Document "pastillé" au format PDF (39 Koctets)
N° 160
SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016 21 juin 2016 |
RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) . |
Est devenue résolution du Sénat, conformément à l'article 73 quinquies , alinéas 4 et 5, du Règlement du Sénat, la résolution adoptée par la commission des affaires étrangères dont la teneur suit : |
Voir les numéros : Sénat : 619 et 686 (2015-2016). |
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le titre V du traité sur l'Union européenne (TUE), en particulier ses articles 42, 43, 44 et 46, et vu l'article 47,
Vu l'article 222 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu la stratégie européenne de sécurité adoptée par le Conseil européen le 12 décembre 2003,
Vu la résolution du Parlement européen sur « les clauses de défense mutuelle et de solidarité de l'Union européenne : dimensions politique et opérationnelle » du 22 novembre 2012 (2012/2223 (INI)),
Vu les conclusions du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015,
Vu la résolution européenne n° 88 adoptée par le Sénat le 1 er avril 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l'adoption d'un Acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne,
Vu la décision du Conseil (2014/415/UE) du 24 juin 2014 concernant les modalités de mise en oeuvre par l'Union de la clause de solidarité,
Vu la communication de la Commission du 24 juillet 2013 contenant un plan d'action visant à renforcer l'efficacité et la compétitivité du secteur européen de la défense et de la sécurité,
Vu le compte rendu du Conseil Affaires étrangères défense du 17 novembre 2015,
Vu la communication de la Commission du 20 avril 2016 sur la mise en oeuvre du programme européen en matière de sécurité du 28 avril 2015,
Considérant les menaces multiformes que les actions terroristes, telles que celles commises à Paris en janvier et novembre 2015 et à Bruxelles le 22 mars 2016, font peser sur la sécurité intérieure des États membres de l'Union européenne ;
Considérant également les défis de sécurité lancés à l'Union européenne par les crises régionales qui perdurent à sa périphérie, à l'Est comme au Sud ;
Soulignant à cet égard la répercussion croissante entre les crises extérieures au territoire européen et les actions terroristes commises sur celui-ci, entre sécurité extérieure et sécurité intérieure ;
Considérant que la dernière stratégie européenne de défense a été définie en 2003 et qu'elle doit impérativement être adaptée aux menaces nouvelles portées par un environnement stratégique en profonde évolution ;
Considérant que les cinq cent millions d'Européens ont parmi leurs préoccupations essentielles la défense et la sécurité, et attendent que l'Union européenne en fasse une de ses priorités ;
Salue le recours pour la première fois, par la France, à l'article 42-7 du TUE, prévoyant l'assistance mutuelle à un État-membre en cas d'agression armée sur son territoire et se félicite du soutien « plein et unanime » exprimé le 17 novembre 2015 par les ministres de la défense de l'Union européenne, qui se sont dits prêts « à fournir toute l'aide et l'assistance nécessaires » ;
Se félicite des contributions militaires, bien que d'ampleur et d'efficacité diverses, proposées à la France par les États membres dans le cadre de la mise en oeuvre de la clause d'assistance mutuelle de l'article 42-7 TUE, pour l'appuyer dans la lutte contre le terrorisme de masse de Daech ou la renforcer sur des théâtres d'opérations extérieures ;
Se félicite de la décision du Conseil des 25 et 26 juin 2015 confiant à la Haute Représentante la mission de définir, en coopération avec les États membres, une nouvelle « stratégie globale de l'Union européenne concernant les questions de politique étrangère et de sécurité » ;
Rappelle que le Royaume-Uni est un partenaire important de la défense européenne, et tout en souhaitant son maintien au sein de l'Union, estime que, quel que soit le résultat du référendum britannique sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, cette nouvelle stratégie globale de l'Union européenne devra être examinée par le Conseil des 28 et 29 juin prochains, tant elle apparaît fondamentale et nécessaire pour répondre aux défis de sécurité intérieure et extérieure des États membres de l'Union européenne ;
Estime que les coopérations bilatérales, ou plus généralement infracommunautaires, peuvent être des incitations au développement de l'action commune des États membres, notamment dans le domaine de la sécurité et de la défense et souhaite le renforcement de la coopération franco-allemande, moteur historique de l'Union européenne. Appelle de ses voeux une association par le gouvernement français du gouvernement allemand et de tous les gouvernements qui le souhaiteraient à une réflexion conjointe sur la mise en oeuvre d'une coopération de défense ambitieuse portant notamment sur le développement des capacités opérationnelles, le comblement des lacunes capacitaires, l'élaboration de programmes communs d'équipement ainsi que sur la coopération structurée permanente. Rappelle, toutefois, que ces diverses coopérations ne doivent pas gêner le développement ultérieur d'une politique européenne commune ;
Considère que le document stratégique présenté par la Haute Représentante devra comporter une composante « défense » substantielle et aboutir ultérieurement à la rédaction d'un document de type « livre blanc » d'analyse partagée des menaces et des moyens d'y parer, invitant les États-membres à des engagements et des actions concertées en termes d'investissement et de capacités de défense ;
Estime que le document devra tirer les conséquences opérationnelles de l'imbrication irréversible des défis de sécurité intérieure et extérieure ;
Souhaite que la future stratégie globale rappelle et actualise les modalités agréées de coopération et de partenariat entre l'Union Européenne et l'OTAN, respectant la spécificité et l'autonomie de décision de chacune ;
Invite les gouvernements des États de l'Union européenne également membres de l'OTAN à veiller, lors du prochain sommet de l'OTAN à Varsovie, à la cohérence des stratégies respectives de l'Union et de l'Organisation atlantique ;
Souhaite que la future stratégie globale aborde la question des relations de l'Union européenne avec son voisinage, en particulier avec la Russie, dans le respect du droit international ;
Propose l'établissement d'une réunion annuelle du Conseil européen consacrée aux questions de sécurité et de défense afin d'évaluer les menaces afin de pouvoir élaborer de façon rapide une réponse collective européenne aux crises ;
Propose l'institutionnalisation du Conseil des ministres de la défense, chargé, notamment, de préparer la réunion annuelle du Conseil européen consacré aux questions de sécurité et de défense, d'évaluer les menaces, de proposer des modifications législatives permettant de favoriser l'émergence d'un marché et d'une base industrielle européens de la défense, et de favoriser la prise en compte des priorités de sécurité et de défense dans les orientations budgétaires communautaires afin, notamment, de créer un fonds d'urgence permettant, en cas de crise sécuritaire grave, de soutenir un pays intervenant pour la résoudre, et de prévoir dans les prochaines perspectives européennes la création d'un fonds structurel dédié aux dépenses de sécurité et de défense ;
Déplore que certaines dispositions innovantes du traité sur l'Union européenne n'aient pas été utilisées à ce jour, en particulier celles des articles 44 sur les coopérations renforcées et 46 sur la coopération structurée permanente, en dépit de leur flexibilité propre à notamment stimuler la coopération de défense entre États membres volontaires ;
Regrette également que le mécanisme de financement européen d'urgence prévu par l'article 41-3 TUE pour la préparation de missions de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) n'ait pas été activé ;
Invite de même le Conseil et les États membres à envisager l'engagement dans les opérations PSDC des groupements tactiques de l'Union européenne (GTUE) dont les caractéristiques de modularité et de flexibilité apporteraient une valeur ajoutée opérationnelle, en particulier s'ils font appel au corps européen ;
Souligne la pertinence, dans plusieurs domaines-clé de la défense tels que le développement des capacités opérationnelles, le comblement des lacunes capacitaires ou l'élaboration de programmes communs d'équipements, du mécanisme de coopération structurée permanente (art. 42-6 TUE) ; invite les États membres à étudier les nombreuses potentialités qu'il permet en vue de la mise en oeuvre d'une coopération de défense ambitieuse ;
Appelle à donner une véritable priorité à la sécurité et à la défense dans la détermination des choix budgétaires nationaux compte tenu des menaces nouvelles ;
Considère que dans un contexte de rareté durable de la ressource financière publique, d'une part, et de menaces multiformes croissantes, d'autre part, le développement rationnel de capacités de défense et d'instruments de sécurité passe par une réflexion partagée sur les budgets de défense et une coopération industrielle accrue, permettant de réduire la fragmentation du marché européen de défense et d'optimiser l'offre capacitaire européenne ;
Invite le Gouvernement français, après l'accord de Paris, et alors que le dérèglement climatique est aujourd'hui reconnu comme un risque stratégique à part entière, à promouvoir un instrument de concertation et de coordination politique au niveau européen afin d'anticiper et de répondre efficacement aux crises qu'engendrent le dérèglement climatique et la montée des tensions autour de l'accès aux matières premières et particulièrement de l'accès à l'eau ;
Invite les gouvernements à :
- conforter et renforcer le rôle de l'Agence européenne de défense (AED) en veillant à lui consentir les moyens susceptibles de lui permettre de remplir sa mission, en s'assurant qu'elle reste, sous l'impulsion de la Haute Représentante, un outil de développement des programmes d'armement européen et de définition des normes applicables aux équipements, au service des États membres, et enfin en examinant les modalités et les avantages attendus d'un éventuel rapprochement avec l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR) ;
- favoriser l'intégration des investissements capacitaires de défense des États membres, liés aux programmes d'équipements définis au sein de l'AED, aux contributions nationales au Fonds Européen d'Investissements Stratégiques (FEIS), et ainsi de ne pas les comptabiliser dans les dépenses prises en compte dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance ;
- proposer que le Conseil étudie comment adapter le concept de « semestre européen » au domaine de la sécurité et de la défense ;
Invite le gouvernement français à peser sur la Commission européenne afin qu'elle décide d'une application plus flexible de l'article 41-2 TUE et des règles de l'instrument européen contribuant à la stabilité et à la paix afin de donner plein effet à son objectif de prévention et de stabilisation des secteurs de sécurité des pays en sortie de crise, et permettre la mise en oeuvre d'un réel instrument européen de construction de capacités de sécurité et de défense ;
Salue l'initiative de la Commission européenne, dans le cadre de son plan d'action pour la défense, d'une action préparatoire expérimentale tendant à ce que le budget européen puisse participer à compter de 2017 au financement des investissements de recherche-développement dans le domaine de la défense ;
Invite le gouvernement français à soutenir pleinement le projet d'action préparatoire et expérimentale et à proposer des initiatives s'inscrivant dans cette perspective ;
Plaide pour accroître les moyens financiers et humains affectés au Centre satellitaire de l'Union européenne (CSUE) afin d'en faire une ressource opérationnelle efficace au profit des opérations et missions conduites par les États membres, y compris dans le cadre de missions PSDC.
Devenue résolution du Sénat le 21 juin 2016.
Le Président,
Signé : Gérard LARCHER