N° 47
SÉNAT
Session ordinaire de 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 novembre 1999
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE AU NOM DE LA DÉLÉGATION
POUR L'UNION EUROPÉENNE (1), EN APPLICATION DE L'ARTICLE
73
BIS
DU RÈGLEMENT,
sur la communication de la Commission
au Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de
l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de
l'
Organisation Mondiale du Commerce
(E 1285),
Par MM. Jean BIZET et Marcel DENEUX
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Affaires
économiques et du Plan sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le Règlement).
(1) Cette
délégation est composée de :
M. Hubert Haenel,
président
;
Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. James Bordas,
Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou,
vice-présidents
; Nicolas About, Hubert Durand-Chastel,
Emmanuel Hamel,
secrétaires
; Bernard Angels, Robert Badinter,
Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau,
MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Robert Del Picchia, Marcel Deneux,
Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André
Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Daniel
Hoeffel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Paul Masson,
Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Simon Sutour, René
Trégouët, Xavier de Villepin, Henri Weber.
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs
Le 15 avril 1994, à
l'issue du cycle de l'Uruguay et après sept années de
négociations d'une âpreté que n'ont pas oublié les
partenaires d'aujourd'hui, l'accord de Marrakech a donné naissance
à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Instituée le
1
er
janvier 1995, celle-ci a conféré un cadre
général au commerce international, en instaurant, au-delà
des règles tarifaires du GATT qu'elle intégrait, des
procédures communes de règlement des différends
commerciaux.
L'OMC compte, à ce jour, 134 Etats membres,
les pays en voie de développement étant largement majoritaires
dans cette institution, et ses premières années de fonctionnement
ont progressivement affermi son autorité, en dépit de l'absence,
en son sein, des partenaires essentiels que ne sont pas encore la Chine et la
Russie.
Les règles de fonctionnement de l'OMC prévoient
l'organisation régulière d'une Conférence
ministérielle réunissant l'ensemble des pays membres : deux
réunions se sont ainsi tenues, d'abord à Singapour, en
décembre 1996, puis à Genève en mai 1998. La
troisième Conférence ministérielle sera ouverte à
Seattle du 30 novembre au 3 décembre prochains. Conformément
à " l'agenda intégré " préfixé par
l'accord de Marrakech, elle doit être l'occasion d'un cycle de
négociations portant sur de nouvelles mesures de libéralisation
dans l'agriculture et les services.
Depuis mai 1996 -notamment
sous l'impulsion initiale de Sir Leon Brittan, alors Vice-président
de la Commission européenne-, l'Union souhaite avec constance que cette
échéance constitue l'occasion de l'ouverture de
négociations plus vastes, allant au-delà de cet agenda
intégré.
Dans cette perspective, la Commission a
exposé, dans le document E 1285 soumis à l'examen de votre
délégation et présenté en juillet 1999, ce que
pourrait être la position de l'Union durant cette négociation
qu'elle intitule
" du millénaire "
.
Dans un
souci d'efficacité, la délégation pour l'Union
européenne a souhaité exclure de son étude l'aspect
relatif au secteur agricole, agro-alimentaire et à la
sécurité alimentaire des produits bien que ces questions soient
au coeur des futures négociations. Elles feront en effet l'objet d'une
analyse globale par la Commission des Affaires économiques et du Plan
dans un rapport d'information consacré plus largement à l'avenir
du secteur agro-alimentaire et donneront lieu au dépôt d'une
proposition de résolution spécifique.
1. Le
programme de travail présenté par la Commission
Afin de préparer la position qui pourrait être celle de
l'Union pour le nouveau cycle de l'OMC, la Commission a défini la liste
des thèmes qu'il serait opportun d'inscrire à l'ordre du jour de
la Conférence de Seattle et les objectifs que devrait poursuivre
l'Europe durant les négociations.
Cette communication
présente la future négociation comme
" un instrument
précieux pour améliorer la croissance européenne, pour
stimuler la croissance économique et le développement, et pour
assurer la bonne gestion de la mondialisation "
. Trois points
dominent en effet sa réflexion :
- le souci de
favoriser le développement durable
, qui constitue
déjà, pour l'Union, une priorité retenue dans les
différentes politiques communautaires ;
- la prise en
compte des
spécificités des pays en voie de
développement
pour les accompagner dans leur intégration
au commerce international, les dernières années ayant
montré que la mondialisation avait plus accru les écarts de
développement qu'elle n'avait soutenu l'essor des économies
émergentes ou en voie de développement ;
- la
prise en considération des
préoccupations des citoyens
européens
et la sensibilisation de l'opinion publique aux
avantages socio-économiques du système de l'OMC.
*
Le cadre souhaité par la Commission est celui d'une
négociation globale
: elle suppose que l'ensemble
des points qui seront en discussion fasse l'objet d'un accord et exclut une
approche sectorielle plus limitée, qui, ne permettant pas une
répartition des avantages entre tous les participants, pourrait
compromettre les chances d'aboutir à un résultat final acceptable
par tous.
Le programme de travail s'articule autour de quatre
objectifs :
- assurer un progrès sensible en
matière de libéralisation des échanges et d'accès
au marché de manière à créer des conditions plus
favorables à la compétitivité et à obtenir des
résultats substantiels et équilibrés -notamment en
maintenant, au profit des pays en développement, un
" traitement spécial et
différencié "
;
- promouvoir le
renforcement du système multilatéral de l'OMC de manière
à en faire un instrument réellement universel de gestion des
relations commerciales internationales ;
- renforcer le
rôle et la capacité de l'OMC en matière de
développement, en prévoyant des actions spécifiques de
renforcement des capacités des pays moins avancés ;
- veiller à ce que l'OMC continue à traiter, de
manière visible, les questions qui préoccupent l'opinion publique
telles que la santé, l'environnement et les problèmes sociaux.
De ce document émerge un programme ambitieux visant à
négocier une libéralisation et une réglementation plus
poussées dans les domaines suivants : agriculture, services, droits
de douane sur les produits non agricoles, investissements, concurrence,
facilitation du commerce, marchés publics et rapports entre commerce et
environnement.
La Commission considère qu'un cycle de
négociation de trois ans pourrait être souhaitable pour
étudier l'ensemble des domaines pressentis, compte tenu du contexte de
la prochaine Conférence interministérielle. Elle observe ainsi
qu'il ne devrait y avoir, cette fois, aucune contestation des structures
mêmes de l'OMC et que les secteurs proposés à
l'étude des différents partenaires ont déjà fait
l'objet de discussions exploratoires. La complexité des discussions lors
du cycle de l'Uruguay et les sept années de négociations
nécessaires à son achèvement sont pour beaucoup dans cet
optimisme affiché.
2. La position commune
arrêtée par les Quinze
Au prix d'une
activité diplomatique intense, les quinze Etats membres sont parvenus
à formaliser une position commune définissant en quelque sorte le
mandat confié à la Commission pour conduire la négociation
en leur nom. Celle-ci explore l'ensemble des thèmes que l'Union
propose d'inscrire à l'ordre du jour des futures négociations, si
ses partenaires en étaient d'accord.
Cette position commune,
définie non sans mal le 22 octobre dernier et formellement
entérinée le 26 octobre lors du " Conseil
Pêche ", est venue tempérer l'effet négatif produit
par l'échec de la précédente tentative de conciliation au
cours du Conseil Affaires générales élargi aux ministres
chargés du commerce extérieur, tenu à Luxembourg le
11 octobre.
En effet, en dépit d'un accord partiel sur les
thèmes qui pourraient entrer en négociation, deux questions
essentielles restaient jusqu'alors encore en suspens :
a)
L'exception culturelle
Si le document préparatoire de la
Commission ne mentionnait pas le domaine culturel, la France attachait une
importance extrême à l'élaboration d'une position
spécifique à cette matière. Refusant de revenir sur les
acquis du cycle de l'Uruguay qui, déjà sur influence
française, avait imposé
" l'exception
culturelle "
, elle souhaitait exclure la culture du champ des
négociations du prochain cycle et demandait qu'il soit clairement
établi que les Etats pourraient toujours décider du degré
d'ouverture de leur marché aux opérateurs étrangers,
subventionner leur secteur audiovisuel, réglementer dans ce domaine et
préserver leur patrimoine.
Une position de compromis a
finalement été dégagée, n'excluant pas formellement
la culture du champ des négociations, mais offrant aux Etats membres des
garanties sur leur liberté de mettre en oeuvre des politiques
audiovisuelles conçues pour préserver la diversité
culturelle. Selon M. Moscovici, entendu par la délégation le
27 octobre dernier, l'accord final négocié entre les Quinze
soutient la position française et confirme le souhait de l'Union de voir
préservée l'exception culturelle :
" L'Union
veillera, pendant les prochaines négociations de l'OMC, à
garantir comme dans le cycle d'Uruguay, la possibilité pour la
Communauté et ses Etats membres de préserver et de
développer leur capacité à définir et mettre en
oeuvre leurs politiques culturelles et audiovisuelles pour la
préservation de leur diversité culturelle ".
b) Les
normes sociales
La question de la définition de normes
sociales minimales que les membres de l'OMC s'engageraient à respecter
avait déjà été abordée lors de la
Conférence de Singapour de décembre 1996.
Elle
s'était alors heurtée à la résistance très
vive des pays en voie de développement qui voyaient dans cet argument
une menace protectionniste des pays développés et une remise en
cause, illégitime à leur sens, de l'avantage comparatif dont ils
disposent en raison du faible coût de leur main-d'oeuvre. Le consensus
s'était alors porté sur la demande d'une coopération sur
ce thème entre l'OMC et l'organisation internationale du travail (OIT)
qui n'a pour l'heure, pas donné de résultats probants.
L'Allemagne, soutenue activement par la France, souhaitait que l'OMC
elle-même puisse être désormais le cadre d'une discussion
approfondie sur ce thème, plutôt que de réserver, sans
succès d'ailleurs, son examen à l'OIT.
Le compromis final
prévoit que l'Union soutiendra la création d'un
" Forum
permanent de travail conjoint à l'OIT et l'OMC sur le commerce, la
mondialisation et les questions sociales afin de promouvoir une meilleure
compréhension des questions afférentes à travers un
dialogue de substance entre toutes les parties intéressées (y
compris les gouvernements, employeurs et syndicats). Ce dialogue devrait
inclure un examen de la relation entre politique commerciale,
libéralisation commerciale, développement et droits sociaux
fondamentaux ".
En outre, ce Forum serait chargé de la
préparation d'une réunion ministérielle à tenir
avant 2001 et que l'Union européenne proposerait d'accueillir.
Cette formule intermédiaire constitue sans doute la
manière la plus adéquate d'introduire une question aussi
controversée dans l'ordre du jour de Seattle et de convaincre les pays
en voie de développement de la nécessité d'intégrer
les progrès sociaux et la définition de normes sociales
fondamentales dans leur propre réflexion.
c) Les autres
secteurs d'intérêt commun
Sur les autres domaines
susceptibles d'être inscrits à l'ordre du jour de la
Conférence, la position commune des Quinze est largement inspirée
des propositions initiales de la Commission :
-
Les services :
les dossiers relevant de
l'agenda précédent et qui n'ont pas été
menés à bien -mesures de sauvegarde, subventions et
marchés publics- devraient pouvoir être intégrés au
prochain cycle. Concernant l'ouverture des marchés publics, il est
proposé d'englober de nouveaux secteurs et d'y associer un plus grand
nombre de pays. Les Etats membres ont en outre préconisé la mise
en oeuvre de pratiques nationales plus transparentes et non discriminatoires.
-
Les investissements :
les Quinze se sont
montrés favorables à l'établissement d'un cadre
multilatéral de règles spécifiques destiné à
assurer un climat stable et prévisible à l'investissement direct
étranger, confortant la sécurité de l'apporteur de
capitaux tout en préservant la faculté des pays d'accueil de
réglementer l'activité des investisseurs sur leur territoire
respectif.
Il n'est pas inutile de rappeler qu'un projet d'objectif
similaire avait précédemment été mis à
l'étude dans un autre cadre, celui de l'OCDE, et avait fait alors
l'objet d'une très vive contestation -notamment française- sous
son appellation " AMI " (accord multilatéral sur
l'investissement) avant d'être finalement ajourné. Ses
détracteurs opposaient que le lieu adéquat de discussion de ce
projet serait celui de l'OMC, ce qu'ils confirment aujourd'hui ; il avait
également été combattu en raison du risque qu'il
présentait pour le financement d'investissements culturels et
audiovisuels. Il est souhaitable que ce dernier argument ne soit pas
oublié, le cas échéant, lors des prochaines
négociations.
-
Les règles de
concurrence :
le Conseil souhaite que l'OMC puisse définir
des approches communes à l'égard des pratiques
anticoncurrentielles ayant une incidence significative sur le commerce.
-
La réduction des droits de douane sur l'ensemble
des échanges
, notamment la disparition de certains
" pics " tarifaires -par lesquels les pays protègent
quelques-uns de leurs produits en imposant des droits de douane très
élevés aux productions importées équivalentes-, de
même que
la suppression des obstacles techniques au
commerce
et la simplification des procédures
commerciales
.
En matière de libéralisation des
échanges, le domaine particulier de
la pêche
a
fait l'objet d'un développement spécifique, à l'initiative
de l'Espagne, rappelant les obligations internationales de conservation des
ressources de la mer. Les Quinze ont ainsi affirmé que
" toute
décision en liaison avec la libéralisation des échanges
devra prendre dûment en considération le respect de la Convention
internationale des Nations unies sur le droit de la mer et les objectifs des
accords internationaux en matière de conservation de la nature et de
gestion des ressources, ainsi que les accords internationaux en matière
de pêche "
. Plusieurs de nos partenaires, parmi lesquels les
Etats-Unis, semble-t-il, seraient disposés à éliminer les
subventions qui génèrent des capacités
excédentaires dans le domaine de la pêche et contribuent de ce
fait à l'extinction des espèces.
-
Les
préoccupations environnementales :
le Conseil
préconise l'interaction entre politiques commerciales et environnement
dans une perspective de soutien au développement durable. Il
réclame également l'affirmation du principe de précaution
qui concerne, outre le domaine alimentaire, la protection de l'environnement et
la santé publique.
-
La propriété
intellectuelle
:
l'entrée en vigueur de
l'accord relatif aux aspects des droits de propriété
intellectuelle liés au commerce (ADPIC) a, certes, apporté
quelques améliorations en la matière mais ne garantit pas
entièrement ces droits, notamment pour ce qui concerne les appellations
d'origine et les règles de dépôt des brevets.
*
La position de l'Union sort renforcée de
l'élaboration d'une position commune aux quinze Etats membres.
Toutefois, plus que d'une liste de thèmes à évoquer, c'est
d'une réelle stratégie européenne dont a besoin l'Union
pour aborder une négociation sur laquelle pèsent encore de
profondes incertitudes.
3. Les incertitudes de la
négociation
a) Des positions difficilement
conciliables
Les propositions européennes, si elles sont
appuyées par de nombreux partenaires tiers, ne recueillent pas
l'assentiment de tous et rencontrent notamment une opposition américaine
virulente.
- Les Etats-Unis, largement soutenus par la plupart des
pays du groupe de Cairns -créé en 1986 à l'initiative de
l'Australie et qui regroupe des pays exportateurs de produits agricoles
(1(
*
))
-
préconisent une
négociation étroite
,
essentiellement centrée sur la libéralisation de l'agriculture et
des services prévue à l'agenda intégré de l'accord
de Marrakech. Considérant que le délai de trois années
imparti aux négociations sera trop court pour mener à bien
l'ambitieux programme européen, ils sont partisans d'accords sectoriels
à acter au fur et à mesure de l'avancée de la
négociation afin de ne pas subordonner l'entrée en vigueur de
certains compromis à l'acceptation hypothétique des dossiers les
plus délicats.
- A l'inverse, le Japon -mais aussi la
Corée du Sud, le Canada ou le Mexique- soutient la position
européenne. Il menace même de boycotter les futures
négociations si les Etats-Unis s'obstinent à refuser
d'élargir l'ordre du jour du nouveau cycle. Ses préoccupations
rejoignent celles de l'Union, notamment en matière de
réglementation des investissement, de procédures anti-dumping, de
concurrence, d'intégration régionale et de suppression des
obstacles techniques aux échanges.
- Les pays en voie de
développement restent, pour l'essentiel, très
réservés sur l'opportunité de lancer un nouveau cycle de
négociations, après le récent cycle d'Uruguay, dont ils
estiment avoir tiré peu de bénéfices en contrepartie de
l'ouverture de leurs marchés. Ils sont en particulier très
demandeurs d'un assouplissement important des procédures anti-dumping
que leur infligeraient les pays développés.
*
La conciliation de ces points de vue paraît donc un
exercice d'une grande complexité. Une tentative de synthèse des
positions en présence a échoué, le 19 octobre 1999, la
plupart des 134 pays membres -y compris l'Union européenne- de l'OMC
ayant jugé son orientation
" trop
américaine "
. Réunis à Lausanne le
26 octobre dernier, les représentants des vingt-quatre principales
puissances commerciales au monde ont toutefois
" confirmé leur
détermination à surmonter les divergences qui subsistent et
à adopter, à Seattle, un programme de négociation
équilibré qui aborde les intérêts de tous les
membres de l'OMC "
.
b) Le poids des pays en voie de
développement
La négociation qui s'ouvrira à
Seattle sera très différente de celles conduites lors des
précédents cycles. Au dialogue traditionnel Union
européenne - Etats-Unis succédera un concert à trois
voix avec, comme nouveaux partenaires, les pays en voie de développement
qui composent les deux tiers de l'effectif des membres de l'OMC et qui
sont eux-mêmes divisés entre les économies
émergentes et les pays moins avancés.
Cette
négociation est essentielle pour les pays accusant un retard de
développement. Ceux-ci ont en effet, au fil des cycles de
négociations tarifaires entraînant la baisse substantielle des
droits de douane, vu s'éroder les conditions privilégiées
dont ils pouvaient être bénéficiaires. Si certaines
économies ont su tirer partie des avantages de la mondialisation,
d'autres pays ont, au contraire, souffert d'une nouvelle dégradation de
leur situation.
Côté européen, la
négociation devra également être conduite en gardant
à l'esprit les dispositions de la Convention de Lomé,
régissant les relations entre l'Union et soixante-et-onze pays ACP, dont
le volet IV est actuellement en cours de renouvellement et qui pourrait
aboutir à la fin de l'année 1999. Cette négociation s'est
également avérée très délicate, la
difficulté essentielle portant sur une exigence de " bonne
gouvernance " des pays bénéficiaires en contrepartie des
avantages qui leur sont consentis dans le cadre du partenariat. Cet aspect des
relations entre pays industrialisés et pays en développement
pourrait être utilement envisagé dans le cadre de la
négociation à l'OMC.
*
Lors de sa réunion du 3 novembre 1999, la délégation a examiné la communication de la Commission E 1285 et a conclu au dépôt de la proposition de résolution suivante :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition E 1285 portant communication de la Commission
relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du
millénaire de l'Organisation Mondiale du Commerce,
Rappelant
l'attachement que la France porte à l'Organisation Mondiale du Commerce,
en raison de la place qu'elle offre à l'ensemble des pays, quel que soit
leur état de développement, de son rôle éminent dans
le règlement des conflits, et de sa contribution au développement
des échanges, facteur de stabilité et de progrès ;
Constatant l'ouverture à Seattle, le 30 novembre 1999, d'un
nouveau cycle de négociations dans le cadre de l'OMC,
conformément à l'agenda incorporé figurant à
l'accord de Marrakech ; estime indispensable qu'il y soit discuté,
outre des questions relatives à l'agriculture et aux services, des
questions nouvelles rendues nécessaires pour permettre une meilleure
gestion des conséquences de la mondialisation ; souhaite ardemment
que les membres de l'OMC puissent parvenir à s'accorder sur un ordre du
jour élargi ;
Soutient la position défendue par la
Commission et le Conseil d'un cycle global de négociations, supposant
l'obtention d'un accord sur l'ensemble à l'issue des
négociations, et non la recherche d'accords sectoriels qui seraient
susceptibles de ne pas accorder à toutes les parties des avantages
comparables et de remettre en cause le résultat final de la
négociation ;
Se prononce avec force en faveur de la
priorité accordée aux pays en voie de développement et
soutient la volonté exprimée par l'Union de tenir compte de leurs
particularismes et de leur fragilité pour accompagner leur
intégration dans le commerce international ; souhaite
l'amélioration des conditions d'échange qui pourraient leur
être accordée ;
Se réjouit qu'une position
commune aux Quinze ait pu être définie afin de confier à la
Commission la conduite des négociations sur les thèmes de travail
définis par les Conseils des 11 et 26 octobre 1999 ;
Souligne l'importance qu'elle attache au maintien et à la
promotion de la diversité culturelle ; souhaite que les oeuvres de
l'esprit soient exclues des négociations ; engage le Gouvernement
à veiller, avec la plus grande vigilance, au respect de l'exception
culturelle dans tous les aspects de la négociation qui pourraient la
contredire, notamment lorsque sera abordé le principe d'un accord
multilatéral relatif aux investissements ;
Reconnaît,
par ailleurs, l'opportunité de l'élaboration d'un accord
multilatéral permettant de fixer le cadre juridique de l'investissement
international ;
Souhaite que, lors du débat consacré
à la détermination internationale de normes sociales minimales,
toutes assurances soient données aux pays en voie de
développement pour que ces normes ne puissent être
invoquées dans un seul but de protectionnisme, mais qu'elles
répondent au souci de protéger les droits des travailleurs ;
Demande au Gouvernement de veiller à ce que l'Union
européenne obtienne de ses partenaires commerciaux la
réciprocité des avantages qu'elle leur consentira en
matière de libéralisation dans le secteur des services, sans
préjudice du traitement particulier consenti aux pays en voie de
développement ;
S'inquiète, par ailleurs, du manque
de précision des objectifs retenus en matière de défense
de la propriété intellectuelle ; demande au Gouvernement de
soutenir toute initiative permettant d'assurer, sur le plan international, le
respect de la propriété intellectuelle, notamment en
matière d'appellations d'origine qui demeurent insuffisamment
protégées ; souhaite, en outre, l'harmonisation des
conditions de brevetabilité et des procédures de
délivrance des brevets ;
Confirme l'intérêt
qu'elle porte au renforcement des synergies entre la libéralisation du
commerce et la protection de l'environnement et des ressources
naturelles ; demande que soit formellement imposé le respect des
accords environnementaux multilatéraux et que soient prises en compte
les exigences du développement durable ;
Souhaite
également la confirmation du droit de recourir à des mesures
commerciales restrictives unilatérales fondées sur le principe de
précaution, lorsque la santé des citoyens ou la
préservation de l'environnement le justifie ;
Observe que
le Conseil a affirmé l'importance de maintenir des contacts
étroits avec les Parlements tant lors de la préparation de la
réunion de Seattle que pendant les négociations
ultérieures ; demande donc au Gouvernement d'assurer l'information
complète et régulière du Parlement sur le contenu et les
développements de la négociation, permettant ainsi la
sensibilisation des citoyens aux enjeux et avancées de celle-ci.
(1) Afrique du Sud, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Fidji, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Philippines, Thaïlande et Uruguay