N° 32
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
RÉSOLUTION
adoptée
le 14 novembre 1995
RÉSOLUTION
sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d 'activités de radiodiffusion télévisuelle (n° E-419).
Le Sénat a adopté la résolution dont la teneur suit
Voir les numéros : |
Sénat : 349 (1994-1995), 43 et 59 (1995-1996).
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle ;
Considérant la nécessité d'adapter les dispositions de la directive 89/552 à l'évolution du contexte économique et technique de la diffusion télévisuelle ;
Considérant que cette adaptation est légitimée dans l'ordre juridique international par les conclusions de la négociation commerciale multilatérale d'Uruguay et dans l'ordre juridique communautaire par le titre IX du traité de Rome modifié par le traité de Maastricht, dans son article 128, paragraphe 2, alinéa 5 en particulier ;
Considérant par conséquent que la présente période se prête particulièrement à l'affermissement d'un socle réglementaire assurant un environnement favorable au développement des industries de l'image en Europe ;
1. Estime que la proposition de directive présentée par la Commission de l'Union européenne comporte des éléments satisfaisants au regard de cet objectif, en particulier :
- le caractère obligatoire du respect des quotas de diffusion d'oeuvres européennes institués par l'article 4,
- renonciation de critères précis de détermination de la compétence des Etats membres sur les organismes diffuseurs,
- l'obligation imposée aux Etats membres de se doter d'un système de sanctions et de mesures conservatoires applicables aux organismes relevant de leur compétence en cas de violation des dispositions de la directive,
- l'élaboration d'un régime juridique du téléachat favorisant le développement de cette catégorie de service ;
2. Invite le Gouvernement à rechercher dans la négociation encours la correction des insuffisances qui altèrent gravement la portée du texte présenté par la Commission :
En ce qui concerne les quotas de diffusion,
- la disposition prévoyant leur disparition à l'expiration d'une durée de dix ans devrait être remplacée par une clause d'évaluation et de réexamen à échéance plus proche qui, sans pérenniser le système des quotas, faciliterait sa reconduction éventuelle, au vu de l'évolution de l'industrie européenne des programmes,
- il conviendrait de supprimer l'assimilation des émissions réalisées en plateau, sauf pour la part qu'elles consacrent, le cas échéant, à la diffusion d'oeuvres musicales européennes, à des oeuvres européennes, cette dernière qualité devant être réservée aux oeuvres de stock (films, fictions télévisuelles, documentaires, films d'animation),
- il conviendrait enfin de prévoir l'application des quotas de diffusion aux heures d'écoute significative afin de prévenir le recours à la diffusion nocturne comme échappatoire,
- si la spécificité de leur programmation peut justifier l'octroi aux chaînes thématiques de la possibilité de se soumettre à une obligation d'investissement dans la production d'oeuvres européennes, s'exonérant ainsi de l'obligation d'appliquer la règle des quotas de diffusion, la décision d'instituer cette faculté doit appartenir aux seuls Etats membres. En tout état de cause, il convient que l'obligation d'investissement soit calculée par rapport au chiffre d'affaires du diffuseur et non par rapport à son budget de programme ;
En ce qui concerne le développement du marché européen de programmes,
- il conviendrait, afin de favoriser une meilleure circulation des oeuvres européennes, d'inciter chaque Etat à prévoir des dispositifs favorisant la diffusion ou la distribution d'oeuvres produites dans un autre Etat que celui où elles sont diffusées ou distribuées ;
En ce qui concerne le contrôle de l'application de la directive,
- il serait nécessaire d'accorder à un Etat apparaissant comme le principal destinataire des émissions d'un diffuseur basé dans un autre Etat membre une compétence de contrôle sur le contenu des programmes soit au regard de sa propre législation, soit, au minimum, au regard de la réglementation européenne, afin de prévenir les distorsions de concurrence résultant de la délocalisation des diffuseurs dans des Etats membres dotés d'une réglementation laxiste en matière de contenu des programmes,
- il conviendrait aussi d'insérer dans le texte de l'article 3 de la directive une disposition invitant les Etats membres à ouvrir des voies de recours juridictionnel efficaces et rapides à toute personne morale intéressée établie dans l'Union européenne ;
En ce qui concerne les autres dispositions,
- il est nécessaire d'obtenir, à l'article 7 instituant la chronologie des médias, une rédaction permettant le respect effectif de cette chronologie dans tout Etat membre, ce qui implique l'abandon, comme point de départ de la computation des délais, du critère de la sortie en salle dans un des Etats membres de l'Union,
- il est aussi indispensable d'obtenir que la directive en négociation énonce le principe de l'application du régime juridique de l'audiovisuel aux nouveaux services, y compris les services interactifs ;
3. Se félicite des perspectives d'amélioration du texte apparues au cours des débats du Conseil des ministres :
- les critères de détermination de la compétence des Etats membres sur les diffuseurs pourraient être mieux précisés,
- l'obligation des Etats membres d'ouvrir des voies de recours efficaces aux tiers lésés par les manquements des diffuseurs nationaux pourrait être clairement énoncée ;
4. Estime, en revanche, que l'abandon du caractère pérenne du système des quotas devrait être considéré comme une atteinte inacceptable à l'acquis communautaire défini en 1989 et justifierait dès lors la mise en oeuvre du droit de veto ;
5. Insiste sur la nécessité de maintenir la position de la France en ce qui concerne la définition de l'oeuvre européenne, l'application du système des quotas aux heures de grande écoute, l'institution d'un régime optionnel de diffusion des quotas par les chaînes thématiques, la chronologie des médias et l'assimilation des nouveaux services interactifs à des services de télévision ;
6. Estime que l'instauration éventuelle d'une procédure autorisant les Etats membres à accorder des dérogations aux dispositions en faveur de la production audiovisuelle européenne ne serait acceptable que si son déroulement était contrôlé efficacement par la Commission.
Délibéré, en séance publique, à Paris, le 14 novembre 1995.
Le Président,
Signé : René MONORY.