesure où, si les agriculteurs n'adhèrent pas à un certain nombre d'objectifs précis, nous n'obtiendrons pas qu'ils participent à nos expérimentations à grande échelle, pour développer nos innovations et entrer dans une spirale d'apprentissage que nous devons conduire avec eux.
Claude SAUNIER
Vos propos constituent une parfaite illustration des difficultés qui nous attendent, consistant à conjuguer la préservation de la biodiversité, son utilisation durable mais également la capacité pour notre société d'appréhender toutes ces contradictions afin de rebondir.
Jean WEISSENBACH
Dans la mesure où les intervenants précédents ont déjà abordé un certain nombre de sujets dont je comptais vous entretenir, je serai bref.
J'évoquerai principalement l'intérêt de la biodiversité des microbes dans un certain nombre d'applications, notamment dans le domaine de la chimie. Comme il a été souligné, nous ignorons encore le nombre d'espèces microbiennes existantes. Néanmoins, ce chiffre n'est pas aussi important que les fonctions biologiques que sont capables de remplir ces microbes. Là encore, nous ne disposons d'aucun inventaire, ce qui nécessitera un effort scientifique considérable.
S'il y a quelques jours, Craig Venter a publié une liste de sept millions de gènes d'origine microbienne, nous ignorons les fonctions de la moitié d'entre eux, si ce n'est qu'ils servent vraisemblablement à procéder à des bioconversions.
Or ces bioconversions sont essentielles pour préparer la chimie de demain. Dans la mesure où elle ne sera plus basée sur le pétrole, celle-ci nécessitera l'utilisation de catalyseurs et d'effectuer toute une série de réactions chimiques qu'actuellement, seule la nature est capable de faire. En effet, lorsque nous nous adressons à eux pour leur demander d'utiliser des enzymes, les chimistes nous répondent très souvent qu'ils n'y connaissent rien.
J'ai notamment entendu ce type de réponse, il y a quelques semaines, lors d'une réunion de l'ANR, J'ai été particulièrement consterné de constater que nos collègues chimistes pensent encore en des termes très classiques. Il en est même de nos industriels, la seule façon de les convaincre étant de leur proposer des solutions « clé en main », c'est-à-dire de laisser le poids de l'effort de recherche sur les chercheurs.
Or, actuellement, la situation de la recherche en France en matière de biochimie est plutôt préoccupante. La biochimie a été remplacée en effet par la biologie moléculaire, dont je suis l'un des représentants. Ainsi, les étudiants ne veulent-ils pas entendre parler de métabolisme ou de biochimie.
Il est par conséquent essentiel que nous arrivions à inverser cette tendance, en nous inspirant notamment de nos pays voisins, comme l'Allemagne qui dispose toujours d'un niveau très satisfaisant en matière de biochimie. De même, son industrie chimique pense-t-elle beaucoup en termes de bioconversion. Il en est de même aux Etats-Unis. Nous devons donc fournir des efforts importants auprès des industriels et des pouvoirs politiques afin de relancer la recherche dans ces domaines.
Claude SAUNIER
Je suis particulièrement heureux d'accueillir Nicolas Hulot. Bien qu'il soit contraint de prononcer sans attendre son discours de clôture de notre colloque, je vous invite à reprendre ensuite nos débats sur le thème de la valorisation de la biodiversité, le dialogue avec la salle ayant été, depuis ce matin, particulièrement fécond.
Pierre Laffitte et moi-même avons été convaincus il y a trois ans de la nécessité de poser dans le débat politique, notamment en vue des élections présidentielles, les questions relatives au développement durable. Nous avons ainsi commis un premier rapport, au mois de juin, sur la problématique du réchauffement climatique et de l'énergie, ce qui nous a permis, six mois avant le rapport Stern, d'alerter la population sur le prix que risquait de nous coûter le réchauffement climatique, prix que nous avions estimé à 5 000 milliards d'euros.
Dans le prolongement de cette réflexion, il nous a semblé logique d'aborder la question de la biodiversité. Nous ne pouvons évoquer en effet la problématique du réchauffement climatique, sans aborder l'une de ses conséquences majeures, l'atteinte à la biodiversité.
Etant à mi-chemin de notre réflexion, nous avons jugé intéressant de vérifier nos intuitions auprès des scientifiques, au cours du présent colloque. Nous reprendrons ensuite notre réflexion afin de rendre notre rapport à la fin de cette année, en espérant que la médiatisation effectuée autour de cet état des lieux nous permettra de rappeler aux candidats à l'élection présidentielle, notamment à ceux qui ont quelques chances d'avoir des responsabilités, qu'au-delà des petites querelles politiciennes, il existe de grands enjeux : l'enjeu démographique, l'enjeu démocratique, l'enjeu de la mondialisation et l'enjeu climatique et environnemental.
Pierre LAFFITTE
Il me semble que nous n'avons pas à convaincre Nicolas Hulot de l'importance de ces enjeux.
Claude SAUNIER
Tout à fait. En revanche, nous devons le convaincre du fait qu'il existe des parlementaires farouchement engagés dans cette voie.